Linvention de Paris Il ny a pas de pas perdus pdf

Je me souviens de chaque détail de ma jeunesse comme si c'était hier. Les couleurs des feuilles tombant en automne, le son de la pluie frappant doucement les fenêtres de la vieille maison familiale, et surtout, la présence omniprésente des frères Peterson. Leur ombre a plané sur mon existence dès l'instant où j'ai mis les pieds dans ce quartier. Inextricablement liés à mes souvenirs, ils sont la mémoire vivante de mes peurs les plus profondes et de mes désirs inavoués. Je les évite, je nie leur existence, mais la vérité est que je leur appartiens autant qu'ils m'appartiennent.

Le ciel gris de Seattle pesait lourdement sur moi ce matin-là. La brume épaisse s'insinuait entre les bâtiments, enveloppant la ville d'un voile presque mystique. Je marchais rapidement, essayant de me réchauffer dans mon manteau, mes pensées tourbillonnant autour des frères Peterson. Ce n'était pas une journée comme les autres. Aujourd'hui, j'allais les revoir.

Je pénétrai dans le café de notre enfance, le Bell's Diner, où chaque coin et recoin racontait une histoire. Le bruit familier de la cloche au-dessus de la porte me fit sursauter, et je fus immédiatement submergée par une vague de nostalgie et de tension. À une table au fond, près de la fenêtre, ils étaient là. Josh et Luke Peterson.

Josh, l'aîné, avait toujours cette présence imposante. Sa carrure athlétique et son regard perçant n'avaient rien perdu de leur intensité. Luke, plus jeune de quelques années, affichait un sourire en coin qui semblait cacher mille secrets. Ils se levèrent en me voyant approcher, leurs regards braqués sur moi, comme s'ils tentaient de sonder mon âme.

« Trin, ça fait longtemps », dit Josh en m'embrassant légèrement sur la joue. Son odeur familière de musc et de cèdre me ramena des années en arrière.

« Trop longtemps », répondis-je en me forçant à sourire.

Luke me serra la main, son sourire devenant plus large. « Tu n'as pas changé », dit-il, mais je savais que ce n'était pas vrai. Les années et les expériences m'avaient façonnée différemment, tout comme elles les avaient transformés.

Nous nous assîmes, un silence lourd s'installant entre nous. Le café résonnait des conversations animées des autres clients, mais pour moi, tout semblait étouffé, comme si le monde extérieur avait cessé d'exister. C'est Josh qui brisa finalement le silence.

« Alors, que deviens-tu, Trinity ? Toujours à courir après tes rêves ? »

Je hochai la tête. « Oui, je travaille dans le journalisme maintenant. Ça me prend beaucoup de temps, mais j'aime ça. »

Luke fronça légèrement les sourcils. « Et tu n'as jamais pensé à revenir ici ? »

La question était chargée de sous-entendus. Revenir ici, c'était revenir à eux, à notre passé commun, à ces souvenirs que je m'efforçais de laisser derrière moi.

« La vie m'a menée ailleurs », répondis-je évasivement.

Josh posa son regard sur moi, intense et scrutateur. « On t'a beaucoup cherchée, tu sais. »

Je sentis une boule se former dans ma gorge. Ils avaient cherché. Je savais que cela signifiait bien plus que de simples retrouvailles. Mais avant que je puisse répondre, la porte du café s'ouvrit brusquement, laissant entrer une rafale de vent glacé. Une silhouette familière apparut dans l'encadrement de la porte.

Sarah, ma meilleure amie d'enfance, entra en trombe, son visage pâle et ses yeux écarquillés de panique. « Trinity, il faut que tu viennes tout de suite ! » s'écria-t-elle, sa voix tremblante.

Je me levai précipitamment, suivie par les frères Peterson. « Qu'est-ce qui se passe ? »

Sarah se mordit les lèvres, jetant des regards nerveux autour d'elle. « C'est Megan. Elle a disparu. »

Megan, la sœur cadette de Sarah, était comme une petite sœur pour moi aussi. Son sourire espiègle et ses éclats de rire résonnaient encore dans ma mémoire. « Disparue ? Comment ça ? »

Sarah hocha frénétiquement la tête. « Elle n'est pas rentrée à la maison hier soir. Personne ne l'a vue depuis hier après-midi. »

Je sentis un frisson glacial parcourir mon échine. Megan était une adolescente pleine de vie, mais elle n'aurait jamais disparu sans prévenir. « As-tu appelé la police ? »

Sarah secoua la tête. « Pas encore. Je voulais te voir d'abord. Je pensais que peut-être... tu saurais quoi faire. »