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Le syndrome d'Aurélie

Le syndrome d'Aurélie

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Recruté par le fondateur d’une entreprise pour la sauver de la faillite, Henri suscite l’animosité et les rancœurs des autres membres de la famille, lors de l’exécution de sa mission. Entre malversations coupables, quiproquos sentimentaux et jalousies malsaines, Henri se fraye avec difficulté un chemin vers l’amour et le bonheur. Pourtant, les nombreuses embûches régulièrement et volontairement placées sur sa route le contraignent à prendre des décisions complexes et irréversibles qui lui compliquent sérieusement la tâche. Atteindra-t-il son but ? À PROPOS DE L'AUTEUR Ancien créateur et directeur d’entreprise, Pierre Boutillon apprécie beaucoup la citation de Guillaume d’Orange : « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer » dont la première partie correspond tout à fait à son état d’esprit lors de l’écriture de son premier livre, Un village oublié, publié en novembre aux Éditions de l’Onde, et la seconde durant la rédaction du deuxième Le syndrome d’Aurélie.

Chapitre 1 No.1

Édouard

Petit à petit, la pénombre gagnait la pièce. À 16 heures, le ciel bas et crasseux de novembre n’accordait aucun répit au jour finissant. Malgré l’immense porte-fenêtre donnant sur le parc, la grande chambre sombrait dans l’obscurité. Les épaisses tentures, les boiseries patinées, le parquet à chevrons, les tableaux aux cadres dorés, confisquaient le peu de lumière s’infiltrant encore dans l’endroit.

En face d’une imposante commode en bois de rose, au fond d’un lit Louis XV, Édouard Chantegros, grand capitaine d’industrie, achevait doucement sa vie. Terrassé par un cancer du poumon en phase terminale, c’est à peine si on le devinait, enfoui au milieu des oreillers et des couvertures. Très amaigri, les traits creusés, ses mains décharnées reposaient sur une sorte de sous-main installé devant lui. La perfusion plantée dans son bras et les minces tubes transparents l’alimentant en oxygène accentuaient encore cette impression de délabrement.

Deux jours plus tôt, une réunion de famille, convoquée par ses médecins à la clinique où il séjournait encore, statuait sur la conduite à tenir. Les plus grandes sommités locales l’avaient opéré, puis soigné du mieux qu’ils pouvaient, mais la maladie gagnait le combat.

Dans la salle de la clinique, son épouse Henriette, belle femme distinguée et élégante malgré les circonstances, sa fille Chloé, et ses deux fils Damien et Guillaume attendaient impatiemment les médecins. Ils arrivèrent un peu en retard, et la mine sombre que tous trois affichaient n’augurait rien de bon. Ayant gravement salué la famille, le chirurgien prit la parole, sur un ton calme mais déterminé. Il annonça que deux options s’offraient encore : soit une nouvelle opération, mais qui, compte tenu de l’avancement de la maladie, confinait à l’acharnement thérapeutique avec des chances de réussite presque nulles, soit augmenter jour après jour les doses de calmants, et, malheureusement, laisser la nature achever son œuvre destructrice. Les trois médecins se levèrent ensemble, enjoignant la famille à délibérer seule, mais Henriette, femme forte s’il en est, leur intima de se rasseoir.

Elle déclara alors que sa décision était prise, Édouard serait reconduit chez lui, et demanda aux médecins de tout faire pour limiter ses souffrances. Les enfants acquiescèrent, jamais aucun d’entre eux n’aurait osé s’opposer à la volonté de leur mère, a fortiori en ce triste moment.

À la sortie, Chloé attira le chirurgien à l’écart et lui demanda combien de temps Édouard pourrait encore vivre dans cet état. La réponse, évasive, pronostiqua une question de jours, une semaine tout au plus… Chloé fondit en larmes, le chirurgien la prit par l’épaule pour la consoler.

De retour dans sa demeure, d’un geste las, Édouard sollicita l’allumage de la petite lampe disposée à côté du lit. Deux autres hommes occupaient la pièce. D’abord Maître Gasquier, notaire attitré de la famille depuis de nombreuses années, dont le père conseillait déjà celui d’Édouard. Dans ces villes de province, les dynasties de notaires accompagnent souvent celles de notables. Maître Gasquier, petit, la cinquantaine rondouillarde, demi-couronne de cheveux derrière la tête, costume strict gris foncé à rayures et gilet du même tissu, arborait une cravate noire, accrochée à la chemise blanche par une épingle dorée assortie aux boutons de manchettes. Des souliers vernis complétaient sa tenue. Il s’exécuta pour l’allumage de la lampe. Le second visiteur n’était autre qu’Henri, le directeur général de l’entreprise. La quarantaine, plutôt bel homme, grand, mince, sportif, vêtu plus simplement, veste de laine marron et pantalon vert bronze. À peine de retour, Édouard avait convoqué les deux hommes, en précisant « rapidement », et exigé que personne d’autre qu’eux trois n’occupe la chambre. Même l’infirmière présente en permanence avait été priée de quitter la pièce, mais sans trop s’éloigner…

Chacun assis sur une chaise, juste à côté du lit, leur serviette sur les genoux en guise d’écritoire, Henri et le notaire échangeaient des documents qu’ils annotaient à tour de rôle. Quelques-uns cheminaient jusqu’à Édouard, posés délicatement devant lui. Il les regardait, derrière ses épaisses lunettes, mais les lisait-il vraiment à la lumière blafarde de la lampe de chevet ? Ses deux visiteurs en doutaient, se jetant des regards furtifs et entendus pendant la soi-disant lecture. Puis, d’une main malhabile, tremblante et lasse, Édouard signait. Un chéquier circulait également entre les trois hommes, imposant quelques signatures supplémentaires à Édouard. Probablement les derniers détails d’une succession compliquée et embrouillée. Ou peut-être, tout autre chose ?

À un moment, par un faible signe, Édouard demanda à Henri de s’approcher, et au notaire de s’éloigner. Penché sur le lit, son oreille tout contre la bouche d’Édouard, Henri écoutait le filet de voix lui parvenant, discernant à peine le sens des paroles, et prononçait lui-même quelques mots. Dans un ultime effort, le malade posa sa main sur l’épaule d’Henri, et la tapota doucement. Puis, dégageant sa main, Édouard se tut. Henri se redressa, les yeux embrumés, et s’écarta du lit. Les yeux clos, seul le léger mouvement du drap témoignait du sommeil d’Édouard. Il vivait toujours, mais pour combien de temps ?

Retournés en silence dans le couloir, les deux hommes croisèrent l’infirmière qui prenait le relais. Leur discussion dura encore un bon moment, chacun fourrait des documents dans sa serviette, en extrayait d’autres, afin de procéder à des échanges. Enfin une poignée de main marqua leur séparation.

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