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Les larmes d'Andromaque: Tome IV La bataille de Khafji

Les larmes d'Andromaque: Tome IV La bataille de Khafji

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Chapitres

Au Caire, Hisham a fait une brillante carrière professionnelle et jouit d'une certaine aisance financière. Il semble très amoureux de la belle Dinah, une jeune chanteuse égyptienne à la voix sensuelle et au sourire prometteur. Pourtant, Hisham porte en lui une blessure secrète qui ne cicatrise pas. Quand éclatera la crise au Moyen-Orient et que le martèlement des bottes américaines se fera plus menaçant, il n'hésitera pas à s'engager aux côtés des Irakiens. Dans le désert saoudien, il constatera avec amertume la décomposition d'un monde arabe qui longtemps a caché ses haines et ses divisions derrière une unité de façade. Pour Hisham, la Guerre du Golfe marquera la fin d'une belle utopie.

Chapitre 1 No.1

Quand une femme vous parle,

écoutez ce que disent ses yeux

V. Hugo

I

Le Caire, fin novembre 1990

Hisham se tenait accoudé à la balustrade du balcon qui surplombait le large fleuve nonchalant. Il admirait distraitement la façade somptueuse du Mariott Hôtelsur l’Île deGezirah. Il était là, immobile, depuis un long moment, sans bouger le moindre muscle, sans penser à rien de précis, puis au bout d’un moment, détachant son regard du somptueux palais et de ses magnifiques jardins, il le reporta sur le parc du Sporting Clubque domine la Tour du Caire.

Il ne faisait pas encore nuit. L’aspect du ciel égyptien, comme à l’accoutumée, était paisible et charmant. Un ciel peu commun et terriblement envoûtant. De larges bandes d’un bleu très clair s’étiraient nonchalamment sur les bords de l’horizon et se teintaient en un vert pâle et rosé lorsqu’elles se mélangeaient avec les tons dorés du couchant.

Au loin, vers le Sud, on distinguait encore d’autres lumières très nombreuses...

La vue du panorama qui languissait sous la lumière tiède et diffuse du soir rendit Hisham songeur, activant en lui de vieux souvenirs. Des souvenirs qui l’éloignèrent pendant un court instant de la réalité des choses qu’il observait. Une réalité beaucoup plus crue et moins poétique.

En effet, l’agglomération bâtie qui constitue le véritable Caire s’étendait en 1965 sur 10 km de long. Aujourd’hui, elle s’étend sur plus de 25 km couvrant la rive orientale du Nil d’un tissu urbain dense et très serré qui se poursuit encore sur une longueur d’environ 35 km. La banlieue crasseuse, qui s’est développée comme une lèpre autour de la ville, mord même sur le désert et menace maintenant d’étouffer la vieille cité. Le Caire croule irrémédiablement sous le poids de sa démographie pléthorique et incontrôlée. Les pouvoirs publics sont incapables d’enrayer le phénomène. Alors, ils laissent faire.

La plupart des Cairotes habitent des logements informels, s’entassant dans des logis insalubres, s’installant sur les toits des immeubles vétustes comme à Bolaq Al-Dakrour, un quartier populaire très surpeuplé. Certaines familles ne vivent même pas dans de véritables maisons, elles vivent avec les morts dans la nécropole du Caire, appelée cité des Morts, où sont enterrés le chanteur et acteur Farid El Atrach et sa sœur Asmahan, ou bien dans le cimetière El-Imam El Shafiequi se trouve de l’autre côté de l’avenue Salah Salam, l’artère principale du Caire.

De nombreux quartiers de la ville sont démunis d’équipements aussi élémentaires que l’eau courante, les égouts, l’électricité ou de simples routes goudronnées.

Des zones d’industries lourdes hautement polluantes, parfois franchement toxiques, ont été arbitrairement implantées, sans égard pour le site et l’environnement, à la périphérie de la ville. Le Nil, autrefois adoré à l’égal d’une divinité, est devenu par la faute des Égyptiens un immense dépotoir où se déverse toute la saleté de l’Égypte. Partout, le regard se heurte à la crasse puante et aux immondices et déchets divers avec leurs lots d’odeurs fétides. Le peuple égyptien ne réagit plus et présente tous les stigmates du dénuement et de la misère. L’Égypte s’enfonce lentement mais sûrement dans un sous-développement total.

Mais le sous-développement ne concerne pas que l’aspect économique. C’est un mal qui gangrène tout le corps social. D’une façon inéluctable, la grande Égypte amorce une phase de décomposition. Partout s’installent la violence, la corruption, la perte des valeurs morales. La paupérisation qui augmente chaque jour pousse les plus démunis vers le fondamentalisme religieux qui entraîne à son tour une crispation de la société et surtout une brutalité et une discrimination accrue à l’égard des femmes. Les rixes et les viols se multiplient un peu partout. Une partie de la jeunesse s’adonne à la drogue, les désœuvrés se shootent dans des squares publics et les plus fortunés le font dans des clubs à la mode.

Tôt ou tard, la digue qui retient ce peuple d’affamés, ces gamins loqueteux se brisera avec fracas. Aucun barrage alors, ne sera assez puissant pour contenir le raz-de-marée qui ne manquera pas d’engloutir l’Égypte.

Hisham se sentit engourdi par un bien-être physique qui le faisait doucement sombrer dans un état de demi-somnolence. Les derniers feux d’un soleil couchant déclinant, aux teintes tendres et adoucies, embrasaient le ciel de traînées pourpres. Il était ému par la beauté du paysage qui faisait naître une forme de tristesse. Hisham se redressa subitement. Son corps retrouva aussitôt sa mobilité. Il s’arracha à ces réflexions tristes et déprimantes qui n’aboutissaient en fin de compte qu’à gâcher la soirée. Pour sa part, lui ne s’était pas trop mal débrouillé. Il avait acquis un somptueux duplex dans le coin le plus huppé du Caire, sur la Corniche El Nil, au nord du quartier résidentiel de Garden City, en plein centre-ville et travaillait en qualité de responsable de service dans le siège d’une importante organisation internationale, au sein du service financier.

Les débuts ne furent pas faciles, mais grâce à l’argent et aux relations importantes qu’il s’était forgées, il pouvait jouir d’une vie facile dépouillée des tracas quotidiens de la société cairote. Avec persévérance, il avait installé autour de lui un luxe exagéré, une ouate de bien-être et de sécurité, qui lui permettaient de souffrir de façon moins vulgaire et atténuée. Les nombreux tableaux accrochés aux murs, les lithographies numérotées, les gravures anciennes et les bronzes signés lui fournissaient une illusion de poésie rassurante, un semblant de beauté, qui l’aidaient à oublier la laideur qu’il côtoyait quotidiennement.

Dans son salon, une grande bibliothèque en bois sombre occupait toute une paroi. Elle regorgeait de livres rares et précieux, pour la plupart, élégamment reliés, qu’Hisham avait rapportés avec lui de Paris.

Hisham considérait ses livres comme ses meilleurs amis, des amis véritables qui ne l’avaient jamais déçu et avec lesquels il avait passé les meilleurs moments de sa vie.

Un sourire crispé étira ses lèvres. Au fil du temps, il s’était constitué un réseau de relations très utiles. Son carnet d’adresses était bien fourni. Mais il avait peu d’amis proches et il était convaincu que c’était en grande partie sa faute.

Hisham aimait l’Égypte. Aussi bien l’Égypte des pharaons et de Cléopâtre, que celle des califes. Il avait étudié ses dieux, son histoire, sa géographie, la biographie de ses grands personnages. Les premiers temps, son amour pour ce beau pays qu’il aimait le rendait indulgent envers ses habitants. Sa tendresse bienveillante lui faisait pardonner leurs nombreux travers.

Mais le comportement détestable qu’il observait tous les jours de la part des Égyptiens avait eu raison de sa patience. Ces derniers avaient fini par ternir l’image bien écornée de la belle Égypte, celle qu’il avait chérie et portée dans son cœur de lycéen.

En contact direct et permanent avec le peuple égyptien, se frottant quotidiennement à leur médiocrité, à leur insuffisance, il ne se faisait plus d’illusion sur la réalité de l’Égypte moderne.

Comme toujours, en face d’un problème ou d’une situation complexe, Hisham privilégiait l’observation. Avant de porter un jugement définitif, il faisait d’abord le tour de la question.

Dans les rues, dans les cafés, dans un taxi ou bien à la poste, il prenait des notes, il interrogeait les gens, qu’ils soient musulmans ou coptes, vêtus en tenue occidentale ou bien en tenue traditionnelle. Il étudiait minutieusement les différentes ethnies qui composent le peuple égyptien. Il analysait les rapports qu’entretenaient les musulmans avec les coptes. Il se rendait souvent sur les lieux fréquentés par les gens pauvres du Caire. Il comparait les fidèles des mosquées avec ceux des églises du quartier copte. Mais surtout, il essayait de comprendre cette frustration étrange et violente qui animait les hommes égyptiens, en particulier les jeunes. Au cours de ses déambulations solitaires, il se posait beaucoup de questions qui restaient souvent sans réponse. L’avidité de la femme, qu’il remarquait chez les hommes, n’avait d’égale que la haine qu’ils lui vouaient.

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