Le vaste monde magique, un monde de mystères, d’adversité et d’inimaginable diversité était fondé sur des lois de sang, inviolables et immortelles. Il existait parmi tout ce que cet univers fabuleux et terrible avait de sublime, différents récits, chacun unique et divertissant à sa manière, et dont l’un relatait une bataille. Une si extraordinaire qu'elle devint légendaire et traversa même les âges. La formidable bataille entre un empereur aussi puissant que juste, et un sorcier dont l'existence même définissait l'abomination.
Un affrontement aussi terrible qu'inévitable que chaque peuple pensait devoir comprendre et approuver. Un combat de tous les temps entre le bien et le mal, la lumière et les ténèbres.
Mais au final, la vérité n'était jamais simple ou ce que chaque race prétendait qu’elle soit. Et les apparences trompeuses ainsi que les manipulations étaient le plus souvent les véritables causes de leur aveuglement.
La grande bataille avait eu lieu au sommet d'une montagne noire nommée par les sorciers gardiens - Stanys, ce qui dans les langues anciennes signifiait "la demeure des élus du mal", un territoire éloigné et inconnu du commun des mortels, d'où le choix du sorcier sombre pour y construire son immense royaume, une cité de liberté et des ténèbres qu'il espérait inaccessible à tous.
Mais un jour, reconnaissant enfin son erreur, il prévoyait l'arrivée imminente de son plus grand ennemi, et se prépara ainsi de son mieux, utilisant tout son talent, sa force considérable, et sa redoutable volonté, ne ménageant aucun effort, afin de pouvoir mener le combat de sa vie. Même s'il était parfaitement conscient de l'issue inévitable.
Dans la Chambre des Sorts, muni de son épais livre d'invocations, portant fièrement un sombre uniforme de combat, protégé par une épaisse armure, et complété par une longue cape de souverain nuit noire, le sorcier eut le désir et l'ambition désespérés d'invoquer une bête, la plus grande, la plus puissante et la plus cruelle de tous, pour équilibrer au mieux la bataille tant attendue. Les mains tendues, il rayonna et récita un sort d'une voix grave et lugubre. Bientôt, tout le mur situé derrière lui, inscrit de lettres magiques luisant d’une lueur sombre, se liquéfia et se transforma en un épais brouillard, donnant accès à une porte colossale qui s'ouvrit lentement et laissa sortir un monstre aussi noir que sordide, immense et puissant, à la peau épaisse et rugueuse recouverte de pierres, et dont la froideur aurait glacé n'importe quel être faible. Un monstre comme le magicien l’avait probablement rêvé. De plus, ses yeux d’ambres sinistres, dépourvus de lumière, regardaient autour de lui avec une avidité abjecte qui enchantait son maître. Ce dernier souriait triomphalement en admirant le monstre qu'il avait réussi à invoquer.
Mais alors qu'il s'apprêtait à évoquer un nouveau sort, une voix profonde et sardonique s'éleva soudain, résonnant dans toute la pièce avec une force qui fit trembler même les pierres de fondation et dissipa progressivement les lourds nuages noirs créés par les mauvais sorts.
"Oh, c'est une bête impressionnante que tu as là, Goem." Puis il ajouta avec un éclat de rire sardonique : "Et je suis un maître en la matière. "
"Bien sûr, puisque vous en êtes un vous-même", pensa cyniquement le sorcier. "Et le pire de tous."
La voix magique continua.
"La mienne sera particulièrement heureuse de jouer avec. Je veux dire, durant le peu de temps où cette chose serait capable de lui résister."
C'est alors que de puissantes étincelles magiques envahirent l'endroit et dissipèrent les restes de ténèbres qui l'emplissaient, qui n'avaient par ailleurs aucune chance de résister.
En voyant cette extraordinaire démonstration de force, le sorcier, bouillonnant de fureur et sentant pourtant la peur ramper vers lui comme des ombres traîtresses, se leva et libéra de son corps des vagues de brume noire, puis il s'écria.
" Bien. Maintenant, que vous avez enfin décidé de venir, montrez-vous à la lumière, enfin, si je puis dire."