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Le square des oubliés

Le square des oubliés

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5.0
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23
Chapitres

Louis aime se rendre au square oĂč il retrouve ses amis dont l'existence semble avoir Ă©tĂ© oubliĂ©e par le reste du monde. Personne ne fait attention Ă  eux, ils se fondent dans le dĂ©cor et ne dĂ©rangent pas. Ceux-ci, Mr Charles, Mr LĂ©onard, Jeff, Petite et tous les autres, crĂ©ent des liens sincĂšres, solides et surtout sans jugement. Seulement, le passĂ© ressurgit et bouleverse tout... PROPOS DE L'AUTEURE Des grands classiques aux livres dĂ©couverts en chinant, la lecture a toujours Ă©tĂ© une fidĂšle compagne pour Marie Jat-Belle-Isle. Quelques nouvelles Ă©crites au fil du temps apportaient un support Ă  son imagination. Puis le temps vint oĂč elle couchait sur le papier les mots d'une vie passĂ©e Ă  voyager, Ă  observer, Ă  comprendre les « autres » et Ă  aimer leurs diffĂ©rences. Tous ses voyages ont aiguisĂ© sa curiositĂ© tout en lui apprenant le rapport aux gens de tous horizons et la richesse qui en dĂ©coule.

Chapitre 1 No.1

À mes enfants

I

Louis

Il restait assis, bien droit, devant la table vide. La lumiĂšre du soleil couchant commençait Ă  pĂ©nĂ©trer dans la cuisine et jouait sur les motifs floraux de la toile cirĂ©e. Les rideaux en dentelle Ă©taient restĂ©s ouverts. Ils avaient les mĂȘmes motifs que la toile cirĂ©e mais de couleur blanche. La vaisselle finissait de sĂ©cher sur le bord de l'Ă©vier. Il ne bougeait pas, les mains bien Ă  plat sur ses genoux. Rien ne bougeait dans la piĂšce. Le bruit des casseroles qui s'entrechoquent, de la porte du frigidaire qui se referme, du gaz qui s'Ă©chappe de la gaziniĂšre et du feu qui ensuite s'en Ă©chappe avait disparu. Le silence Ă©tait presque absolu, interrompu par le battement de l'horloge qui rythmait le temps de ses tic-tac imperturbables, indiffĂ©rent au rĂ©cent changement intervenu dans la maison, totalement ignorant des Ă©vĂšnements de ce jour Ă©trange. Louis ne les comprenait pas non plus.

Son estomac commençait Ă  Ă©mettre un bruit Ă©trange, inconnu mĂȘme. Il se souvint soudain que « maman » lui avait expliquĂ© ce genre de phĂ©nomĂšnes, ceux-lĂ  mĂȘmes qui arrivaient quand quelqu'un avait faim. Donc il avait faim. La conclusion Ă©tait Ă©vidente.

Il repoussa la chaise qui Ă©mit un grincement crissant sur le carrelage, se leva et se dirigea vers le frigo. Il Ă©tait rempli de toutes sortes de victuailles, et de plats tout prĂ©parĂ©s qu'il lui suffirait de rĂ©chauffer au micro-ondes. Maman avait eu du mal Ă  se dĂ©cider avant d'acheter cet engin bizarre, qui tournait tout seul, qui n'Ă©mettait ni chaleur ni fumĂ©e et qui sonnait quand tout Ă©tait prĂȘt. Elle lui avait expliquĂ© le fonctionnement, et ce fut un jeu d'enfant d'apprendre Ă  s'en servir. Il Ă©tait devenu le « maĂźtre du micro-onde », seul autorisĂ© Ă  l'utiliser. Il Ă©tait trĂšs fier de cette prĂ©rogative. À l'Ă©vocation de son apprentissage au cĂŽtĂ© de « maman », un sourire apparut sur ses lĂšvres.

- Tu vois, maman, je sais bien faire. J'ai fait exactement comme tu m'as expliqué et ça marche !

Il n'avait pas trÚs faim, et se choisit un plat léger de légumes mijotés avec une légÚre pointe d'huile d'olive, à peine salé, ce qui permettait de ressentir toute la saveur des légumes. « Maman » ne cuisinait qu'à l'huile d'olive, seule matiÚre grasse habilitée à accueillir les plats amoureusement préparés.

AprÚs avoir fini de dßner, il replia consciencieusement sa serviette, débarrassa la table, fit la vaisselle puis s'assit de nouveau sur la chaise qu'il occupait depuis son enfance. La seule différence aujourd'hui était que la chaise en face de lui était vide mais il continuait à lui sourire.

Son esprit vagabonda un moment sans s'attacher à rien de particulier. Il réalisa brusquement qu'il n'avait pas allumé la télévision alors que c'était un rite établi entre « maman » et lui. Ils nettoyaient leur vaisselle ensemble, puis il avait l'autorisation de manier la télécommande pour déclencher l'arrivée d'images extérieures à leur vie sur l'écran placé devant leur fauteuil respectif. Ce manquement était inhabituel, et l'incita à en trouver la raison. Son esprit rembobina le déroulement de la journée.

Ce matin, quatre messieurs bien habillĂ©s avaient sonnĂ© Ă  la porte. Il avait ouvert car ils Ă©taient justement bien habillĂ©s avec leurs costumes noirs, leurs chemises blanches et leurs cravates noires assorties au costume. Maman disait toujours : « si les hommes sont bien habillĂ©s, ils sont respectables », donc il pouvait les faire entrer. Il les avait suivis dans la chambre, oĂč se trouvait le lit sur lequel « maman » se reposait. Son visage Ă©tait si doux, un lĂ©ger sourire ornait sa bouche, ses doigts Ă©taient dĂ©licatement entrelacĂ©s sur sa poitrine. Il regardait ses ongles si parfaitement recouverts d'une lĂ©gĂšre couche de vernis « rouge cerise », comme c'Ă©tait Ă©crit sur la petite bouteille. Il adorait la regarder Ă©taler cette jolie couleur avec un minuscule pinceau. Il fallait deux couches pour que ses ongles restent « impeccables » comme elle disait. Entre chaque couche, et aprĂšs la deuxiĂšme, elle secouait ses mains pour faire du vent et permettre au vernis de sĂ©cher plus rapidement. Elle soufflait aussi sur ses ongles pour accĂ©lĂ©rer le phĂ©nomĂšne. C'Ă©tait un vĂ©ritable travail d'orfĂšvre et le rĂ©sultat Ă©tait Ă  la hauteur du temps passĂ©. « Parfait », finissait-elle par dire.

Seulement, les quatre messieurs ne semblaient porter aucune attention particuliÚre à ses si jolis ongles, quel dommage ! Tout à l'observation des mains délicates, il ne les avait pas vus monter une grande boßte en bois clair qui sentait encore un peu le vernis. Ils soulevÚrent sa maman, qui ne se réveilla pas, et la déposÚrent dans la boßte. Il les suivit quand ils descendirent au rez-de-chaussée, puis sortit avec eux jusqu'à la voiture dans laquelle ils posÚrent la boßte. Avant de descendre, le plus ùgé d'entre eux lui avait expliqué à nouveau le déroulement de la cérémonie, c'est le mot qu'il avait utilisé, avec le suivi de la voiture noire jusqu'au cimetiÚre. Il commença donc à marcher seul puis s'aperçut qu'un petit nombre de personnes s'était joint à lui. Il reconnut la voisine qui lui donnait des bonbons quand il était petit, l'épicier qui discutait toujours avec ses clients, et puis d'autres qu'il ne connaissait pas. Ah si, il y avait aussi le monsieur qui habitait dans une tente à l'abri des buissons du jardin public, Monsieur Charles. Sa maman lui apportait réguliÚrement une part de leur repas.

- Le cercueil est simple et semble léger.

- Il est comme Ă©tait cette dame si discrĂšte.

- Mais que va devenir son fils ?

- Vous croyez qu'il va pouvoir se débrouiller seul ?

GrĂące Ă  ces commentaires, il sut ainsi que cette boĂźte s'appelait un cercueil, drĂŽle de nom. Il faudra qu'il trouve ce mot dans le dictionnaire. C'Ă©tait sa passion. Chercher les mots nouveaux entendus au fil des conversations, Ă  la tĂ©lĂ©vision ou Ă  la radio. Il Ă©tait plongĂ© dans ses pensĂ©es concernant cette nouvelle recherche, quand il vit arriver le curĂ© habillĂ© tout en blanc. Il le connaissait, il le voyait Ă  la messe car sa maman ne ratait jamais ce moment, et ils allaient Ă  l'Ă©glise tous les dimanches. Il ne comprenait pas grand-chose, ou plus exactement, il n'Ă©coutait pas vraiment. Il prĂ©fĂ©rait observer les peintures, les sculptures et les gens. Tout comme eux, il s'asseyait, se relevait, se mettait Ă  genoux, penchait la tĂȘte pour regarder ses pieds, faisait un signe sur sa poitrine avec sa main droite. Et puis, il Ă©coutait la musique qui emplissait l'Ă©glise. C'Ă©tait un moment magique, envoutant. Tout bien rĂ©flĂ©chi, c'Ă©tait comme le cours de gymnastique qu'il regardait parfois le matin Ă  la tĂ©lĂ©vision. La musique Ă©tait diffĂ©rente, les tenues vestimentaires aussi mais tout comme Ă  l'Ă©glise, les gens se levaient, s'asseyaient, se mettaient Ă  genoux, faisaient des mouvements avec leurs bras, presque tout pareil mais plus rapidement et ils semblaient beaucoup plus fatiguĂ©s. Le « Amen » un peu appuyĂ© du curĂ© le ramena Ă  la rĂ©alitĂ©. Le cercueil disparut dans le trou prĂ©parĂ© Ă  l'avance, tout le monde lui serra la main en marmonnant des « courage », « soyez fort », bref des paroles bizarres, puis il se retrouva tout seul. Le lieu Ă©tait calme, apaisant. « Maman » devait ĂȘtre contente de dormir ici, personne ne la rĂ©veillerait, elle allait ĂȘtre tranquille. Cette pensĂ©e rĂ©confortante l'accompagna durant son retour Ă  la maison. Ce n'est certainement pas ce cercueil qui l'empĂȘcherait de lui parler quand il en aurait envie. Il savait pertinemment qu'elle serait toujours lĂ  pour l'Ă©couter, le rĂ©conforter, voire l'encourager, quand il rencontrait des difficultĂ©s Ă  rĂ©aliser quelque chose de nouveau.

Il décida donc, aprÚs dßner, de faire comme d'habitude ; allumer la télévision et choisir un programme, confortablement installé dans son fauteuil un peu déformé par son postérieur qui était devenu plus imposant au fil des ans. AprÚs avoir regardé un western, il adorait les grands espaces et les chevauchées à travers l'immensité des paysages américains, il monta dans sa chambre, enfila son pyjama, et se glissa sous sa couette. Il chevauchait un grand cheval alezan à travers le grand canyon, la poussiÚre volait autour de lui, seul le bruit des sabots sur le sol résonnait entre les montagnes, il s'endormit ainsi un sourire accroché à ses lÚvres, heureux.

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