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La danse des papillons: Tome II

La danse des papillons: Tome II

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4.8
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55
Chapitres

« Si je devais rĂ©sumer ma vie, je dirais qu'Ă  la seconde mĂȘme oĂč il me fut permis de le distinguer autour de moi sans la moindre confusion, je tombais amoureuse de mon environnement. » Biographie de l'auteur Samie Louve a consacrĂ© une grande partie de sa vie Ă  l'Ă©criture poĂ©tique en observant la nature qu'elle dĂ©crit, celle humaine aussi. Elle tente de venir en aide Ă  autrui pour qu'il puisse raconter sa vie, l'accompagnant au mieux dans le prolongement de celle-ci afin qu'il laisse une trace aux siens, proches ou amis.

Chapitre 1 No.1

Il est un bout de ciel qui n'appartient qu'Ă  moi...

C'est celui que je caresse en pensant Ă  toi, Catherine-Pascale

Ma fille chérie.

La danse reste la mĂȘme chez les papillons, bien des annĂ©es aprĂšs.

*****

Le souvenir me porte et me transporte bien souvent au-delĂ  de mes rĂȘves, il s'attache Ă  me faire vivre cette rĂ©alitĂ© d'un passĂ© que je voudrais toujours prĂ©sent tant il est ancrĂ© en moi. Cette fabuleuse mĂ©moire dans laquelle je me complais outrepasse ses droits jusqu'Ă  l'inoubliable. Esclave de ses joies mais aussi de ses peines, je ne peux que la vivre pour en ĂȘtre soulagĂ©e. Cependant, qu'elle soit fantasme, chimĂšre ou quelconques songes illusoires, elle me permet de revivre cette partie de ma jeunesse entourĂ©e de la tendresse des miens. De fredaines en frasques et de passades en passions, de rires qui me firent pleurer aux larmes dont quelquefois je ris aujourd'hui, je ne peux oublier. Des coups tellement bas qu'ils me tannĂšrent le cuir Ă  cette exaltation si souvent incomprise que j'en garde les traces, j'en rĂȘve trop souvent. Au-delĂ  de ces rĂ©miniscences et du plus loin que je me souvienne, je garde en moi cette facultĂ© de puiser dans mes rĂ©serves les quelques aptitudes qui me furent offertes bien malgrĂ© moi. Pour cela, je sais depuis toujours vers qui va ma reconnaissance car cette force, rĂ©signĂ©e quelques fois, s'obstine encore souvent et pour mon plus grand bien grĂące Ă  mes grands-parents maternels prenant sous leurs ailes bienveillantes, de ma naissance Ă  mes huit ans, l'oisillon tombĂ© du nid que j'Ă©tais aprĂšs la mort de ma maman.

Et me voilĂ , de longues annĂ©es plus tard, plongĂ©e dans mes souvenirs, Ă  les revivre pour les dĂ©crire. Il est vrai qu'il s'en est passĂ© du temps quand l'essentiel est lĂ , profondĂ©ment ancrĂ© en moi. Je chemine durant ce qui me semble ĂȘtre une Ă©ternitĂ©, croyant avoir oubliĂ©, et pourtant ! Soixante et onze ans ont sonnĂ© Ă  ma porte et il me semble qu'hier est lĂ , au bout de mes doigts, que je l'effleure, que je le touche sans jamais l'avoir quittĂ©. Si l'on m'avait dit qu'un jour je retiendrais tout cela dans mon petit cerveau, ma cervelle de moineau comme disait mon cher grand-pĂšre, mon pĂ©pico aujourd'hui disparu ! Je souris encore en pensant Ă  lui. Ce merveilleux bonhomme Ă  qui je dois tant ! Lui qui m'a tout appris de ses silences auxquels j'adhĂ©rais, le mimant, son regard au loin, si loin que l'on ne pouvait s'imaginer oĂč se posaient ses pensĂ©es. Tous deux, nous ne faisions qu'un dans ces moments de profonde rĂ©flexion que je n'osais interrompre, l'observant avec tendresse. Ces instants me semblaient divins. À mes yeux de gosse, mon grand-pĂšre me faisait l'effet d'un grand sage et je crois bien qu'il l'Ă©tait, ne laissant rien paraĂźtre, pas le moindre regret ni la plus petite colĂšre, son sourire enfoui tout au fond de son regard malgrĂ© son air renfrognĂ©. J'avais pris de lui les yeux bleus, les yeux des rĂȘves oĂč chacun aime se promener afin d'y puiser toute la tendresse du monde. Je n'Ă©tais qu'une petite fille et dĂ©jĂ  auprĂšs de ces deux ĂȘtres qu'Ă©taient mes grands-parents maternels, je sentais l'amour ruisseler sur moi depuis la perte de celle que je ne connaĂźtrai jamais : ma mĂšre. Dans la famille, tous l'appelaient PoupĂ©e. Ma mĂšre, trop tĂŽt disparue ce 17 janvier 1948, Ă  peine quelques jours avant que nous fĂȘtions le premier anniversaire de ma venue au monde, ce 27 janvier 1948. PoupĂ©e avait seulement 24 ans.

C'est vrai qu'il s'en est passĂ© des choses depuis, depuis ce fameux jour oĂč je crus que l'on m'arrachait, l'une aprĂšs l'autre, des entrailles du corps, ce jour oĂč il fallut quitter le pays oĂč nous Ă©tions nĂ©s, tout ce qui m'Ă©tait cher ! Notre terre si particuliĂšre, si douce Ă  nos cƓurs et sur laquelle nous vivions depuis des gĂ©nĂ©rations. Cette boule pesante sur mon estomac, elle est souvent lĂ , elle se manifeste lorsque je croise des Arabes venus se rĂ©fugier eux aussi dans notre beau pays, la France. Je la sens alors qu'en famille nous nous remĂ©morons les souvenirs avec cet accent bien de chez nous, chantant comme les cigales en Ă©tĂ© au milieu des champs de blĂ©, en riant parfois jusqu'aux larmes sur les vieilles photos Ă  prĂ©sent jaunies, ramenĂ©es de lĂ -bas dans nos minces bagages. Oui, le souvenir m'appelle, il a posĂ© sur moi ses douces ailes comme celles des papillons cherchant le fruit sur la plaine jaunie sous un soleil de plomb. Et bien que quelques annĂ©es aient grignotĂ© ma vie, je me souviens comme si c'Ă©tait hier, chaque instant si infime soit-il, de ce que tous ces ĂȘtres m'ont apportĂ© de chaleur et de tendresse sur mon chemin de l'enfance. Cela allait me permettre de traverser le temps sereinement, du moins quelques annĂ©es durant !

Nous Ă©tions donc installĂ©s Marie, mon pĂšre et moi Ă  Montpellier, au quatriĂšme Ă©tage d'un vieil immeuble rĂ©novĂ© Ă  la hĂąte dans la rue de la ValfĂšre. Les escaliers en colimaçon comme le reste de l'immeuble Ă©taient trĂšs anciens, si Ă©troits qu'en les grimpant nous nous appuyions sur le mur effritĂ© de la colonne centrale sur lesquels ils Ă©taient bĂątis. Cela sentait le moisi Ă  peine entrĂ©s dans l'immeuble au point que cela nous soulevait le cƓur, surtout Ă  Marie et moi qui pestions quand mon paternel, lui, ne sourcillait guĂšre, ne disant mot. Toutes les marches de cet escalier Ă©taient ĂągĂ©es, si usĂ©es qu'elles Ă©taient lisses en leur milieu sans la moindre arĂȘte sur leurs bordures. Bien des pieds avaient dĂ» l'emprunter, pensais-je souvent en imaginant l'ancien temps. Marie qui portait bien son Ăąge avait pris un coup de vieux depuis notre dĂ©part du Maroc et en grimpant les quatre Ă©tages des escaliers, difficiles Ă  monter, elle n'en finissait plus de souffler au point que des haltes Ă©taient nĂ©cessaires afin de reprendre son souffle. Je suis sĂ»re au fond qu'elle regrettait d'avoir louĂ© cet appartement mais comme Ă  son habitude, elle ne se plaignait pas. ArrivĂ©es dans ce que je ne cesserai de nommer un taudis, nous avions droit Ă  la roucoulade des pigeons rassemblĂ©s sur le toit. Ils paraissaient heureux de nous voir, du moins c'est ce que j'imaginais. J'aimais les observer d'autant qu'ils ne montraient aucune crainte Ă  mon approche. Ces pigeons auprĂšs desquels je passais du bon temps me rappelaient la ferme au TlĂ©lat. Durant leurs envolĂ©es, je les accompagnais du regard, les voir voler au-dessus de moi me donnait de l'espoir. Je prenais d'eux chaque geste, chaque caquetage, ne me lassant pas de leur bavardage, leur enviant leur libertĂ©. Je n'avais pas fini de me souvenir, en leur compagnie, de mon pays perdu, mon enfance, ma vie lĂ -bas et lorsqu'ils revenaient sur le toit, je ne manquais pas de leur lancer des morceaux de pain rassis chipĂ©s Ă  Marie avant qu'elle les utilise pour en faire du pain perdu.

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