L'obscurité était profonde, étouffante, comme une chape de plomb s'abattant sur la forêt endormie. Seuls les bruissements ténus des feuillages et les appels lointains des créatures nocturnes troublaient l'immobilité du lieu. L'air était chargé de l'odeur humide du bois et de la terre, un mélange âpre et sauvage qui collait à la peau.
Kael avançait sans bruit, glissant entre les troncs massifs avec une aisance animale. Son souffle était maîtrisé, régulier, ses sens en éveil. Chaque fibre de son être était en alerte, tendue vers cette présence qu'il percevait à la lisière de son territoire. Ce n'était pas une bête de la forêt, ni un ennemi connu. C'était autre chose. Quelque chose d'étranger.
Il la sentait.
Le parfum était doux, délicat, presque trop pur pour ce monde brut où la survie primait sur tout. Un effluve de peur flottait autour de cette odeur, subtil, mais bien réel. Il s'en imprégna, laissant la sensation s'insinuer en lui, éveillant une faim plus profonde, plus obscure.
L'humaine était là.
Elle n'aurait pas dû être ici. Cette forêt n'appartenait pas aux siens. Elle n'avait rien à voir avec le chaos des cités humaines, avec le tumulte artificiel du monde extérieur. Ici, c'était son domaine, son refuge, son empire de silence et d'ombre.
Il s'arrêta net.
De l'autre côté de la clairière, à peine dissimulée derrière un arbre, elle se tenait, immobile. Ses cheveux retombaient en mèches désordonnées autour de son visage, son souffle rapide formait de légers nuages blancs dans l'air nocturne. Ses yeux cherchaient quelque chose, ou peut-être quelqu'un, mais elle ne savait pas encore ce qui l'observait.
Kael sentit son cœur ralentir, l'instinct prenant le dessus. Il n'avait pas besoin de voir clairement son visage pour savoir qu'elle était différente. Pas seulement parce qu'elle était humaine. Non, c'était autre chose.
Un frisson imperceptible lui parcourut l'échine.
Elyna tourna légèrement la tête, tendant l'oreille vers un son à peine audible. Elle sentait qu'elle n'était pas seule. Son corps entier était tendu, prêt à fuir, mais quelque chose la maintenait sur place, comme une force invisible la clouant au sol.
Un pas. Presque silencieux.
Elle retint son souffle.
Puis un souffle chaud caressa sa nuque.
Elle comprit. Trop tard.
Elle n'eut pas le temps de réagir. Une main ferme, puissante, se posa sur son épaule, la forçant à se tourner. Le contact de sa peau, rugueuse et brûlante, fit naître un frisson de terreur qui se logea dans son ventre. Les yeux d'Elyna cherchèrent autour d'elle, mais tout ce qu'elle aperçut fut l'obscurité, un abîme sans fin où le moindre mouvement semblait se dissoudre dans le vide.
"Tu n'es pas d'ici."
La voix était basse, rauque, comme un murmure porté par le vent. Mais chaque mot frappait comme un coup de marteau, lourd et implacable.
Elle déglutit, son regard se levant finalement vers l'homme devant elle. Ou plutôt, ce qui en restait de l'humain. La silhouette se découpait dans la lumière de la lune, massive, imposante. Ses traits étaient durs, comme sculptés dans la pierre, et ses yeux, d'un bleu glacé, brillaient d'une intensité surnaturelle.
"Je... je suis perdue," balbutia-t-elle, mais sa voix se perdit presque dans le souffle rauque du vent.
Il ne répondit pas tout de suite. Ses yeux parcouraient chaque centimètre de son visage, lisant chaque imperfection, chaque vibration d'inquiétude dans son être. Un instant, il se figea, comme s'il avait détecté quelque chose qu'il n'avait pas prévu. Un changement infime dans l'air. Un détail qui lui échappait, mais qui pourtant le perturbait.
L'Alpha se redressa alors, se détournant légèrement. Le silence se fit plus lourd, presque suffocant. Elyna ressentait ce vide autour d'elle, cette oppression qui semblait s'intensifier à chaque seconde. Elle n'était pas une simple intruse ici. Il y avait autre chose. Quelque chose qu'il ne lui avait pas encore dit, mais qu'elle sentait au plus profond de ses entrailles.
"Tu n'as rien à faire ici," dit-il enfin, sa voix plus basse, comme une menace contenue.