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Seulement un père

Seulement un père

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Chapitres

Jenny est victime d’inceste jusqu’à ses 16 ans. En avouant la vérité, elle ouvre plutôt la boîte de Pandore et se retrouve toute seule. La colère, le refus et le jugement des autres l’envahissent. Un bouleversement inattendu la forcera alors à pardonner l’impossible et elle devra surmonter toutes les épreuves qui s’abattront sur elle. L’amour de Jérôme lui suffira-t-il pour s’en sortir ? Elle ne voulait pourtant qu’un père… À PROPOS DE L’AUTEURE Isabelle Duval a fait des études littéraires en France et aux États-Unis. Seulement un père est un condensé de sa vie et de ses expériences. Elle se livre ainsi à travers des lignes pleines de souffrance.

Chapitre 1 No.1

L’accident

« Tu n’es qu’un accident ! » lui disait-on sans cesse.

Toute son enfance, Jenny fut le paria, le vilain petit canard qui sortait du lot, surtout chez son père. Elle était celle que l’on installait systématiquement en bout de table, ou sur la petite table de salon quand il n’y avait plus de place. Elle était de corvée de balayage et d’essuyage de vaisselle ; vérifiée par un adulte qui préférait la regarder faire, n’hésitant pas à lui râler dessus s’il restait une traînasse. Quand tout le monde était assis dans le canapé, elle n’avait droit que de se poser sur le tapis, parce qu’elle était la plus petite ; c’est ce que les gens lui répondaient et elle les croyait ; ils étaient des adultes donc ils avaient raison. Et puis, le tapis était tout doux. Parfois, elle s’endormait dessus en suçant son pouce, son doudou éléphant entre les bras. Elle ne comprenait pas pourquoi tous se moquaient d’elle, lui disant qu’elle se prenait pour un chien ; se mettant en boule pour s’endormir. Quand cela arrivait, Xavier, son frère demandait pour la monter au lit ou dans un fauteuil, mais son père refusait, disant que cela la réveillerait ; alors il prenait son gilet et lui posait sur elle, sur le sol. Elle lui faisait pitié mais il n’insistait jamais ; les adultes avaient raison. En plus, il ne voulait pas se mettre son père à dos ; tant pis pour elle, finalement.

À table, si elle ne finissait pas son assiette, elle n’avait pas le droit d’avoir un dessert alors que les autres avaient le droit de ne plus avoir faim. Ce n’était même pas la peine qu’elle demande quelque chose de spécial à manger ; chaque fois, la réponse était la même : « Tu manges ce que l’on te sert ! » Une fois, elle avait caché sa pomme qu’elle n’avait pas finie et ne voulait plus ; elle alla la jeter dans la poubelle mais sa marâtre de belle-mère la ressortit, la rinça sous l’eau et la lui fit manger ; lui faisant un speech sur le gaspillage et sur la prise de poids dû au comportement qu’elle avait ! Elle avait cinq ans et elle la bassinait avec son poids, lui narrant les bienfaits d’une alimentation saine, à heures fixes et en fuyant toutes les boissons gazeuses, les bonbons et les chocolats que lui donnait sa mère. Forcément, tout ce que sa mère faisait pour Jenny était systématiquement critiqué par sa belle-mère ainsi que par son père ; elle était son portrait craché, donc son père semblait ne pas la supporter. Enfin, c’est la seule raison qu’elle trouvait pour expliquer ses agissements.

Personne ne jouait avec elle aux jeux de société, lorsqu’ils en faisaient, ou alors toujours contre elle, jamais en équipe avec elle. Si elle commençait à gagner, ils changeaient de jeu ; elle ne devait jamais avoir l’honneur d’être en tête et de voir son ego grossir.

Chez sa mère, elle jouait toute seule à la poupée qu’elle habillait avec des vêtements récupérés dans des brocantes, ou qu’elle faisait elle-même en agrafant des bouts de tissus ensemble. Elle se faisait des cahiers de coloriage en découpant dans les programmes de télévision, toutes les images en noir et blanc qu’elle trouvait ; les collant ensuite dans des cahiers dont elle prenait le plus grand soin. Elle s’allongeait sur le sol de sa chambre, sur la moquette marron, rêche et abîmée par endroit ; et elle coloriait avec les feutres que ses frères ne voulaient plus ou les fins de crayons de couleur. Elle s’appliquait tout le temps, faisant attention à ne pas dépasser, et ceux qu’elle préférait, elle les découpait et les accrochait avec des punaises, au-dessus de son pseudo-bureau, fait de deux tréteaux et d’une planche de bois. Elle était très fière de son coin bureau ; au-dessus, elle avait accroché une étagère à trois étages que lui avait donnée son grand-père. Sur le premier, elle mettait ses plus beaux livres, ce qui se résumait à un livre de contes de fées et l’ancienne collection de livres de sa mère, récupérée chez sa grand-mère lorsqu’elle décéda. Au deuxième étage, des petites figurines faites en pâte à sel à l’école et dont sa mère se fichait, alors elle les gardait pour elle ; celles de ses frères étaient exposées dans le salon telles des trophées. Probablement que les siennes n’étaient pas assez belles, même si la maîtresse lui avait dit le contraire. Enfin, sur le dernier étage, des petits bonhommes et des fèves qu’elles trouvaient parfois par terre dans la rue ou que ses frères n’avaient plus besoin. C’étaient ses porte-bonheur et elle y tenait beaucoup ; elle avait réussi à reconstituer une espèce de petite famille, avec tous les petits personnages qu’elle avait et elle leur avait donnés des noms.

Parfois, ses frères jouaient quand même avec elle aux petits soldats, car elle perdait toujours les batailles qu’ils organisaient à travers la chambre, se baladant jusque sous le lit et la commode. Elle aimait ces moments qu’elle passait avec eux ; elle adorait ses frères jumeaux Xavier et Franck. Ils aimaient la coiffer et lui faire des tresses, surtout pour jouer aux cowboys et aux Indiens avec leurs cousins quand ils les voyaient. Elle était toujours la squaw qu’ils accrochaient à l’arbre dans le jardin, celle qu’il fallait délivrer et emmener sur le cheval ; ou plutôt sur le manche à balai servant de cheval. Ils passaient souvent de bons moments ensemble, pas assez pour Jenny, mais tout cet amour fraternel la rassurait un peu. Ils faisaient des tentes dans le jardin, accrochant des draps avec des pinces à linge sur le grillage du voisin et bloquant le tout avec les chaises du salon de jardin, en plastique vert, délavé par les rayons du soleil ! Toute une aventure pour que cela tienne, mais cela les amusait beaucoup. Ils prenaient des gâteaux et les mangeaient tranquillement en jouant aux cartes. Elle perdait tout le temps à ce jeu-là, certainement parce que ses frères changeaient les règles du jeu au fil du temps mais ce n’était pas grave, cela se terminait toujours de la même manière : par un concours de château de cartes qu’ils faisaient ensemble. Après, c’était Jenny qui rangeait tout, ses frères devaient faire leurs devoirs avec leur mère ou leur beau-père. Jenny se débrouillait toujours toute seule car elle était assez intelligente et ce n’était pas grave si elle ne comprenait pas. C’était une fille, elle ne pouvait pas tout savoir ; c’est ce qu’on lui rabâchait.

En revanche, lorsqu’elle était seule, c’est-à-dire très souvent, elle s’enfermait dans son monde ; et en plus des coloriages, elle faisait beaucoup de mots croisés ; elle avait aussi appris l’anglais toute seule en écoutant la radio anglaise et en cherchant dans des dictionnaires la signification des mots. Son grand-père lui avait donné une vieille radio ayant appartenu à son arrière-grand-père ; ses frères n’étaient pas jaloux car elle était démodée et grésillait beaucoup. Jenny l’adorait car elle avait l’odeur de tabac froid qui se trouvait dans la cuisine de son arrière-grand-père ; elle s’en souvenait. Un des rares souvenirs heureux cachés dans son cerveau.

Elle avait un don pour l’écoute, de telle manière qu’elle savait jouer un air de piano rien qu’en l’écoutant ; son professeur au collège l’avait qualifiée « d’oreille musicale ». Elle était vraiment en retrait de tous, comme si, elle s’éduquait toute seule, en voulant grandir plus vite pour pouvoir faire plus de choses ; prouver qu’elle valait mieux que tout ce que les gens pensaient d’elle. Elle se mettait dans sa bulle et masquait sa solitude derrière une carapace et une certaine agressivité.

Beaucoup cherchaient à comprendre son comportement impulsif envers les gens. Elle rembarrait quiconque la remettait à sa place ; même toute petite, si quelqu’un la critiquait, elle lui répondait ; se faisant forcément qualifiée d’arrogante, insolente ou mal polie. Elle n’aimait pas se faire marcher sur les pieds, c’était un fait avéré.

Pourtant, paradoxalement, elle aidait tout le monde, elle aimait éplucher les légumes, mettre le linge à l’air, laver les escaliers, replier le linge, rendre service à sa mère ou sa grand-mère. Elle le faisait car elle savait qu’elle aurait un câlin ou un bonbon en échange ; elle aimait les câlins de sa mère ; ils sentaient le chèvrefeuille et ceux de sa grand-mère, l’eau de Cologne, acheté en supermarché. Plus elle faisait de choses pour sa mère, plus elle pouvait profiter d’elle qui travaillait beaucoup ; alors quand elle avait fini tous ses devoirs, elle exécutait des tâches ménagères mais malheureusement, sa mère passait son temps libre avec ses frères, la plupart du temps ; parce que c’est comme cela, les garçons sont proches de leur maman et les filles de leur papa ! Voilà la phrase toute faite qu’on lui servait sur un plateau, chaque fois qu’elle osait se plaindre… Alors les micros câlins, elle les savourait et les enregistrait dans sa tête ; pour y repenser quand elle en avait besoin.

De ce fait, elle compensait et travaillait très bien à l’école ; elle avait toujours d’excellents résultats et ses maîtres en primaire, puis ses professeurs au collège la félicitaient constamment. Elle faisait toujours de son mieux, lisant très tard le soir dans son lit avec une torche, cachée sous ses draps pour ne pas se faire punir. Elle emmagasinait des tonnes et des tonnes de connaissances, toujours avide de découvrir de nouvelles choses. Elle aimait tellement quand elle pouvait raconter des choses qu’elle avait apprises par elle-même ; se sentant un instant supérieure aux autres et surtout, écoutée et prise au sérieux. Elle prenait des cahiers et s’entraînait à faire des lignes de calligraphie pour avoir une écriture parfaite ; elle lisait le dictionnaire pour acquérir un savoir exemplaire. Pour beaucoup, elle était dans l’excès et voulait se donner en spectacle et ils la rabaissaient, aussitôt qu’elle commençait à attirer trop l’attention sur elle.

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