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Le rĂȘve d'une chute

Le rĂȘve d'une chute

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Chapitres

Le rĂȘve d'une chute c'est le rĂ©cit de trois personnages que tout sĂ©pare. Michel, atteint du locked-in syndrom, est clouĂ© dans son fauteuil. Il laisse vagabonder sa conscience et se souvient du passĂ©. Alcoolique, Daniel est un homme qui a pourtant rĂ©ussi dans la vie. Il est apparemment heureux, mais ce bonheur est factice. L'Empereur, quant Ă  lui, appartient Ă  un monde mystĂ©rieux. EnfermĂ© dans le temps prĂ©sent et la contemplation, il va ĂȘtre rattrapĂ© par son histoire. Chacun d'eux rĂȘve d'un meurtre qui semble si rĂ©aliste et prĂ©cis qu'ils se rĂ©veilleront en Ă©tant persuadĂ©s de l'avoir rĂ©ellement commis. DĂšs lors, une question se pose : quels liens peuvent unir Michel, Daniel et l'Empereur, si Ă©loignĂ©s et si dissemblables ? Biographie de l'auteur Pour Florent Garagnani, la littĂ©rature aide Ă  vivre, Ă  s'emplir du bien et du mal, Ă  comprendre sans percevoir nĂ©cessairement de façon directe. Le rĂȘve d'une chute tire sa source de trois idĂ©es unies par la force de l'imagination et des mots qui en ont rendu possible la fusion par petites touches, tout comme Rothko mĂȘle intimement ses bandes de couleur.

Chapitre 1 No.1

Chapitre I

Sa tĂȘte reposait sur l'herbe, ses membres graduellement engourdis, baignĂ©s de soleil et enfoncĂ©s dans le matelas de verdure. Il avait le demi-globe du ciel comme horizon et les trainĂ©es de condensation des avions comme point de mire. Fermant les yeux un instant, il se remĂ©mora ses voyages, ses envies d'ailleurs et les Ă©chappatoires qui, Ă  certains moments de sa vie, s'Ă©taient prĂ©sentĂ©s. Parfois, il lui arrivait de confondre les sĂ©jours loin de chez lui avec les rĂȘveries libĂ©ratrices que son imaginaire engendrait au fil du temps.

Il n'y avait pas réellement de sens à cette contemplation ; juste celui que permettait l'angle de vision, et le confort relatif du sol. Il aimait s'y adonner, souvent, avant.

Il sortait en milieu d'aprÚs-midi de Sainte-Anne, aux beaux jours, les yeux clignant aprÚs la relative pénombre de l'hÎpital parisien, et profitait déjà d'un banc non loin de l'entrée pour s'asseoir et s'offrir sa premiÚre cigarette depuis six heures du matin. Une ambiance paisible régnait, endormie ; les vieux murs alentour participaient de cette impression, comparables à ceux d'un vieux musée oublié.

AprĂšs, il se mettait en route pour le parc Montsouris, Ă  quelques minutes de lĂ . Et il trouvait un coin d'herbe oĂč s'allonger et regarder bĂ©atement droit au-dessus de lui, pendant des minutes comme transformĂ©es en heures, en fonction de son ressenti, de la tiĂ©deur de la brise ou du bruit rĂ©gulier des tramways qui passaient non loin.

À moins que ce ne fĂ»t sur cette plage. Le sable ruisselant avait remplacĂ© l'herbe tendre, mais la brise soufflait presque de la mĂȘme façon, Ă  une note iodĂ©e prĂšs. Parfois pourtant, elle fraĂźchissait, faisant passer un lĂ©ger frisson semblable Ă  celui qui parcourt le nageur dans la mer quand il vient Ă  traverser un courant plus froid. Toutefois, ce picotement subtil ne l'incommodait pas ; il rappelait plutĂŽt que le matin se faisait encore jeune, avec une eau pareille Ă  celle d'un lac, et que bientĂŽt la brise s'Ă©clipserait, laissant place Ă  la chaleur brute, emplie du vol des insectes dans les chardons alentour.

La vision se diluait peu à peu, quand Michel entendit, d'abord de loin puis de façon de plus en plus insistante, le tintement reconnaissable d'un moniteur cardiaque. « Bonjour, M. Lombardo, comment allez-vous aujourd'hui ? On vous a branché un petit peu parce que vous n'aviez pas l'air bien ; enfin, je veux dire que vos yeux partaient un peu dans le vague. Bon, ça a l'air d'aller, je vous rassure ; pouls et tension normale, à ce que je vois, d'ailleurs je vais débrancher tout ce bazar. » L'infirmiÚre, Maryse, semblait presque vouloir s'excuser. Elle éprouvait de l'affection pour Michel, qu'elle suivait depuis deux ans. Elle ne parvenait pas, malgré son métier et son habitude, à faire abstraction de la silhouette immobile dans son fauteuil. Comme taillée dans un bloc uniforme, celle-ci veillait fidÚlement jusqu'à l'absurde, mais s'étiolait pourtant irrémédiablement depuis que Maryse la voyait presque tous les jours. Elle avait souvent l'impression de pouvoir, d'une façon un peu mystérieuse, communiquer avec Michel, ou de percevoir ses affects, réflexion d'ailleurs non dénuée de fondements.

Pour l'heure, aprĂšs avoir ĂŽtĂ© les capteurs du bras de Michel et rangĂ© le moniteur, elle regarda son patient un instant pour chercher dans ses yeux un signe quelconque ; elle ne pouvait s'empĂȘcher de le faire la plupart du temps. Elle n'y vit que son reflet rudimentaire ; Michel cligna rapidement de sa paupiĂšre gauche, et Maryse sortit.

***

L'homme qui vendit le monde... la voix nasillarde de Cobain lui revenait de temps en temps. Ou celle veloutée de Bowie, dans un genre un peu plus carnavalesque, si l'on pouvait affirmer une telle chose sans rire. Cependant, il se retenait en général de céder à de telles comparaisons ; il ne s'en sentait pas légitime, comme si parler à la maniÚre d'un critique le rendait timide. Il considérait pourtant à bien des égards que la version de Nirvana était sûrement l'un des plus beaux hommages possibles, et en tout cas une reprise magistrale d'une chanson devenue un standard pour son auteur original.

À vrai dire, au marketing parvenu Ă  nommer de toute piĂšce un mouvement, le grunge, qui ne fut mĂȘme pas un bruissement, Ă  peine organisĂ©, il opposait un sentiment de fraternitĂ© profonde pour Cobain.

Il ne considĂ©rait pas seulement son aspect d'Ă©corchĂ© vif, devenu presque banal au fil du temps Ă  mesure que tant d'autres le revĂȘtaient, mais surtout sa prĂ©tendue faiblesse au sein des mĂąles de Seattle, abrutis par la pluie et la biĂšre lĂ©gĂšre, fermement machistes, que sa musique dĂ©fiait, ainsi que son fĂ©minisme bien en avance sur l'Ă©poque.

Le cirque d'adolescents en recherche de mal ĂȘtre et d'icĂŽnes s'Ă©tait avĂ©rĂ© plutĂŽt amusant, mais une telle rĂ©cupĂ©ration proposait ce cĂŽtĂ© rĂ©pugnant et pourtant fascinant d'une Pupi sicilienne qui malgrĂ© ses gesticulations et ses dĂ©nĂ©gations finit transpercĂ©e d'une rapiĂšre et glapit en s'Ă©croulant. Cobain, quant Ă  lui, avait pĂ©ri d'un coup de fusil Ă  pompe, et la lĂ©gende de sa mort horrible, autant que celle des 27 ans fatidiques scellĂšrent son destin. Le cynisme devait toujours s'inviter dans les instants les plus improbables, surtout si le sort y mettait sa patte et dĂ©cidait que l'ĂȘtre rĂ©duit Ă  une torche humaine devait en plus expier sa modernitĂ© et brĂ»ler pour les annĂ©es Ă  venir, de souffrance et d'ivresse.

Michel eut soudain une absence. Il avait perdu le fil de ses pensĂ©es. Cela lui arrivait de plus en plus souvent. Il ne se souvenait qu'aprĂšs coup qu'une idĂ©e ou une autre l'habitait Ă  un certain moment de la journĂ©e, si bien qu'il ne parvenait pas toujours Ă  faire la diffĂ©rence entre des souvenirs conscients ou des rĂȘveries l'attrapant par inadvertance, mais il contrĂŽlait encore le phĂ©nomĂšne. Il songeait dans un frisson que le jour viendrait sĂ»rement oĂč il perdrait la direction et ne saurait plus distinguer l'Ă©ther de la rĂ©alitĂ©.

Il était 9 h 15. Sa paupiÚre clignait faiblement. L'agitation diminuait à présent, les infirmiÚres finissaient leur tournée ; les plateaux-repas débarrassés, la journée allait pouvoir s'étirer à l'infini, se perdre, se retrouver parfois, se dissoudre progressivement et tomber dans le néant. Le soir arrivait tÎt pour bien des gens. Michel, quand venait ce moment, devait remonter des profondeurs dans lesquelles le fil des heures l'entraßnait petit à petit, agité de soubresauts brusques, quand il luttait pour ne pas perdre pied.

Surtout quand Diane ne venait pas.

***

- Chambellan.

- Oui ?

- Le haut représentant de la principauté de Stuba est arrivé avec sa suite.

- Oui. Bien.

- Dois-je l'introduire dans la salle d'audience ?

- Non. Laissez-le dans l'antichambre un moment puis venez me prévenir. On n'a jamais trop de temps.

- Bien, je reviendrai dans vingt minutes si cela vous convient.

Le Chambellan ne répondit pas. Il gardait les yeux sur son ouvrage. Ogak s'inclina légÚrement et repartit dans les profondeurs du palais.

La salle, dépouillée et presque vide, ne comptait qu'un large bureau et une petite bibliothÚque. De hauts volumes en cuir y étaient disposés, gravés de lettres d'or sur la tranche. De grandes tentures recouvraient la plupart des murs, décorées de scÚnes de chasse.

L'une attirait l'Ɠil en particulier : elle figurait un roc solitaire baignĂ© d'une lumiĂšre crĂ©pusculaire qui faisait ressortir ses arĂȘtes. L'image projetait un sentiment de finitude et d'abandon, ce qui la rendait Ă  la fois splendide et dĂ©solĂ©e. La rĂ©alisation et la couleur en ressortaient si finement que d'aucuns auraient pu jurer que la vision de ce paysage s'Ă©tait directement imprimĂ©e sur le tissu sans que la main experte de l'artiste intervĂźnt.

D'ailleurs, personne dans l'empire, parmi les rares sujets qui avaient pu la contempler, ne pouvait affirmer d'oĂč elle venait. Il se murmurait que seul le Chambellan connaissait la vĂ©ritĂ©, lui qui pouvait l'observer Ă  loisir. Il se disait aussi que l'Empereur lui-mĂȘme l'avait peinte. Beaucoup en fait doutaient mĂȘme qu'elle existĂąt, et la croyance populaire l'amenait au niveau d'infinies spĂ©culations.

La grande silhouette referma le registre qu'elle remplissait depuis des heures. Elle resta un moment Ă  regarder la couverture, tout en massant lĂ©gĂšrement ses yeux endoloris. La nuque raidit sous l'effort de l'Ă©tude, et il ne put redresser la tĂȘte que lentement pour enfin regarder alentour. Ses traits se dĂ©tendaient peu Ă  peu. L'audience avec le haut reprĂ©sentant de Stuba ne serait pas nĂ©cessairement compliquĂ©e, ce qui ne manquait pas d'ĂȘtre rassurant, car tenir le registre exigeait toujours une grande concentration, d'autant que le temps allouĂ© Ă  cet ouvrage passait souvent le raisonnable.

On tapa Ă  la porte. Ogak entra :

- Pouvez-vous recevoir à présent le haut représentant ?

- Je viens. Faites-le entrer dans la salle d'audience.

- De suite.

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