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Voilà une semaine que les vacances avaient commencé pour Anna et il était temps, s’était-elle dit en achevant son dernier examen. Cette année de faculté avait été longue et difficile mais elle s’en était plutôt pas mal sortie et les longues vacances d’été venaient récompenser ses longs mois de dur labeur. Elle allait enfin pouvoir revoir sa famille et ses amis. Malheureusement, toutes les histoires ne commencent pas bien et pendant qu’Anna achevait ce dernier examen, son grand-père, lui, s’éteignait dans son sommeil. Ce fut sa dernière sieste.
Anna était triste de ne pas avoir revu son grand-père avant sa mort, elle était très proche de lui et l’avait un peu perdu de vue ces dernières années à cause de ses études. Leur dernière conversation, elle s’en souvenait, c’était à Noël. Il lui demandait comment se passaient ses études, si elle avait un petit copain, les interrogations habituelles d’un vieil homme. Elle aurait préféré le revoir mais elle n’avait pas pu rentrer depuis les fêtes. Et après des mois d’absences, elle revenait enfin chez elle et lui en était parti. Les larmes lui venaient à ces pensées, quand le réveil se mit à sonner. Foutu réveil, pensa-t-elle, déjà huit heures, il fallait se lever mais elle n’y arrivait pas. Elle n’en avait ni la force ni l’envie. Surtout en pensant à la journée qui l’attendait, enterrement puis repas avec la famille afin de rendre un dernier hommage à son aïeul.
— Anna ? Lève-toi, j’entends ton réveil, lui cria sa mère.
Elle se résolut à se lever, à contrecœur, et descendit dans la cuisine. La pièce était lumineuse et elle mit une à deux minutes à s’accommoder tandis que sa mère lui servait son petit déjeuner. Elle s’installa à la grande table en bois au milieu de la pièce, en face de sa mère qui était déjà habillée pour l’occasion.
— Je sais que c’est dur mais mange un petit peu et prépare-toi, il ne faudrait pas que l’on arrive en retard aux funérailles de ton grand-père Fernand.
— Oui, maman, lui répondit-elle, où sont papa et Will ?
— Ton père et ton petit frère sont en train de finir de se préparer là-haut.
Anna but rapidement un café et mangea la moitié d’un croissant sous les ordres de sa mère et remonta se préparer. Après un brossage de dents, de cheveux et une pointe sobre de maquillage, elle retourna dans sa chambre enfiler sa tenue pour l’enterrement et redescendit retrouver sa famille qui l’attendait en bas.
— Tu es magnifique, ma chérie, lui dit sa mère quand elle descendit la dizaine de marches qui menait à l’étage de la maison.
— Merci, maman, lui rétorqua-t-elle sans trop d’enthousiasme.
Elle avait laissé ses longs cheveux noirs détachés, mis un peu de mascara pour faire ressortir ses jolis yeux marrons, mis simplement une pointe de rouge à lèvres, rien de bien exceptionnel mais sa mère la trouvait tout de même magnifique. Les mères ne sont pas toujours objectives. Tous étaient prêts, son petit frère, qui la dépassait déjà d’une tête alors qu’il n’avait que quatorze ans et elle vingt, était habillé comme leur père avec un costume noir, chemise blanche et cravate noire. Sa mère était, elle, en tailleur noir et avait coiffé ses cheveux en chignon. Tous s’installèrent dans la voiture. Anna conduisait, elle avait décroché son permis de conduire l’année passée mais n’avait quasiment pas retouché un volant depuis, les transports en commun étant plus pratiques que la voiture à Paris. Sa mère s’installa à côté afin de la surveiller et de la rassurer tandis que son père et son petit frère montèrent à l’arrière. Le voyage jusqu’au cimetière se fit en silence et sur place, tout le monde était déjà présent. Il y avait son oncle paternel, récemment divorcé avec ses deux garçons, sa grande tante et quelques amis de son regretté grand-père. Sa grand-mère paternelle était décédée des années auparavant et il était donc venu pour lui le moment de la rejoindre. Après des bonjours larmoyants, tout le monde prit place et les funérailles commencèrent. Anna fixa la tombe où était gravé « Fernand Ludovic Moreau, 20 avril 1935 – 6 juin 2019, père et mari aimant » durant la quasi-totalité de la cérémonie.
Durant l’office, son père ainsi que son oncle prirent la parole pour rendre un dernier hommage à leur père et cet enterrement s’acheva avec un dépôt de fleurs sur le cercueil. Anna était entre son petit frère et sa mère et quand vient son tour, elle s’arrêta quelques secondes pour regarder le cercueil dans ce trou qui devient la dernière demeure de son regretté grand-père qu’elle aimait tant. Elle y lança sa rose blanche tandis que les larmes lui montaient aux yeux et attendit d’être un peu éloignée pour éclater en sanglots.
Le reste de la journée fut fort pénible et long pour elle, il y eut tout d’abord le déjeuner avec toute la famille où chacun se remémorait les bons moments passés avec papi Fernand, certaines histoires étaient très récentes, lui rappelant qu’elle ne l’avait pas vu depuis des mois et comme si tout ceci ne suffisait pas, le notaire avait choisi ce moment opportun pour les convoquer pour l’héritage. Elle dut raconter de nombreuses fois sa vie d’étudiante dans la capitale car, comme pour son grand-père, les membres de la famille présents ne l’avaient pas revue depuis les fêtes. Il y avait toujours les mêmes questions qui tournaient en boucle, « Comment se passent tes études ? », « La vie dans la capitale se passe bien ? », « Arrives-tu à te faire des amis ? » et la classique « Est-ce que tu as un petit copain ? ». Elle avait tellement de fois répondu à ces questions durant le repas qu’elle avait fini par connaître par cœur le speech qu’elle prononçait à chaque fois. Le repas se termina enfin et, petit à petit, les convives partirent les uns après les autres. Il était plus que temps, se disait-elle, cette journée et surtout le repas lui avaient paru interminables. Après avoir tout rangé et mis en marche le lave-vaisselle, Anna alla se coucher tandis que le reste de sa famille regardait un film à la télévision.
La semaine entre l’enterrement et le rendez-vous chez le notaire ne fut guère remplie, elle occupa le plus clair de son temps à regarder des séries sur son ordinateur, répondre à ses amies de faculté qui lui demandaient comment c’était passé la cérémonie et donner quelques nouvelles à ses amies d’enfance. Comme ses deux meilleures amies, Elsa et Janie, n’étaient pas encore revenues, elle resta cloîtrée pendant une semaine dans sa chambre.
Le jour fatidique du rendez-vous chez le notaire Maître Albertazzi arriva, elle s’y rendit avec sa famille. Ils retrouvèrent l’oncle Ludovic qui était venu seul, alors qu’eux avaient fait le déplacement en famille, le notaire ayant demandé, à la surprise générale, à ce qu’Anna soit présente. Ils attendirent un bon quart d’heure, dans la salle d’attente, les sièges étaient très confortables, et au centre se trouvait une magnifique table en verre avec nombre de magazines. Sa mère eut le temps de lire la moitié d’un, tandis qu’elle préférait rester sur son téléphone. Son père, son frère et son oncle, quant à eux, discutaient entre eux. La secrétaire, une magnifique jeune fille brune qui devait être à peine plus âgée qu’elle, vint les chercher et les escorta jusqu’au bureau du notaire. Il les reçut dans une immense pièce, entre les grandes fenêtres se trouvaient des statues, il y avait beaucoup de luminosité avec ce magnifique soleil de la fin du mois de juin, ainsi que des tableaux d’art moderne sur les murs, certains étaient très laids pour elle, mais elle n’était pas très connaisseuse. Ils devaient peut-être valoir une fortune. Âgé d’une petite soixantaine, Maître Albertazzi devait bien gagner sa vie. Il était aussi grand que son père et seuls quelques cheveux poivre et sel parcouraient encore les côtés de son crâne.
— Bonjour messieurs dames, installez-vous, dit-il en se levant et en leur indiquant les sièges devant son bureau, vous êtes la famille Moreau. Successeur du regretté Fernand Ludovic Moreau ?
— Exactement, répondit son père.
— Messieurs Benoit et Ludovic Moreau, comme vous le savez, à la demande de votre père, sa demeure va être vendue ainsi que la plupart de ses biens et l’argent de la vente sera partagé entre vous deux.
— Oui, notre père nous avait prévenus à la mort de notre mère que le jour où il partirait à son tour, la plupart de ses biens seraient vendus, répondit l’oncle.
— Très bien, cependant votre père m’a laissé quelques directives, tous ses petits enfants vont recevoir un peu d’argent laissé sur différents comptes, ils en auront la jouissance à partir de leur vingt et unième anniversaire.
Il mit quelques secondes à retrouver le papier en question, il avait tellement de dossiers sur son bureau et semblait aussi organisé qu’Anna ! Il prit ses lunettes soigneusement rangées dans la poche de veste de son costume gris. Les parents d’Anna, ainsi que son oncle, furent agréablement surpris du montant de la somme léguée à chacun de leurs enfants. Fernand les aimait beaucoup et leur léguait de quoi bien démarrer dans la vie alors qu’il aurait pu en profiter un maximum de son vivant. Le notaire continua d’exposer l’ensemble des volontés du grand-père puis s’adressa à elle.
— Ton grand-père avait une dernière chose à te donner mais pour te la remettre j’ai besoin de te voir en privé, ta famille va devoir attendre dehors.
— D’accord, répondit Anna surprise.
La famille étonnée sortit du bureau, le notaire avait demandé qu’elle soit présente, mais personne ne s’attendait à ce que ce soit si secret. Qu’allait-il donc lui dire ? Et qu’est-ce que son grand-père avait décidé qui nécessitait une telle confidentialité ?
— Voilà, comme tu as vingt ans, donc majeure, ton grand-père m’a demandé explicitement de te remettre ceci en main propre et discrètement.
Il lui tendit une grande enveloppe blanche avec juste son prénom inscrit dessus. Elle reconnut son écriture. En prenant l’enveloppe, elle sentit quelque chose de dur, ce n’était pas qu’une lettre. Il y avait quelque chose en plus à l’intérieur mais quoi qui justifiait cette confidentialité ?
— C’est tout ? Tout ce secret, juste pour une lettre ! dit-elle méprisante, c’était fortement exagéré !
— C’est peut-être un peu extrême mais ton grand-père y tenait. Il serait d’ailleurs préférable que tu l’ouvres chez toi et que tu n’en parles pas à ta famille. Tu dois sûrement l’ignorer mais ton regretté grand-père et moi-même étions de vieux amis.
— Pourquoi n’étiez-vous pas à l’enterrement dans ce cas ? demanda-t-elle un peu agressive.
— C’est compliqué, cela aurait été un risque pour moi et ta famille, je pense que ton grand-père t’explique ceci dans son message.
Ces dernières phrases décontenancèrent au plus haut point Anna, qui trouvait cela de plus en plus absurde. Être aussi secret pour une simple lettre était déjà bizarre et légèrement extrême mais alors comment venir à l’enterrement d’un ami aurait pu mettre en danger sa famille et cet homme ?
Elle accepta tout de même de jouer le jeu pour son grand-père, cacha la missive dans son sac à main, se leva et quitta le bureau du notaire. Sa famille l’attendait dans le couloir.
— Alors que te voulait-il ? lui demanda sa mère.
Elle ne savait pas trop quoi répondre et détestait mentir en général mais là elle n’avait pas vraiment le choix.
— Rien… Il m’a juste fait signer quelques papiers.
C’était assez crédible heureusement, ses parents ne cherchèrent pas à en savoir plus : tant mieux. Une fois rentrée, Anna alla cacher la lettre dans sa chambre pour l’ouvrir plus tard, quand tous seraient couchés. Une peu plus tard, elle reçut un message d’Adrien, son meilleur ami qui après le baccalauréat était en faculté dans la région tandis qu’elle était partie à l’autre bout de la France. Il venait de terminer son année et, ayant appris qu’elle était rentrée à Grenoble, il voulait absolument la revoir. Ils discutèrent une bonne partie de la soirée avant de se donner rendez-vous le lendemain. Après le dîner, elle remonta dans sa chambre, ferma le loquet de sa porte, alluma son ordinateur qu’elle posa sur une petite table à côté de son lit, s’emmitoufla dans sa couverture pour regarder sa série sur des vampires. Elle affectionnait ce genre de série qui mêlait créatures fantastiques, romances et mystères. Elle jalousait aussi l’héroïne de sa série à qui il arrivait de nombreuses aventures aux côtés de beaux garçons prêts à tout pour la défendre. Cette jeune fille avait une vie trépidante et dangereuse alors qu’elle, elle était célibataire et sa seule aventure était ses voyages en train entre Grenoble et Paris pour ses études. Elle s’imaginait quelques fois, lors de ses longs trajets, vivre des aventures comme ça, où elle rencontrerait un beau jeune homme avec un lourd secret qui lui ferait vivre moult aventures ainsi qu’une romance que l’on ne voit que dans les films ou les livres. Mais elle revenait rapidement à la réalité car la magie, les êtres surnaturels n’existaient pas dans la vraie vie. Plusieurs épisodes défilèrent et, luttant contre le sommeil, elle finit par s’endormir. Elle se réveilla au milieu de la nuit, regarda son réveil :presque deux heures du matin, elle éteignit son ordinateur et allait se rendormir quand elle se rappela qu’elle avait oublié la lettre. Zut ! se dit-elle, elle devait l’ouvrir, découvrir ce que son grand-père lui avait légué. Elle alluma la petite lampe de sa tête de lit, sortit la missive de sa cachette et l’ouvrit aussitôt. Elle contenait une clé en argent avec un bout en forme de pic et une lettre manuscrite. Elle lut cette dernière :
Ma très chère Anna,
Si tu lis cette lettre, c’est que je suis parti avant que l’on ait eu l’occasion de se revoir une dernière fois et j’en suis désolé. Bien que le moment soit venu pour moi de rejoindre ta grand-mère, je voudrais que tu saches que j’ai toujours été incroyablement fier de ma petite fille.
Elle arrêta la lecture les larmes aux yeux et mit quelques minutes à calmer ses spasmes avant de reprendre.
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