Erynn n'avait jamais compris pourquoi ses parents, malgré leurs promesses de stabilité, semblaient toujours un pas en arrière par rapport à leurs ambitions. Pourtant, il y avait un moment où elle aurait pu leur en vouloir. Un moment où, après tout ce qu'ils avaient traversé, elle aurait dû se rebeller contre l'injustifiable. Mais ce n'était pas ce genre de personne, Erynn. Elle avait l'habitude de s'effacer, de se contenter des miettes laissées par une société trop exigeante. Quand ses parents lui avaient demandé, pour la première fois, de mettre ses rêves de côté, elle avait accepté.
C'était ça, après tout, l'amour familial. Sacrifier sa propre vie pour assurer la survie des siens.
Elle avait pris la situation en main dès l'adolescence, mais là, en l'espace d'une soirée, tout s'était effondré. En tendant le bras pour saisir la tasse de café que sa mère lui tendait, elle sentit une lourde pression sur ses épaules, bien plus forte que celle de la tasse. L'air dans la pièce semblait se raréfier, oppressant. La vérité, enfin. La grande vérité.
« On est en train de tout perdre, Erynn. »
Elle tourna la tête. Son père avait l'air fatigué, comme s'il venait de livrer une bataille qu'il savait déjà perdue. Il regardait le sol, les mains tremblantes enroulées autour de son propre café. Un éclat dans ses yeux trahissait une peur qu'Erynn n'avait jamais vue chez lui. Il n'était plus le père rassurant qu'elle avait connu, celui qui lui disait toujours que tout irait bien. Il était devenu une version de lui-même qui l'angoissait. Un homme accablé par la culpabilité, un homme épuisé par les responsabilités qu'il ne pouvait plus assumer.
« Qu'est-ce que tu veux dire ? » Erynn n'osa pas poser la question, mais elle l'avait à peine murmurée qu'elle savait déjà la réponse.
« Nous avons accumulé des dettes, Erynn. Plus que ce que nous pourrons jamais rembourser. Et la banque... ils ne vont pas attendre plus longtemps. » La voix de sa mère tremblait, mais l'accent était résolu. Elle tenait ses lunettes entre ses mains, les plissant nerveusement. « Il n'y a plus de solution... sauf... sauf ça. »
Erynn se figea. « Sauf quoi ? »
Le silence dans la pièce devenait lourd, presque palpable, comme une tempête prête à éclater. Son père se leva et s'approcha d'elle. Il s'arrêta juste à côté de la table, se tenant droit malgré l'ombre de la défaite qui planait sur lui. Ses yeux étaient ceux d'un homme qui savait qu'il n'avait plus de recours.
« Un stage, » murmura-t-il finalement. « Un stage à l'entreprise de Kaelen Drayven. L'entreprise la plus puissante du pays. Ils cherchent quelqu'un pour un stage d'été. Ça pourrait nous sauver. »
Erynn haussait les sourcils sans comprendre. Elle avait entendu parler de Kaelen Drayven, bien sûr. Qui ne l'aurait pas fait ? C'était l'homme dont tout le monde parlait, celui qui dirigeait la plus grande société d'investissement et de technologie de l'époque. Un prodige, un géant dans le monde des affaires, sans oublier les rumeurs qui circulaient à propos de sa vie personnelle, aussi énigmatique que fascinante. Mais un stage chez lui ? Pourquoi elle ? Qu'avait-elle de spécial pour qu'un homme comme lui la choisisse, même pour un stage, encore plus dans une période où tout semblait s'effondrer ?