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Quatre enfants d'Algérie ou Myrka de Béjaïa

Quatre enfants d'Algérie ou Myrka de Béjaïa

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Chapitres

Dans une Algérie en guerre, l’amitié entre quatre enfants d’origines différentes surpasse tout et, au-delà des angoisses liées à la guerre, les fait pénétrer dans un monde magique. Mais quel est donc ce vieillard mystérieux au visage masqué qui hante les rues de la ville de Bougie ? Quelle mission attend ces enfants ? À PROPOS DE L'AUTEURE Forte de sa mémoire, dans Quatre enfants d'Algérie ou Myrka de Béjaïa, Janine Hadjadj-Orgéas ramène ce récit des sources de son enfance. Elle aiguise sa plume pour que vivent ses racines et que le dépassement des différences conduise à la tolérance.

Chapitre 1 No.1

Je dédie ce conte :

À Sébastien, mon fils, à Liam et Chloé, mes petits-enfants pour qu’ils se souviennent de leurs racines sur une autre rive et qu’ils considèrent la différence comme une richesse ;

À Gilbert, mon grand frère, qui aimait tant à se souvenir et avec qui j’ai beaucoup partagé ;

À Alain, mon époux et mon premier lecteur ;

À Marie-Hélène, ma meilleure amie d’enfance.La nostalgie est vaine si elle n’est que contemplation statique du passé, si elle détourne vers celui-ci un regard qui ne parvient plus à y puiser l’élan pour construire l’avenir.

Chapitre 1

Le cap Carbon

— Quand les grands parlent, les petits se taisent !

— Mais… pourquoi ?

— Tais-toi donc, va dans ta chambre et ne te mêle pas des conversations des grandes personnes !

C’étaient toujours les mêmes mots, toujours aussi cinglants. Ils ne lui répondaient jamais lorsqu’ils parlaient des « évènements » ou bien s’ils faisaient semblant de lui accorder quelque attention, cela ne durait guère. Une fois de plus, Myrka se demanda pourquoi les « grands », comme ils se désignaient eux-mêmes, pourquoi les adultes ne se rendaient jamais compte que leurs propres discours contenaient les réponses qu’ils recherchaient. Elle essayait pourtant de le leur dire, mais en vain. Peut-être était-ce parce qu’ils ne posaient pas les bonnes questions, celles que seuls les « petits » se posaient !

Elle était aux portes de l’adolescence, et plus que jamais, avide de comprendre ces « évènements » qui alimentaient chaque soir les conversations des adultes. Invariablement, elle tendait l’oreille afin de ne pas en perdre un mot. Myrka écoutait, et parfois, posait ces questions auxquelles elle obtenait si rarement une réponse satisfaisante. Hélas, elle finissait bien souvent la soirée dans sa chambre et confiait sa déception à Mitsou, son chat et fidèle compagnon.

Les grandes personnes devaient être beaucoup trop absorbées par leurs préoccupations pour assouvir la curiosité des enfants. Avaient-elles tant de soucis que cela, ou bien avaient-elles peur elles aussi ?

Les informations diffusées à la radio venaient comme d’habitude égrener leur chapelet de nouvelles alarmantes : « … embuscades… attentats… tués… blessés… mis hors de combat… cesser le feu… pourparlers de paix… » Cesser le feu ! Tout le monde en parlait mais personne ne le faisait ! La réponse était pourtant là, dans la formule employée ! Naïvement, Myrka se demandait pourquoi ils ne réalisaient jamais ce dont ils parlaient. Tous étaient d’accord pour stopper la violence et s’asseoir autour d’une table pour… parler

La guerre allait-elle finir ? Personne ne voudrait lui répondre. Elle avait toujours bien à l’esprit le moment où leur vie avait tout à coup semblé prendre un nouveau tournant. Ils étaient tous les trois en cure, à Vichy, et c’était là que ses parents avaient reçu ce télégramme qui avait précipité leur retour de vacances.

Depuis l’insurrection qui avait eu lieu en 1954, ses parents n’avaient cessé de redouter cet instant. Son frère allait être rappelé sous les drapeaux ! Elle savait trop bien ce que cela signifiait : il allait devoir rejoindre l’armée et se battre ! En fait, la situation s’aggravait… la guerre était bien là, et pour la toute première fois, elle avait senti sa gorge se serrer et la peur l’étreindre sans pour autant oser se confier aux adultes. À quoi bon ? Leur propre émotion était si intense et elle la percevait fort bien depuis longtemps déjà.

Repoussant volontairement ces souvenirs qui refaisaient surface et l’assaillaient de temps à autre, elle se tourna vers son chat et se mit à le caresser lentement, machinalement

Ce soir-là, à l’heure où la lune était déjà haute dans le ciel de Bougie, et comme cela lui arrivait de plus en plus souvent, la fillette plongea son regard dans celui du chat, Mitsou. Il était là, comme figé dans une posture d’attente. Alors que Myrka ne percevait plus que très vaguement la voix du journaliste : « Bougie… ce matin… une intense activité aux limites de la ville… » La pupille étroite, au milieu des yeux verts du chat, sembla se dilater. Cette étroite fente noire verticale, qui flottait sur une mer limpide, s’élargit peu à peu. Les mots s’envolèrent, une porte s’ouvrit et Myrka vit ce qu’elle entendait. Comme prise dans un tourbillon, elle fut aspirée vers l’émeraude d’un lieu qu’elle reconnaissait fort bien.

C’était la crique des Ayguades entre le cap Bouak et le cap Noir. Au loin, le cap Carbon avançait sur la mer l’index d’un poing dont il avait replié les autres doigts, et semblait flotter sur cette étendue d’un vert profond où se reflétait une lune pâle. Un rayon passait sous l’arche de pierre et elle crut y voir onduler une écharpe sur laquelle était assise une silhouette aux contours arrondis. Portée par la brise, l’écharpe disparut de l’autre côté du cap. Au même moment, elle perçut des mouvements sur la plage de galets et le long de la route qui longeait la montagne. Des ombres se dirigeaient vers la crique. Un bateau avançait rapidement sur la mer et il lui sembla qu’une voile flottait au-dessus d’une coquille de noix.

Myrka n’était pas endormie, elle entendait toujours la voix lointaine du journaliste de France inter. Dès que Mitsou cligna des yeux, elle se retrouva au milieu des siens.

— Il est tard, tu devrais songer à te mettre au lit ! Un message parental lui parvint de la pièce voisine.

Elle obéit et se glissa dans son pyjama. À travers les volets de la porte-fenêtre, une brise rafraîchissante s’infiltrait dans la chambre. Elle vérifia que l’espagnolette reposait bien sur son support et se dit que personne ne pourrait pénétrer dans leur appartement, de ce côté-là. Le balcon était suspendu bien trop haut au-dessus de la cour centrale de la maison. Il était porté par un mur épais derrière lequel se trouvait la chambre de ses frères qui ouvrait sur ce même balcon. Leurs fenêtres surplombaient un escalier qui permettait de quitter la Rue du Vieillard et de grimper jusqu’à l’école Orluc. Myrka connaissait bien cet itinéraire ; c’était celui qu’elle empruntait chaque jour pour se rendre à l’école Jeanmaire.

Elle s’était souvent dit qu’en cas d’urgence, la famille pourrait s’échapper par l’une des fenêtres de la chambre de ses frères à condition d’utiliser une corde, bien entendu ! Sa mère lui en lançait une, parfois, lorsqu’elle revenait de l’école et Myrka y accrochait un cartable dont elle se débarrassait volontiers avant de descendre les dernières marches de la montée Leska. Une fois dans la rue du Vieillard, elle se précipitait dans le couloir de l’immeuble. Ce soir-là, elle se dit que, si elle se sentait en sécurité dans sa propre chambre, il valait mieux tout de même savoir que les volets des fenêtres, dans celle de ses frères, avaient été soigneusement fermés ! S’il était envisageable de sortir de cette façon, on pouvait peut-être tout aussi bien entrer…

Myrka n’avait toujours pas sommeil et tout en se livrant à ces réflexions, elle suivait des yeux les contours du mobilier de sa chambre. Les bougeoirs en cuivre sur le piano luisaient dans la pénombre sous l’effet des rayons de lune. Elle distinguait aussi les contours de la coiffeuse introduite dans son décor, contre son gré. Les trois panneaux du miroir se renvoyaient la lumière qui s’infiltrait dans la pièce et ces lueurs stimulaient souvent l’imagination de la fillette qui détestait ce meuble recouvert de marbre dont elle ne pouvait même pas utiliser les tiroirs. Son regard revint vers la fenêtre et son cœur se mit à battre plus vite. Quelque chose venait de passer subrepticement, rapidement, derrière les volets !

Mieux vaut dormir et ne plus penser à tout cela ! La fillette s’enfonça dans son lit et ramena le drap sur ses oreilles. C’était sa façon à elle de se protéger… puis elle chercha dans sa mémoire une image agréable qui lui permettrait d’attendre le sommeil ; la mer et le bruit des vagues s’imposèrent à elle, et comme cela arrivait bien souvent, Myrka s’endormit.

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