Les regrets de mon ex-mari
L'alpha tout-puissant reconquiert sa compagne
Ex-mari, je ne t'aime plus
Divorcée et mariée à un chef de guerre
Mariage avec un zillionnaire secret
Le retour de l'héritière adorée
Chant d'un cœur brisé
Mon nouvel amant est un mystérieux magnat
Le diamant poussiéreux brille à nouveau
Le retour de l'épouse indésirable
XXII – Parfum exotique
Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d’automne,
Je respire l’odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu’éblouissent les feux d’un soleil monotone ;
Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l’œil par sa franchise étonne.
Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,
Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l’air et m’enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.
Charles Baudelaire,Les Fleurs du mal
Le silence est une lune de miel avec la vie.
Puissiez-vous le découvrir avant que dans votre cœur il fasse nuit…
Partie 1
Déclin
1
29 octobre 2021
À l’aube de sa vie, les perspectives de Martin Tesson étaient inéluctablement obscures, et parfois si désespérantes que ses déambulations nocturnes, chancelantes et avinées, risquaient à chaque occasion de mal se terminer. Si ce pessimiste n’avait pas eu en lui une âme de poète torturé, un amour absolu pour les femmes, ainsi qu’une rage sourde envers l’administration et les institutions en général, alors le fardeau qui pesait sur ses épaules aurait été plus léger. La vulgarité et la stupidité du monde l’écœuraient avec une passion si violente qu’il se surprenait à être étouffé par ses propres ruminations. Son esprit était pareil à un porte-foliot des déceptions humaines que ses espérances inabouties rendaient davantage amères et maussades. Ce qui avait eu lieu plus tôt dans sa vie semblait lui dévoiler, dans des lignes aussi sinueuses qu’enténébrées, les aléas furibonds de son avenir.
« Sur l’échelle des hommes, j’ai le malheur de me trouver sur les premières marches, parmi la jeunesse qui côtoie la faim au gré des journées insensées qui s’éternisent », se disait-il à lui-même, en patientant, comme à son habitude, devant la banque alimentaire du treizième arrondissement, à quelques centaines de mètres de la chambre de bonne qu’il louait à son oncle depuis maintenant deux années.
Alors qu’un vent frais s’insinuait entre son écharpe orange et son cou, provoquant un frisson, la jeune femme qu’il précédait se retourna pour le toiser, le sortant ainsi du maelstrom mental dans lequel sa conscience s’était égarée. Il avait l’œil américain, et, dans un coin de son champ de vision, il avait aperçu son regard vert voyager jusqu’à lui pour l’observer.
En dépit de son nez busqué et de quelques défauts physiques, il y avait quelque chose dans son attitude légèrement négligée qui le rendait attirant. Derrière ses lunettes rondes, ses yeux, d’un bleu électrique peu commun, lui conféraient un magnétisme déconcertant qui ne laissait pas les femmes indifférentes.
Elle devait avoir son âge, soit vingt-trois ans, et portait une jupe courte qui, pour la période de l’année, constituait une entrave au confort personnel, mais renforçait toutefois l’aura sensuelle qui émanait de sa personne. Ses yeux de biche, plus verts que l’émeraude, soulignés par un fin trait de maquillage noir, dissimulaient une tristesse qui lui eût été impossible de ne pas discerner.
Martin ne regardait pas les autres, il les sondait avec une rare intensité. Des heures durant, il pouvait vous regarder et vous écouter, et pendant tout ce temps, vous pouviez être certain qu’il avait saisi une grande partie de ce que vous désiriez cacher au monde, car vous vous seriez très sûrement trahi par les imperceptibles et incontrôlables soubresauts de votre être. Il n’y avait pas une contradiction inavouée, un habile mensonge, une discrète omission ou un infime tremblement qui échappaient à son observation, pareil à un torrent d’intuitions le submergeant à son insu. Seule une poignée de secondes lui était nécessaire pour déterminer s’il vous éviterait ou pas, et ces derniers temps, il avait fait de l’évitement sa spécialité.
La première lueur fébrile qu’il discerna dans les deux prairies verdoyantes avec lesquelles elle regardait le monde fut celle de la solitude, et celle-ci semblait si abyssale qu’elle frappa violemment son âme. Il la comprenait, d’autant plus qu’il partageait son malheur, celui d’être contraint à attendre dans le froid pendant plus de trois quarts d’heure pour enfin recevoir le repas chaud et insipide qui comblerait leur estomac d’étudiant en situation précaire.
Ce soir, il faudrait se contenter d’un couscous bon marché, quasiment immangeable. Martin l’acceptait, car il pensait que pour que l’on puisse considérer un produit comme excellent, il fallait bien qu’il existe des produits de qualité inférieure. Pour apprécier le bon, il fallait parfois manger du moins bon. « Les bons produits existeraient-ils s’il n’y en avait pas de mauvais pour les comparer ? Les pauvres existeraient-ils sans les riches ? Et si la réponse est oui, faut-il l’accepter ? L’un n’existe pas sans l’autre. »
Sans mot dire, tout en la fixant des yeux, Martin tira sur sa cigarette mal roulée, puis la coinça entre son pouce et son index pour lui tendre. Elle s’en empara d’un geste lent et la porta à ses lèvres bordeaux. Ses vêtements, une veste en jean peu épaisse, une jupe courte rouge et un débardeur plongeant, qu’il supposait d’ailleurs volontairement aguicheurs, ne s’accordaient pas avec son apparente timidité. Il voyait qu’elle en faisait trop, mais aussi que, en dépit de cet attirail d’artifices, son charme aurait suffi à attendrir un cœur de fer. Elle n’était pas aussi authentique qu’elle aurait pu l’être, mais son joli visage ébouriffa sa sensibilité d’esthète.
Il était évident que ses ambitions personnelles étaient à des lieux de sa situation présente, et si elle s’était retournée, c’était parce qu’elle voyait en lui un moyen de résoudre, de la plus éphémère et charnelle des manières, aux deux problèmes de sa vie : le froid et la solitude. Alors que Martin était sensible à la singulière beauté de son visage, il demeura de marbre et leva une main autoritaire pour que sa cigarette lui soit rendue.
Si elle n’avait pas été aussi timorée, elle n’aurait sûrement pas attendu aussi longtemps avant de débuter la discussion, ce que Martin, lui, n’aurait jamais fait.
Sans surprise, sa voix douce et tremblante s’harmonisait avec ses yeux clairs, sa peau blanche et ses joues légèrement rosées par le froid, mais ne s’accordait pas avec l’inhabituelle impudeur qu’elle avait décidé d’exposer, et dont elle avait secrètement honte. En voulant se mettre en valeur, elle avait fait l’erreur de se vêtir d’une vulgarité qui ne lui ressemblait guère. C’était parce qu’elle ne supportait plus le vide qu’elle ressentait à longueur de journée qu’elle s’était risquée à s’habiller comme une putain, et à trop vouloir s’embellir, elle s’était enlaidie. Si Martin eût été un prédateur sexuel, elle aurait été une proie facile, car au plus profond d’elle-même, elle se sentait si morte que son désir de goûter à nouveau à la vie était devenu plus ardent que le plus vaste des brasiers. C’est pour cette raison que, contrairement à ses habitudes, elle avait quitté son modeste appartement en laissant le plus de surface de peau possible à l’air libre.
— Étudiant ? s’enquit-elle d’un œil scrutateur, en pointant du doigt le livre que tenait Martin.
— Oui. Nous portons le même fardeau…
— En lettres ?
— Belle déduction. Et toi ?
— Je suis en Droit.
— Oh, mon vieil ennemi, fit-il avant de tirer sur sa cigarette. Je suis en troisième année. J’écris pour une revue étudiante engagée : La Gazette. Je ne suis pas payé pour, mais je rédige la plupart des articles.