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Les amants d'outre-temps - Tome 2

Les amants d'outre-temps - Tome 2

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5.0
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Chapitres

Naples de nos jours, au cours d'une belle nuit estivale, dans un cimetiĂšre antique Ă©clairĂ© par le ballet des Ă©toiles et les rayons de lune. Damon : Mais quelle est cette magnifique jeune femme vĂȘtue telle une princesse mĂ©diĂ©vale Ă©garĂ©e au milieu des tombeaux ? Est-ce un revenant ou est-elle bien de chair ? MircĂ©a : Mais qui est donc ce sĂ©millant sorcier qui, d'une seule incantation, pourfend les tĂ©nĂšbres ? Il m'a ensorcelĂ© pour le pire ou le meilleur. Une rencontre fortuite ou non entre deux Ă©poques et deux espĂšces dans un monde oĂč un maelstrom menace. Une histoire torride d'un amour fusionnel alors que plane un mystĂ©rieux danger sur le secret des Basarab. À PROPOS DE L'AUTEUR PassionnĂ© par les mythes, Jean Duruy, aprĂšs avoir dĂ©livrĂ© une saga johannique avec MĂ©moires Sanglantes, renouvelle Ă  la fois la littĂ©rature fantastique et le personnage historique de Vlad Tepes.

Chapitre 1 No.1

Chapitre 1Une rencontre insolite

La nuit napolitaine Ă©tait douce, comparĂ©e Ă  la touffeur du jour, en ce mois estival de juillet. Le ciel, peu couvert, formait un dais somptueux, tissĂ© de soie noire, ponctuĂ© d'une myriade de points lumineux se rassemblant en constellations plus ou moins Ă©vocatrices pour qui savait rĂȘver en se perdant dans leur contemplation. La lune, pleine, souriait aux habitants de la baie enchanteresse. Non loin du Parco Archeologico Sommerso di Baia, dans un vieux cimetiĂšre isolĂ© adossĂ© Ă  une Ă©glise romane, les alignements de croix en granit conduisaient les rares visiteurs devant le spectacle de duel de gisants ou de rangĂ©es d'altiers tombeaux richement sculptĂ©s. Au cƓur de ce jardin de pierres, on n'entendait guĂšre que les Ă©chos lointains du ressac de la mĂ©diterranĂ©e venant se fracasser contre les rochers volcaniques crachĂ©s par le VĂ©suve au cours des siĂšcles.

Mircea aimait par-dessus tout cette ambiance de quasi-silence monacal incitant au recueillement et de solitude absolue. Elle y retrouvait le reflet de ses propres sentiments et de son humeur constante.

En apparence, cette jeune fille Ă©tait de constitution frĂȘle et de taille menue. Son visage formait un demi-ovale parfait au menton presque effacĂ©. Son nez fin, lĂ©gĂšrement retroussĂ©, soulignait le tracĂ© de ses lĂšvres pulpeuses d'un rouge Ă©carlate. Un rouge qui attirait d'autant plus le regard qu'il tranchait vivement avec sa peau blanche, tellement laiteuse qu'elle semblait diaphane. Sa chevelure, simplement ornĂ©e d'un serre-tĂȘte de tissu et de perles qui se prolongeait par un lĂ©ger voile de mousseline, Ă©tait noire comme les plumes d'une corneille, et dĂ©valait en cascade de boucles anglaises jusqu'aux hanches Ă©troites de la jeune femme. Celle-ci Ă©tait chaussĂ©e de fines pantoufles de vair, d'une chainse1immaculĂ©e et par-dessus cette derniĂšre d'une robe Ă  tassel2dont les nuances de cobalt rappelaient celles des yeux de sa jolie propriĂ©taire. N'Ă©voquer que la couleur de la vĂȘture serait faire injure envers la qualitĂ© de l'Ɠuvre du maĂźtre artisan drapier qui en Ă©tait l'auteur. Car ce tissu azurĂ© Ă©tait brodĂ© sur toute sa surface de motifs floraux Ă  l'aide de fils d'argent. Les manches, ainsi que l'encolure en V et l'ourlet du vĂȘtement, se paraient de fourrures noires. Sur ses hanches reposait une fine ceinture en cuir dont une extrĂ©mitĂ© redescendait entre ses jambes Ă©lancĂ©es, presque jusqu'au rebord de ladite fourrure. AccrochĂ©e Ă  cet Ă©lĂ©gant baudrier pendait une superbe aumĂŽniĂšre en brocart armoriĂ© sur laquelle quelques perles aux couleurs de la sorgue3Ă©taient cousues Ă  l'aide de fils d'or.

S'il n'y avait eu le cadre lugubre et les ténÚbres de la nuit, une fillette qui serait passée par-là aurait sans nul doute songé avoir croisé Blanche Neige aprÚs son mariage avec le prince charmant ; ou plutÎt, vu les yeux humides et l'air désespéré de la donzelle, aprÚs son veuvage. Toutefois, les fillettes ignorent que l'histoire ne se termine pas toujours par : « Ils se mariÚrent et eurent beaucoup d'enfants ! » Leurs parents les en préservent soigneusement.

La jeune femme, qui, à y regarder de plus prÚs, devait avoir une vingtaine d'années au compteur de sa vie, était assise sur un banc de pierre, en face d'un tombeau familial imposant entiÚrement construit en albùtre. Le fronton de l'édifice, en forme de temple gréco-romain aux colonnes de style corinthien, portait une inscription gravée au burin en caractÚres gothiques : famiglia Nicolae.

C'Ă©tait dans ce mausolĂ©e d'inspiration classique, typique de la renaissance italienne, le quattrocento, que reposait, depuis un temps dont elle avait perdu toute notion, l'homme qu'elle avait tant aimĂ©. L'homme qu'elle aimait toujours malgrĂ© son absence pour cause de dĂ©cĂšs au combat face aux Ottomans. C'Ă©tait lĂ , entre ces marbres et ces stucs, que gisait son cƓur fracassĂ©. La funeste nouvelle l'avait entiĂšrement brisĂ©e, anĂ©antie. Son ami, son amant, son Ă©poux, s'en Ă©tait allĂ© pour toujours et Ă  jamais. Le temps s'Ă©tait alors arrĂȘtĂ©, figĂ©, comme si elle s'Ă©tait rĂ©signĂ©e Ă  ne plus avancer sans lui. Comme si, dĂ©sormais, diminuĂ©e de sa moitiĂ©, elle ne pouvait plus ĂȘtre que l'ombre Ă©vanescente d'un fantĂŽme.

Sa sƓur aĂźnĂ©e, Mariah, et son pĂšre, Vlad, avaient bien essayĂ© de la distraire, de la faire sourire Ă  nouveau... En vain ! Elle avait refusĂ© obstinĂ©ment de s'alimenter ou de s'abreuver, avide de rejoindre sa moitiĂ© dans l'au-delĂ  aprĂšs son trĂ©pas. La voyant se dĂ©shydrater rapidement, son pĂšre se dĂ©sespĂ©rait Ă  l'idĂ©e de perdre la plus jeune des quatre enfants de son second mariage. Elle avait en effet un frĂšre, MihnĂ©a et une autre sƓur Zaleska. Finalement, son pĂšre l'avait contrainte Ă  prendre une mixture quotidienne destinĂ©e Ă  la maintenir en vie contre sa volontĂ©. MalgrĂ© son souhait de pĂ©rir, Ă  chaque fois qu'elle connaissait un instant de luciditĂ©, craignant le courroux paternel, elle se rĂ©signait Ă  ingurgiter chaque soir un grand bol de cette prĂ©paration vivifiante.

Le temps devait s'ĂȘtre envolĂ© sans qu'elle s'en rendĂźt compte, tant elle s'Ă©tait enferrĂ©e dans son refus de faire son deuil. Un jour, Mariah s'en Ă©tait allĂ©e vivre ailleurs. Mais Mircea Ă©tait bien incapable de se souvenir si cela s'Ă©tait produit la veille ou infiniment plus avant dans le temps. Elle n'avait point trouvĂ© au plus profond d'elle-mĂȘme les ressources pour s'en inquiĂ©ter. Il y avait Ă©galement eu rĂ©cemment l'apparition d'une femme, dont elle ignorait tout, et qu'elle ne pouvait situer sur la ligne du temps. Sans compter moult Ă©vĂšnements extĂ©rieurs qu'elle avait ignorĂ©s, incapable d'interagir le moins du monde avec les siens, prĂ©fĂ©rant la monotonie de sa nuit sans fin aux renouvellements promis par le cours normal d'une existence. ImmunisĂ©e aux petits tracas familiaux et aux grandes crises mondiales, sa conscience niait les affres du temps. Son esprit s'Ă©garait en vaine contemplation devant le tombeau oĂč reposaient Ă  la fois son Ăąme et la dĂ©pouille mortelle de l'homme de sa vie.

Cette nuit s'Ă©coulait bien trop vite Ă  son grĂ©. BientĂŽt, au chant du coq, elle regagnerait sa chambre pour une nouvelle journĂ©e de repos sans rĂȘves. Un Ă©tat second qu'elle souhaitait fuir comme tout ce qui pouvait l'Ă©loigner du souvenir de son cher et regrettĂ© Marco.

Elle avait dĂ©sormais tellement l'habitude d'ĂȘtre seule en ces lieux, Ă  ces heures indues, qu'elle crut d'abord que le jeune homme qui entrait Ă  cet instant dans le cimetiĂšre n'Ă©tait qu'une illusion. À moins qu'elle ne se soit endormie et qu'elle faisait un rĂȘve Ă©trange ou encore, qu'en songe, elle affrontait quelque phantasme venu perturber son cerveau assoupi.

Intriguée, elle cessa de laisser sa conscience divaguer en pérégrinations douloureuses sur le passé et sur son amour perdu, afin de détailler l'intrus et, si possible, de deviner s'il représentait une menace pour sa sécurité... AprÚs tout, elle était une jeune femme, seule en des lieux par définition peu fréquentés surtout en fin de nuit.

HabituĂ©e Ă  sa vie de noctambule et nyctalope, profitant en outre des ultimes lueurs jetĂ©es par SĂ©lĂ©nĂ©, l'astre nocturne, et par son arĂ©opage stellaire, elle se targuait d'y voir bien mieux dans les tĂ©nĂšbres que la plupart des humains en plein jour. Elle se surprit donc Ă  examiner l'individu errant entre les sĂ©pultures sous toutes ses coutures. Elle s'Ă©tonna de prime abord de la vĂȘture du jouvencel. Son esprit ne put se raccrocher au champ de ses connaissances trop restreintes dans le domaine de la mode masculine.

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