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Le plus glorieux des immortels: Dies illa, solvet saeclum in favilla

Le plus glorieux des immortels: Dies illa, solvet saeclum in favilla

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Chapitres

Il y a très longtemps, un étrange Inconnaissable et son auxiliaire, le diabolique Ialdabaôth, égarés dans un univers primordial, se hasardèrent à faire exister une modeste communauté de mortels qui leur avait été incidemment révélée. De faux miracles en erreurs nécessaires et de cooptations de circonstances en jugements arbitraires, tous deux n'auront de cesse de s'affronter pour faire avancer des calculs égoïstes. De ces comportements irraisonnés naîtront plus ou moins fortuitement des courants confessionnels, nonobstant entés sur de belles rencontres avec d'attachants personnages qui jamais ne pourront ni avoir raison de la cruauté des hommes ni réussir à installer entre ces courants aux lubies dévastatrices un rapprochement de leur doctrine. Biographie de l'auteur Dans une chronologie historique choisie, Alain Cappeau développe ici un récit cosmogonique, alternativement optimiste et dramatique, dont la question centrale sera de savoir si le mal, qui ronge l'humanité, peut se transsubstantier en quelque chose de meilleur pour en assurer sa continuité ou si l'extinction de celle-là est inévitable.

Chapitre 1 No.1

Prolégomènes

Que l’homme terrestre soit ou non, dans l’univers, seul de son type, qu’il ait ou non des frères lointains et disséminés dans les espaces, il n’en résulte guère pour lui de différence dans la façon d’envisager sa destinée.

Atome dérisoire perdu dans le cosmos inerte et démesuré, il sait que sa fiévreuse activité n’est qu’un petit phénomène local, éphémère, sans signification et sans but.

Ainsi n’a-t-il d’autre ressource que de s’appliquer à oublier l’immensité brute qui l’écrase et qui l’ignore.

Jean Rostand

L’homme, 1941

Automne de l’an 2158

La création de celui qui fut l’Inconnaissable et qu’on appelât par commodité AZO, puis le Père AZO et enfin tout simplement le Père, n’était plus qu’une secte confiscatoire de tout, au profit de certains. C’est en tout cas de cette manière que le tout puissant dernier califat, dépositaire de cette violence protectrice, concevait aujourd’hui son ultime mission. Du temps de cet être, la violence désespérait l’homme, aujourd’hui elle le laisse espérer. Que l’inquisition, les dragonnades ou encore les univers concentrationnaires étaient doux aux humains qui déployaient d’ingénieux contre-pouvoirs pour exister ! Éros cette pulsion de conservation s’était naturellement et graduellement métamorphosée en Thanatos, celle de la destruction, sans que quiconque n’y trouvât à redire.

Matthieu-Lévi le publicain de Galilée, affirmait, on s’en souvient, que le fils de l’Inconnaissable n’était pas venu apporter sur terre la paix mais bien le glaive, et que l’agressivité était spiritualité, eh bien nous y voilà !

Quelque part, pas très loin du jardin des belles âmes, l’Inconnaissable diaboliquement serein, scrutait un horizon d’huile en ressassant ces propos.

Et c’est de là, à quelques empans de ce lieu de félicité qu’il décida de coucher mentalement son premier et dernier testament olographe, par lequel il laisserait en legs, au dernier des vivants, une Terre et ses turbulences, sans autres explications et justifications. Les hommes ne se détruisent-ils pas de leurs propres mains lorsqu’ils ont cessé de comprendre leur raison d’être !

C’est le vieux stoïcien Cléanthe qui, dans l’ivresse de ses emportements emphatiques, d’une voix douce et pénétrante, avait été chargé de conclure l’achèvement d’une histoire, en ces termes « Toi le plus glorieux des immortels, toi qui a tant de noms, toi qui régis toute chose selon ta loi, qui sait donner la mesure à ce qui dépasse la mesure, lègue à ces malheureux insensés qui courent d’un mal à un autre, aux uns possédés pour la gloire d’un zèle querelleur, aux autres sans aucune mesure, poussés par l’appât du gain, à ceux enfin qui s’abandonnent à une vie relâchée, ta création en l’état».

Puis il rajouta, en présence du potier Noah, d’Emzara et de leurs fils, d’Ab-ra-mu, de ses bienveillants parents Amaltaï et Térah, et de ses deux garçons, de Sara et de Hagar serrées l’une contre l’autre , d’Akkis le porteur d’eau, de Myriam serrant dans ses mains celles de ses parents Anna et Joachim et de son fils le rebelle Joshua, entourés de Benoite, de Mélanie et de Bernadette, d’Osarsiph le lépreux de l’exode appuyé sur l’épaule de l’aimante Sephora, de Samuel et de sa mère la pieuse Hannah, de David et de son fils Absalon se tenant à faible distance de lui, de Bethsabée et de Shlomo son enfant trop aimé, suivis de Makedah la belle de Saba et de leur aîné Ménélik, de Saul de Tarse, de Jean de Patmos fils de Zébédé, de Marc, de Matthieu et Luc, de Joseph d’Arimathie l’homme à la langue cousue, le Saint Graal serré entre ses mains, de Nicodème, du frêle lettré Augustin d’Hippone masquant la dévote Monique sa mère et son fils Adéodat, d’Esdras le lévite chaperonné par Ezéchiel, Esaïe, Jérémie et Corneille cet ancien centurion qui fut jadis le premier évêque de Césarée, de Constantin le Grand et du sémillant Muhammad accompagné de la fière Kadhija et de leur douce Fatima, du prince Saläh ad-Dïn, de Louis IX le casuiste à la complexion délicate, de Jean d’Ibelin, chevaleresque sire de Beyrouth, de Lao-Tseu, de Siddhartha Gautama celui qui eut été un grand saint s’il avait été chrétien, du vieux maître Confucius, d’Héraclite d’Éphèse, de Thomas d’Aquin, de François d’Assise l’homme au sourire d’anachorète qui ramena les âmes à la fraicheur des sources, de Maimonide, de Gandhi, de Teilhard de Chardin, du brillant Averroès, d’Avicenne, de Pyrrhon celui qui refusait encore d’accepter la vérité originelle, de Grégoire l’autre lettré, de Sénèque le sublime rhéteur porté par un carré d’irréductibles stoïciens composé de Zénon de Kition, de Marc-Aurèle, d’Épictète tournant toujours autour de son tas de cailloux et de Chrysippe de Soles, et de bien d’autre penseurs de la vie d’alors et de celle d’avant, « Nous savons que la distance, qui va te séparer de ceux que tu as créés, n’est pas en toi un défaut mais un excès, que ta religion n’était pas une philosophie mais une histoire, que l’être humain finissant sera sans toi contraint de s’avouer toute sa détresse, sa petitesse dans l’ensemble de l’univers, il ne sera plus le centre de ta création, l’objet des tendres soins d’une providence bénévole… ».

Cléanthe, à son affaire, jabotait comme si une éternité lui était acquise. Petite fleur princesse khazar le suivait d’un regard malicieux, un peu en retrait en présence de Jeanne de Domrémy et de ses frères Jacquemin, Jean et Pierre, de Petr Ginz et d’Eliana de Theresienstadt et d’Elena Vladimirova de la Kolyma ses trois fœtus dans les bras, de Simone du Rouet et de son petit-fils Frédéric. Derrière eux un flot d’âmes anonymes conduites par Jacques de Molay, les frères pasteurs Luther et Calvin, l’abbé Grégoire, et les évêques, Bossuet le plus grand poète du tombeauet Saint Irénée de Lyon ce pourfendeur d’hérétiques, grossissait un insondable avenir.

Des larmes sèches grignotèrent les joues ravinées du Père, lorsqu’il tourna pour la dernière fois le dos à tous ceux qu’il avait aimés, à sa façon. Et d’une voix éraillée, à peine audible, enfouie dans une douleur tenaillante, il murmura dans une accusation pro domo: « me voici devenu la mort, destructeur des mondes, me voici devenu la mort, la mort… Dies irae, dies illa, solvet saeclum in favillâ ». Et un démiurge de la foi de supplanter une victime de la vie dans une victoire à la Pyrrhus, et le maître de la gravitation de disparaître à jamais dans un espace assourdi, ennobli des hauts faits de myriades de héros, en se disant avec beaucoup d’humilité que ça n’était pas être puissant que de n’avoir pu résister à la tentation de la puissance. Toutefois, si chacun doit être reconnu pour ce qu’il a fait, témoignons qu’il lui aura suffi, d’un emballement de cœur, d’un désir de paternité et d’un bon choix au bon moment, d’un homme lige, pour installer et transcender sur Terre, certes selon ses propres lectures, trois courants religieux et spirituels majeurs qui, au fil des siècles s’emmurèrent dans une orthodoxie politico-mystique, attentatoire à leur propre évolution et à celle des autres. Somme toute cet Inconnaissable sut faire, jusqu’à un certain point, contre mauvaise fortune bon cœur en intégrant l’évidence selon laquelle l’église papiste de son fils ne s’était peuplée que d’ersatz de missionnaires capitonnés dans leurs canons, quand leurs congénères musulmans s’adonnaient à un prosélytisme factionnaire et que les adeptes du judaïsme édifiaient singulièrement et habilement leur émancipation, à l’intérieur d’une société des hommes qu’ils entendaient privatiser. Et puis, pour son plus grand malheur, ces courants aux lubies dévastatrices, devenus antagonistes dévièrent peu à peu de leur chemin de foi, pour se dénaturer en sectes fanatiques, intolérantes et potentiellement explosives.

Nous en étions là, à l’acmé, de l’inanité d’une création, de l’absurdité d’une uchronie qui arrivait à son terme. Alors des entrailles d’un univers en déperdition commença à sourdre un radotage incantatoire d’Ammien Marcellin, ce probe lettré d’Antioche qui tutoya la camarde aux côtés du César païen, Julien, lorsque ce dernier emprunta la torche funeste de Bellone pour aller tenter, mais en vain de défaire un grand roi de Perse. Marcellin avait fui l’Eden de l’Inconnaissable, suivi d’une interminable colonne, de chapelets d’âmes ouvertes qui ânonnaient avec lui des propos abstrus, qui semblaient dire que certains esprits peu lucides, répétaient les expériences malheureuses, bien qu’ils aient été vaincus, et recommençaient les guerres comme des naufragés reprennent la mer en finissant par retomber dans les pièges dont ils avaient été si souvent victimes.

Dans ce charivari ininterrompu, les fracassantes saillies oratoires des émanations torturées, répondaient en écho aux plaintes des souffles encore prisonniers de leur vie terrestre, que si l’amour de l’autre disparaissait ou s’évanouissait dans le cœur des hommes, c’est alors le monde entier qui périrait.

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