Ami de toujours, de l'aube Ă la tombĂ©e du jour, compagnons de routes droites ou sinueuses, sublime harmonie sur nos ĂȘtres liĂ©s quand la tendresse posĂ©e sur ton regard, partagĂ©e, sans nul fard, encense pour l'exhaler, notre belle amitiĂ© ! Garde-moi ta confiance et cette Ă©lĂ©gance qui est la tienne tandis que tu me souffles un « je t'aime » sans paroles Ă©noncĂ©es ! Ă PROPOS DE L'AUTEURE Samie Louve a consacrĂ© une grande partie de sa vie Ă l'Ă©criture poĂ©tique en observant la nature qu'elle dĂ©crit, celle humaine aussi. Elle tente de venir en aide Ă autrui pour qu'il puisse raconter sa vie, l'accompagnant au mieux dans le prolongement de celle-ci afin qu'il laisse une trace aux siens, proches ou amis.
Ă mes amis animaux**
Le combat est Ă son comble dans la cave de cet immeuble d'une vĂ©tustĂ© telle qu'il fut laissĂ© Ă l'abandon pour devenir, d'une annĂ©e Ă l'autre, ce lieu sordide et pourtant si convoitĂ© lors de ces rassemblements entre jeunes dĂ©sĆuvrĂ©s.
Cette nuit-là , l'astre lunaire parade sous un ciel encore envieux d'une chaude journée, déclinant sur la terre, tel un réverbÚre, son halo de lumiÚre. Gardienne de l'éternité, cette lune rougie par endroit du feu d'un soleil ardent, un regard tristement sombre déployé sur elle, le ciel se laisse griser peu à peu pour pùlir à son tour. Troublant éclat d'une nuit sans fin sur une lune pensive et morose à la fois, qu'un nuage en passant tout prÚs d'elle permet de masquer les misÚres d'en bas.
Entre les cris de ceux venus s'Ă©clater lĂ et les hurlements de leurs compagnons Ă quatre pattes tendant vers ce ciel devenu soudain tĂ©nĂ©breux, le vacarme devient insoutenable. Si le mal se doit d'exister ce soir-lĂ ; il exulte avec rage Ă prĂ©sent, exhortant Ă sa maniĂšre tous les corps d'animaux meurtris Ă force de se battre. Les murs de bĂ©ton rĂ©sonnent tant, qu'ils lĂąchent Ă leur tour le venin sorti tout droit des entrailles de ce monde aberrant. Des yeux rougis, exorbitĂ©s par la violence naĂźt l'affront tandis que les injures renforcent le mĂ©pris. La fureur du combat entre animaux dĂ©clenche peu Ă peu chez leurs maĂźtres cette passion frĂ©nĂ©tique qui engendre la haine. Celle-ci leur explose Ă la face dans un premier temps, puis Ă gorge dĂ©ployĂ©e pour se ramifier enfin sur les corps de certains avec acharnement. Le torse trempĂ©, recouvert d'un dĂ©bardeur kaki, les jeunes gens, le muscle arrogant, reluisent de cette matiĂšre devenue si visqueuse qu'elle dĂ©gage, Ă force de l'entretenir, une odeur sui generis et fĂ©tide Ă la fois. Image ou prestige, tous ou presque arborent sur leur peau un signe distinctif, un tatouage pour le moins raffinĂ©, exprimant pour certains la reprĂ©sentation charnelle de leurs vĂ©ritĂ©s. Quant aux autres, moins bien lotis pour la plupart, ils laissent s'Ă©couler sur leurs chairs appauvries, le bariolage de quatre sous, leur servant de label qu'ils souhaitent celui des zonards. D'autres frimeurs encore, l'arme blanche Ă la ceinture, harponnent dans le lot, ceux non moins hĂąbleurs mais nouveaux venus, s'exposant lĂ , une chaĂźne rutilante en bandouliĂšre en signe de bravade. Entre ces murs devenus Ă©troits, dans ce mĂ©lange des corps de l'homme et de la bĂȘte oĂč l'impulsion de la cruautĂ© domine, et sous l'emprise de l'alcool, le dĂ©lire s'empare alors de tous et de chacun, exception faite des chiens autrement Ă©prouvĂ©s. Le glas finissant de tinter, il invite la semeuse Ă faucher au passage les corps des combattants d'animaux sans vie. Pour certains d'entre eux, haletant et geignant de douleurs, un soupir pour finir dans les bras de la mort venue se rassasier sous ces quelques mĂštres carrĂ©s de bĂ©ton.
Dans cette atmosphĂšre viciĂ©e, la cruautĂ© bien installĂ©e fait son chemin. D'un cĂŽtĂ©, les petits malins se frottant les mains avant de compter les billets, de l'autre des animaux cruellement blessĂ©s. Nulle fatalitĂ© dans cet antre oĂč les seules larmes invisibles au regard des humains sont celles des bĂȘtes inanimĂ©es. Naturellement, ces pleurs n'atteignent pas les autres, les chiens sur le point de se taire Ă jamais, hurlant de douleur en appelant la mort Ă la rescousse. Qu'importe Ă prĂ©sent, vainqueurs ou vaincus, les animaux baignent dans un flot d'indiffĂ©rence, mais plus encore dans leur sang. Tels les vaincus car leur sort en est jetĂ© et leurs corps bientĂŽt enterrĂ©s dans quelques terrains vagues. Quant Ă leurs congĂ©nĂšres, ou ce qu'il en reste, en piteux Ă©tat ou pour avoir cĂ©dĂ©, ils seront revendus ou bien abandonnĂ©s jusqu'Ă leur triste sort. Mais que dire du sujet victorieux, ce rescapĂ© prometteur ou vainqueur entravĂ©, contraint puis glorieusement soumis, pour qui l'avenir sera tout autre ? En attendant son heure, cette nuit achevĂ©e ne sera qu'une trĂȘve, une de plus, durant laquelle il subira malgrĂ© lui et sans la partager, la joie intempestive de son maĂźtre plus lucre que sensible. L'affection pour son toutou, enfouie sous quelques liasses de billets, et sa rĂ©putation aidant, il ne lui restera plus qu'Ă imaginer le moyen de dĂ©penser ce fric acquis avec l'acharnement du dĂ©sespoir, celui de plus d'un animal ayant combattu contre un adversaire, son congĂ©nĂšre, devenu aussi belliqueux que lui.
C'est ainsi que, cette nuit-lĂ , Voyou le pitbull sortit vainqueur de la rivalitĂ© des hommes et de leur goĂ»t du paroxysme. Dans ses yeux, subsiste encore le feu qui engendre la folie et sĂšme la mort. La lĂšvre du haut dĂ©chirĂ©e pendille, gĂȘnant son souffle haletant, tandis qu'il s'Ă©broue maladroitement. Les quelques ampoules suspendues çà et lĂ au-dessus de son corps, portent tort aux ombres en les multipliant, tandis que de temps Ă autre, une main leste venue cogner l'une d'entre elles donne Ă ce dĂ©cor des allures d'outre-tombe. C'est Ă ce moment-lĂ , la fureur du combat oubliĂ©e, que l'on peut apercevoir ce malheureux chien, le corps sanguinolent, tremblant mais raide sur ses pattes, chercher son maĂźtre du regard.
L'Ă©pais voile de fumĂ©e au plafond s'efface par endroit pour se fondre dans cet espace oĂč l'ombre des vivants flirte avec celle de la mort. Les habituĂ©s de ces combats illicites, antagonistes de cette barbarie, se font face Ă leur tour. De clameurs en ricanements, Ă la colĂšre exacerbĂ©e, tout ce petit monde d'ĂȘtres humains gesticule et parle fort. Les perdants de cette nuit sans fin s'indignent, dĂ©plorant leur victoire, soufflĂ©e le temps d'une mise Ă mort, « par la faute de ces sales cabots », s'Ă©crient certains. TombĂ©s en disgrĂące face Ă leurs pairs puis dĂ©pouillĂ©s de leur mise, ces humains irresponsables sont-ils capables d'imaginer une seule seconde que l'on puisse mourir en sacrifiant sa vie ? Sans doute que oui cependant qu'il ne s'agit pas de la leur. Et qu'importe pour ces non-passionnĂ©s, sinon de pratiques barbares, la vie de ces adversaires malgrĂ© eux, foudroyĂ©s d'un arrĂȘt du cĆur ou bien de peur face Ă leur destin. Tant de corps inertes et enchevĂȘtrĂ©s vont ĂȘtre dispersĂ©s puis jetĂ©s n'importe oĂč dans un quelconque terrain vague oĂč ils seront nĂ©gligemment ensevelis. Tandis que ceux encore vivants, mais en piteux Ă©tat, gisent lĂ sur le sol Ă attendre de leurs maĂźtres qu'ils dĂ©cident de leur sort. Ces maĂźtres, mĂ©ritants sans vergogne, indignes, qui, l'argent des paris dans les poches, fanfaronnent dans cette arĂšne d'immeuble ensanglantĂ©e, leur chien dans l'antichambre de la mort. La plupart d'entre eux, de jeunes gens du quartier, vivent cette pratique avec dĂ©lectation, poussant leur dĂ©lire jusqu'Ă l'extrĂȘme, prĂȘts Ă le revivre au plus tĂŽt. C'est ainsi que leur forfait accompli et sans le moindre remords devant la souffrance de leur compagnon, ils dĂ©cident de la revanche Ă prendre au plus tĂŽt. Une brĂšve inspection sur les corps amoindris de la part des acteurs de cette boucherie organisĂ©e, un coup de pied aux flancs pour donner du ressort Ă ceux-ci, et, chaque nĂ©gociateur en verve reprend les paris, non sans avoir et selon son intime conviction, fait monter les enjeux. L'argent, unique fondement de ces combats barbares et illĂ©gaux se rĂ©vĂšle nĂ©faste Ă cette race d'animaux dĂ©jĂ tant dĂ©criĂ©e par le commun des mortels, mais qui s'en soucie au fond vraiment. Son extinction plus que probable mettrait fin Ă l'espĂšce d'animal qui ce soir souffre Ă force de cruautĂ©, en soignant tant bien que mal ses morsures, lĂ©chant ses plaies ouvertes comme ils le peuvent. Enfin, et sans se soucier le moins du monde de ces dĂ©tails qui dĂ©passent leurs pensĂ©es, chaque participant, ivre de bibine et d'orgueil, parade sous le regard triste des animaux meurtris dans leur chair. Qu'importe, la date d'un nouvel affrontement sera fixĂ©e, les animaux soignĂ©s et prĂ©parĂ©s au prochain combat seront prĂȘts Ă lutter pour leur survie au nouveau rendez-vous. Pendant ce temps, lourd de consĂ©quences pour leur renommĂ©e, les déçus de la nuit Ă©vacuent les lieux, traĂźnant dans leur sillage les cadavres de chiens dissimulĂ©s dans de grands sacs plastiques.
Le hĂ©ros de cette nuit mouvementĂ©e, un truand nommĂ© GrĂ©co, fait tournoyer la laisse de cuir Ă©pais au-dessus de sa tĂȘte. Gagnant sans conteste, adulĂ© par des admirateurs zĂ©lĂ©s, il savoure sa Ă©niĂšme victoire, nĂ©gligeant pour un temps Voyou son pitbull. Celui-ci, indiffĂ©rent Ă cette agitation, Ă©puisĂ© et tĂȘte basse, se fraye lentement un chemin, puis, sans se faire remarquer, se dirige vers la sortie. DemeurĂ© seul avec ses acolytes, GrĂ©co flairant l'aube naissante met soudain fin Ă l'enthousiasme gĂ©nĂ©ral en annonçant son dĂ©part. D'un geste large de la main, comme pour en faire « mousser » certains, il exhibe une derniĂšre fois l'Ă©paisse liasse de billets. Puis, las d'arborer ce Ă quoi il tient tant, il jette un regard morne sur sa montre tout en remerciant pompeusement l'assistance. L'heure est venue pour lui d'abandonner ce lieu souillĂ© qui, Ă force de le frĂ©quenter, lui donne la nausĂ©e. Il dĂ©cide alors de ce qu'il reste de nuit afin de disparaĂźtre avec son chien pour se fondre dans ce dĂ©cor qu'il connaĂźt par cĆur se perdant dans l'obscuritĂ©.
Son coup de sifflet n'Ă©tonne pas ses comparses, son coup de gueule non plus lorsqu'il ordonne Ă chacun de sortir du carrĂ©. Consciente Ă son tour de la nĂ©cessitĂ© de changer d'air, la petite troupe s'engage vers la sortie dans un dĂ©sordre parfait. La plupart d'entre eux tenant Ă peine debout, tels des exaltĂ©s, hurlant tous prĂ©sents Ă son incitation Ă fĂȘter l'Ă©vĂ©nement dans un bar de nuit. Ce moment de gloire si bĂ©nĂ©fique aux uns fut propice Ă Voyou, lui permettant de masquer son absence afin de fuir au loin.
Chapitre 1 No.1
04/11/2021
Chapitre 2 No.2
04/11/2021
Chapitre 3 No.3
04/11/2021
Chapitre 4 No.4
04/11/2021
Chapitre 5 No.5
04/11/2021
Chapitre 6 No.6
04/11/2021
Chapitre 7 No.7
04/11/2021
Chapitre 8 No.8
04/11/2021
Chapitre 9 No.9
04/11/2021
Chapitre 10 No.10
04/11/2021
Chapitre 11 No.11
04/11/2021
Chapitre 12 No.12
04/11/2021
Chapitre 13 No.13
04/11/2021
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