Suivez le parcours initiatique d'un homme à travers le Sri Lanka, île où il espère trouver la voie de la guérison en se rendant chez un maître zen à même de l'aider dans cette quête. Accompagnez-le au gré de ses pérégrinations pour découvrir si la guérison est au bout du chemin. Pénétrez avec lui dans un monde inconnu, empreint de spiritualité et redécouvrez-vous vous-même à travers son parcours. Biographie de l'auteur Cet ouvrage est le fruit de l'intérêt que porte Cédric Larose aux civilisations orientales et leur impact sur la vie moderne. En quête permanente de sens et de spiritualité, il nous offre ici un roman qui interroge l'existence humaine.
Ce matin-là , ce fut mon téléphone qui me réveilla. Cela faisait longtemps que je ne mettais plus le réveil. Je n'en avais plus besoin. Je me réveillais tous les matins à la même heure, 6 h 25, comme si mon cerveau était programmé à l'avance par des années de réveil à cette même heure pour aller au travail.
Je n'avais pas encore les yeux ouverts que mon cerveau était déjà en mode actif, tout s'y bousculant, me renvoyant à cette angoisse matinale contre laquelle je luttais depuis maintenant quelques mois. Les psychiatres parlaient de ce mal comme d'une anxiété sévère généralisée. Pour moi, chaque réveil signifiait surtout que j'allais encore devoir me battre jusqu'au soir, espérant que cela serait la dernière journée de souffrance. J'espérais poser ma tête sur l'oreiller, ressentir une dernière fois cette douceur d'une journée qui s'arrête, et ne plus revivre le douloureux réveil. Mais il n'en était rien. Mon cerveau ne me laissait pas en paix une seule seconde, du matin jusqu'au soir, me rappelant à quel point il m'était difficile de comprendre ce que je faisais sur cette planète de dingues. « L'enfer, c'est les autres », comme disait Sartre, mais c'était loin d'être en soi une explication. Plus j'avançais en âge, plus mes questions existentielles pesaient lourd. Chaque matin était une véritable épreuve. Encore un matin. Encore un combat quotidien de dépressif anxieux à mener.
Cela dit, ce matin-là , les premières sensations furent assez déroutantes. Il me manquait la douceur de mon oreiller. Mon bras trouva le vide quand j'eus le réflexe de repousser la couette et le sur quoi j'étais allongé était loin d'être doux, pour ne pas dire carrément dur.
J'essayais d'ouvrir les yeux, me motivant à me lever, ce qui en soi était une gageure, mais je n'arrivais à en ouvrir qu'un, le second restait définitivement fermé. Manifestement, il y avait comme un truc qui clochait. Je me sentais comme une poule quand elle dort, à moins que cela ne soit encore qu'une expression sans queue ni tête, comme « un tu l'as, deux tu l'auras ». En tout cas, pour l'instant, je n'avais qu'un œil, et j'espérais bien en avoir un deuxième de nouveau en fonction très bientôt. La situation était du moins au mieux, peu banale, au pire inquiétante.
J'explorais donc en mode cyclope mon environnement immédiat. La pièce dans laquelle je me trouvais, manifestement allongé sur le ventre, ne m'était pas familière. Rapidement, je me rendis compte que je n'étais pas dans mon lit, encore moins chez moi, mais dans une pièce qui ne donnait pas envie d'en avoir une vision d'ensemble plus approfondie. Comme quoi c'est fou la vitesse à laquelle on peut trouver un point positif au fait d'avoir perdu la moitié de ses fonctions visuelles.
Ce que j'en apercevais, c'était une pièce ressemblant à une chambre d'hôtel, défraîchie par les années, papier peint fleuri au mur, avec un canevas attaché par un clou. Le dessin brodé laissait penser à un chien, une sorte de bouledogue mal peigné, avec son petit manteau en laine rouge tout délavé, allongé sur son coussin. Il semblait qu'il y avait un autre tableau au mur, mais mon champ de vision était encore trop réduit pour savoir ce que c'était. Je n'en voyais que le bord.
Mais revenons à des considérations plus terre à terre. Je me trouvais donc manifestement allongé sur le ventre, face contre terre, ou devrais-je dire demi-face contre terre. Il devait s'agir d'une sorte de parquet bon marché, ou alors franchement abîmé, vu que la sensation sur mon visage était des plus rugueuses. Il s'en dégageait en outre une odeur pestilentielle qui finit de m'installer dans l'ambiance. Je me demandais s'il n'aurait pas été tout aussi bien de perdre également une partie de mes capacités olfactives, tant l'odeur devenait juste répugnante. Mais collé au sol comme je l'étais, je n'avais pas vraiment le choix.
J'essayais alors de ne plus y penser en me concentrant de nouveau sur mon unique champ de vision. Je finissais par distinguer quelques barreaux sans savoir s'il s'agissait de barreaux de chaises ou de pieds d'un éventuel lit, et un tapis étalé grossièrement en face de moi, qui d'ailleurs ressemblait plus à une serpillière qu'à un véritable tapis. Il y avait aussi un vieux matelas tout crasseux, avec une couverture en bouchon dessus. Cette pièce avait tout d'un squat, sauf qu'elle était vide.
Où avais-je encore atterri cette fois-ci ?
Je devais bien avouer que ce genre de situation cocasse m'était devenu familier du fait que j'avais pris la méchante habitude de mélanger les médocs avec de l'alcool bon marché depuis que ma vie était partie en lambeaux, il y a quelques mois. Même si je fréquentais de plus en plus les caniveaux ou les arrière-salles de bar plutôt que les endroits comme celui-ci, cela faisait figure de grande première de me réveiller dans un lieu inconnu ; mais je n'étais pas sûr de devoir en être fier. Pour ma défense, c'était dans mon canapé que je me réveillais la plupart du temps, préférant de loin mettre fin à mes souffrances psychiques chez moi, non seulement parce que c'était somme toute plus pratique, mais surtout parce que sortir dans mon état était déconseillé par mon médecin, le même qui m'avait mis en garde contre le mélange antidépresseurs et alcool.
Cette fois-ci était donc bien une grande première, autant que je puisse me fier à mes souvenirs. J'étais manifestement parti en vadrouille, mais je ne savais vraiment pas ce qui avait pu me pousser hors de ma maison. Le trou noir complet.
Une fois cette constatation menée, je me décidais à me lever, mais je fus rapidement stoppé dans mon élan par une violente douleur au niveau de la joue. Cette dernière sensation, bien sûr inattendue, était certes désagréable, mais surtout pas franchement rassurante. J'avais la moitié du visage littéralement collée sur ce sol poisseux. Je comprenais un peu mieux pourquoi je n'y voyais que d'un œil. Il était face contre terre, juste scotché par je ne sais quoi. C'est alors qu'un effluve malsain me revint dans la narine encore disponible une sale odeur me mettant sur la voie. Je commençais à me dire que cela pourrait bien être juste du vomi séché, ce qui me donna rapidement un haut-le-cœur. J'eus le réflexe de le réprimer vitesse grand V, pensant qu'en remettre une couche n'allait certainement pas m'aider à décoller la première.
Cela me motivait d'autant plus à pousser davantage sur mes bras. Le corps finit par se lever, pour finir en position du sportif du dimanche qui essaie de faire péniblement des pompes, mais qui n'arrive qu'à lever son gros cul, la tête enfoncée désespérément dans le sol. Bref, j'avais la moitié du visage collée au sol dans mon propre vomi, enfin j'espérais presque que ce soit bien le mien, et impossible de m'en détacher.
J'avais bel et bien raison. Encore un matin pour rien, parce que franchement, se réveiller dans cet état, ça donnait envie de ne pas se réveiller du tout.
Cela dit, je ne pouvais pas rester comme ça. Je tirais de plus belle, mais c'est tenace du vomi séché. J'ai dû m'y reprendre à trois fois pour sentir la peau se détacher du sol. J'espérais juste que celle-ci soit bien restée sur mon visage, et qu'elle n'était pas en train de décorer un sol d'une couche supplémentaire, dont le parquet n'avait plus vraiment besoin. Mais ça y était. Après quelques minutes d'efforts et de douleurs, j'étais enfin debout.
Une fois sur mes jambes, je titubais quelque peu. Je ne devais pas encore être très net. Il aurait sans doute fallu me rallonger pour que mon oreille interne arrive à mettre toutes les billes dans leurs trous respectifs, mais quand je repensais au mal que j'avais eu pour me relever, je me dis que ce n'était pas forcément une bonne idée. Alors je saisis la chaise qui se trouvait à côté de moi et m'appuyais sur son dossier en attendant que cela arrête de tourner dans tous les sens.
Une fois le tour de manège terminé, je m'efforçais de reprendre mes esprits, me grattais les yeux, mais je ne voyais toujours que d'un œil. Il en restait toujours un de fermé, et l'ouvrir était juste trop pénible pour insister. C'est donc en semi-panoramique que je finissais d'explorer cette pièce.
Curieusement, elle ne m'apparaissait plus aussi sombre, mais le tableau du chien était bien réel, le tableau d'à côté aussi, représentant un arbre. Je ne pus pas m'empêcher de sourire en pensant que ce chien hideux aurait pu finalement faire ses besoins à distance, sourire qui ne fit que relancer ma douleur au visage, et me dissuada d'avoir ce type de pensées à l'avenir sous peine d'un rappel à l'ordre soudain et efficace. Sourire semblait donc ne pas être non plus une bonne idée ce matin.
Il devint urgent de voir dans quel état se trouvait mon visage, et ne pouvant pas trop compter sur mon cerveau pour me rappeler le déroulement des événements, je cherchais plus rationnel, en me mettant en quête d'une glace pour faire un état des lieux. Rien. Même pas un éclat de verre dans cette pièce délabrée. Je n'étais pas plus avancé.
Réfléchir. Il ne restait plus qu'à essayer de réfléchir, mais cela me faisait également mal à la tête. Qu'est-ce qui avait bien pu encore m'arriver pour finir dans cette pièce sordide, collé au sol. Je ne savais même pas si j'y étais venu seul. Vu que le tapis à côté de moi était poussé sur le côté, et que le sol était jonché de canettes vides, on aurait très bien pu en conclure que j'étais accompagné, et que mes invités mystères avaient réussi à se faire la malle, sans avoir à se décoller le visage du parquet. Peut-être allaient-ils refaire surface d'un seul coup et franchir cette porte avec des croissants. Mais c'est marrant, j'avais comme un doute. Cela dit restait l'idée de la porte.
Oui, il y avait une porte, donc une sortie potentielle. Je ne voyais aucune raison valable de rester plus longtemps dans cette pièce et d'en faire un inventaire détaillé, d'autant que si tout ressemblait aux deux immondes tableaux sur le mur, ça ne valait pas le détour. En plus, étant borgne, temporairement j'espère, j'aurais passé deux fois plus de temps à en faire le tour. Je me décidais donc à sortir de cette pièce au plus vite, souhaitant qu'elle ne soit pas fermée à clé pour je ne sais quelle obscure raison. Ce ne fut pas le cas. C'était la première bonne nouvelle de la journée. Au moins, je n'étais pas enfermé. Je tournais la poignée, j'étais libre.
Ce mince espoir ne dura pas très longtemps, juste le temps d'un pas, parce que l'autre côté de la porte ne donnait pas une vision très encourageante de la suite, à se demander si j'étais vraiment sorti de la pièce. Le couloir était aussi glauque que la chambre. Les rares rayons lumineux émanant du fond avaient ce genre de couleur verdâtre d'une lumière qui passe au travers d'une vitre qui n'a pas vu depuis des années l'ombre d'une éponge et d'un quelconque détergent. Mais bon, je n'allais tout de même pas faire la fine bouche, j'étais sorti de la pièce. Poussé par cet élan salvateur, je prenais donc ce couloir, tant bien que mal, et me dirigeais vers l'ascenseur.
Une fois arrivé à cette seconde étape, mon instinct me dit que vu l'état de mon environnement immédiat, il serait peut-être plus raisonnable de prendre les escaliers, car rien ne promettait que cet ascenseur soit en parfait état de marche. L'idée de rester bloqué dans un espace aussi confiné après ce réveil des plus perturbant n'avait rien de séduisant. Je n'avais cependant aucune idée de combien d'étages j'allais devoir me taper pour arriver en bas. Je regardais dans la cage d'escalier. Cela ne semblait pas très haut en apparence. Je commençais donc ma descente.
L'avantage c'était que l'escalier tournait vers la droite, je n'avais donc pas besoin de me dévisser la tête pour voir où mettre les pieds à cause de mon œil hors service et éviter ainsi une chute qui n'aurait pas arrangé mes affaires. Je n'aimais pas l'idée de passer l'arme à gauche en étant borgne du côté droit. La descente fut moins longue que prévue, et j'arrivais rapidement au rez-de-chaussée, et ce, sans croiser âme qui vive. Plus qu'une porte à franchir et j'allais sans doute avoir un début de réponse à mon interrogation du matin, où avais-je atterri ?
La porte une fois poussée, un violent éclat de lumière finissait de me rendre aveugle. Perdre un œil était déjà un certain handicap dès le réveil, alors en perdre deux en si peu de temps, c'était un peu limite. Après quelques instants, mon œil gauche s'habitua, fit les corrections nécessaires, et se remit finalement à fonctionner normalement. Je me disais que le second aurait la bonne idée de suivre le même exemple que son jumeau, mais il n'en fut rien. Il fallait se contenter de cet état de fait, et vu ma situation, je décidai que c'était déjà pas mal de n'y voir que d'un œil, d'autant plus que le spectacle qui s'offrait à moi n'avait rien d'encourageant non plus. Ne voir que d'un œil finissait même par avoir un bon côté, en l'occurrence le gauche.
Chapitre 1 No.1
16/09/2021
Chapitre 2 No.2
16/09/2021
Chapitre 3 No.3
16/09/2021
Chapitre 4 No.4
16/09/2021
Chapitre 5 No.5
16/09/2021
Chapitre 6 No.6
16/09/2021
Chapitre 7 No.7
16/09/2021
Chapitre 8 No.8
16/09/2021
Chapitre 9 No.9
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Chapitre 10 No.10
16/09/2021
Chapitre 11 No.11
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Chapitre 12 No.12
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Chapitre 13 No.13
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Chapitre 14 No.14
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Chapitre 15 No.15
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Chapitre 16 No.16
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Chapitre 17 No.17
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Chapitre 18 No.18
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Chapitre 19 No.19
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Chapitre 20 No.20
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Chapitre 21 No.21
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Chapitre 22 No.22
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Chapitre 23 No.23
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Chapitre 26 No.26
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Chapitre 30 No.30
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Chapitre 31 No.31
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Chapitre 32 No.32
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