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LĂ  oĂč va le feu: 1er Journal

LĂ  oĂč va le feu: 1er Journal

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5.0
avis
3
Vues
20
Chapitres

2054, une dĂ©cennie de sĂ©cheresse. La terre succombe sous d'ardents rayons solaires. Plus une pousse, plus une goutte, le soleil est Ă  son apogĂ©e, il brĂ»le tout. Tom LancĂ©phale est l'un des derniers rescapĂ©s de la race humaine. Pour survivre, il vit sous terre, loin de la fournaise rĂ©gnant en surface. Soudain, aprĂšs de longs mois de sursis et de solitude, une Ăšre glaciaire s'abat en un Ă©clair, gelant tout sur son passage. Tom se rĂ©veillera des milliers d'annĂ©es plus tard Ă  l'heure de la fonte des glaces et des grandes floraisons. Il est libre Ă  prĂ©sent, libre face aux intrĂ©piditĂ©s de ce nouveau monde qui pousse en surface. Ceci est son carnet de bord, empli de dĂ©couvertes, d'aventures et d'horizons. VĂ©ritable roman d'anticipation, LĂ  oĂč va le feu est une expĂ©rience humaine et sensorielle instituant un inĂ©vitable rĂ©apprentissage des fondamentaux de la vie sur terre. À PROPOS DE L'AUTEUR La littĂ©rature est pour Thibault une porte ouverte Ă  l'Ă©vasion. Elle est un besoin vital qui transporte dans des imaginaires Ă  la fois divertissants et instructifs. L'indĂ©niable beautĂ© du vivant et son urgent besoin de protection sont les deux essentiels de ce roman dĂ©veloppant Ă©galement les thĂšmes de l'aventure, de la perdition et de l'ensauvagement.

Chapitre 1 No.1

Année 2, mois 7

LĂ  oĂč va le feu, est lĂ  oĂč s'avancent mes pas. Ce sont ces instants qui mĂšnent d'une survie Ă  l'autre. Ce sont ces lignes que j'Ă©cris le soir en cuisant le repas que la jungle m'a offert. C'est suivre le chemin des braises qui s'Ă©vadent dans l'obscuritĂ©. Le dernier long voyage de mes empreintes...

Ceci fut mon journal d'un entre deux mondes, ouvert dans le désespoir d'une mort certaine, achevé dans la certitude d'une vie nouvelle.

La terre ne s'est pas réincarnée, elle s'est régénérée. Et moi avec.

Tom Lancéphale, terrien déchu

Ruines

Fragments de notes - septembre Ă  novembre 2053 :

4emois de sécheresse

Plus de Biafine, bonjour la peau de cobra pour demain. Ils appelaient ça planĂšte Ă©tuve, eh bien la voici. Nous avons mutĂ© en une espĂšce nocturne, des ĂȘtres devenus proies du soleil. Ça y est, lĂ  il est parti carboniser les terres de l'ouest mais dans 6 heures, il reviendra chez nous pour le prochain tour de broche. Et alors il faudra se cacher, avancer Ă  couvert. Avancer, Ă  couvert, et puis c'est tout. L'objectif ? À boire, Ă  manger, de l'ombre. Basta. Il sera lĂ  le bonheur, un ruisseau d'eau fraĂźche et cristalline cascadant tes entrailles. Je m'assĂšche. Surtout, n'oublie rien terrien, t'es rien de rien tuer, ouais terrien, tu n'es plus rien sur cette terre de plus rien. Tu veux en finir terrien ? OK, alors vautre-toi au sol demain dĂšs 6 heures et le soleil t'emportera dans sa lumiĂšre. Flash ! Au bĂ»cher, adios l'hĂ©rĂ©tique. PulvĂ©risĂ©, peaulvĂ©risĂ©, chairvĂ©risĂ©, osvĂ©risĂ©, ĂąmevĂ©risĂ©... Des rayons de lave. Un grand marasme. Ravi d'ĂȘtre nĂ©, merci maman, merci papa.

Réserves : eau 1.6L, 2 barres de céréales.

Solo depuis les 10 jours que j'ai lĂąchĂ© la troupe folle. À contre sens sur l'autoroute, le goudron visqueux qui colle aux pattes. VallĂ©e de la mort. Quelques voitures HS, quelques stations essence HS, quelques cadavres HS. Comme une balade Ă  PompĂ©i. Odeur de roussi. Narines brĂ»lĂ©es. Gorge enflammĂ©e. Air opaque. Nuit ocre sombre. MĂȘme pas un cactus qui pousse. J'ai un plan, il faut marcher vers le sud. LĂ  oĂč les hommes ne sont plus que souvenir. LĂ  oĂč dans la dĂ©bandade ils n'ont pas eu le temps de faire bagage... Ensuite, il faudra creuser. S'Ă©loigner loin, ouais loin dans les profondeurs. Les autres migrent vers le nord et la damnation alors que la survie se trouve juste sous leurs pieds dans le taudis des taupes.

RĂ©serves : eau 0.7L, avoine d'Ă©curie 450G.

Des ruines arides, partout. Mare de boue bien amĂšre. Neige de cendres. Ciel rougeĂątre, coucher de soleil magnifique. L'eau est l'or maintenant, la denrĂ©e disparue, qui l'eĂ»t cru ? Les marketeux s'en arracheraient les cheveux. Ville, ville Ă  l'horizon ! Des usines, des magasins, des maisons, des immeubles, des bistrots, des parcs, un stade. Tous silencieux. DrĂŽle d'oasis. Fouilles alimentaires. Trouvailles. Ça ravigote.

Fragments de notes fin 2053 – dĂ©but 2054

RassasiĂ©. 3 nuits que je creuse mon trou Ă  coup de pelle-bĂȘche. Tout est prĂȘt et voilĂ ... J'y suis, ancrĂ© 5 mĂštres sous terre. La vie de caverne commence. Un Ă©troit tunnel me relie Ă  la surface, il me fournit air et lumiĂšre. Enfin un peu de fraĂźcheur, moi qui pensais finir brĂ»lĂ© vif Ă  force de rester plantĂ© lĂ -haut comme un piquet. Avant de descendre pour de bon, j'ai tuĂ© une charogne en lui fracassant le crĂąne aussi Ă  coup de pelle-bĂȘche. LĂ©gitime dĂ©fense, c'est lui qui voulait s'en prendre Ă  mon stock de vivres ramassĂ©s un peu partout dans la flopĂ©e de maisons mortes que je fouillais depuis des semaines. Maisons, supermarchĂ©s, usines... Tout est bon Ă  prendre pour l'homo-mori de la post-histoire.

« Éloigne-toi de ça ou jt'Ă©caille », me disait-il, tout tremblotant qu'il Ă©tait en pointant sa petite lame vers mes rĂ©serves.

Je n'Ă©tais pas plus homme qu'il ne l'Ă©tait plus. Oui, il fallait en arriver lĂ , notre famine dĂ©vora notre humanitĂ© en derniĂšre ration de survie. DĂ©solĂ© vieux, mais c'est pas comme ça qu'on demande de l'aide Ă  son prochain. Et c'est pour cette raison que je t'ai enfoncĂ© ma pelle en pleine face. Ce vautour m'aura quand mĂȘme plantĂ© la cuisse pendant le corps Ă  corps. Triste affaire, l'un sur l'autre se roulant au sol jusqu'Ă  sombrer au fond de mon puits. Par chance, j'y avais laissĂ© ma pelle qui creuse apparemment aussi bien la terre que la cervelle. Merci pour le t-shirt nĂ©anmoins, il ne te servira plus alors il sera mon pansement. Terrible, il y a encore quelques mois je ne me pensais pas capable de tuer quelqu'un. Oui mais ici chez nous – les terriens –, le vent a tournĂ©, le sang a chauffĂ©.

Fallait-il manger cet homme ? C'Ă©tait sans doute l'idĂ©e la plus sage mais je ne pouvais m'y rĂ©soudre. ArrivĂ©e dans ses derniers retranchements la faim donne raison Ă  tout et ça mĂȘme pour le plus avisĂ© des hommes. Mais non, pas encore pour moi. Allez ouste, hors de mon trou avant que ça n'empeste le cadavre. Les flammes du soleil s'occuperont du corps. Vu la tempĂ©rature, il sera devenu poussiĂšre planante d'ici le mois prochain et excellent fertilisant pour le monde d'aprĂšs. Fallait-il vraiment ne pas manger cet homme ? Ce si gros morceau de viande, j'y vois du gĂąchis, j'y vois un festin, j'y vois mon dernier Ă©lan de luciditĂ©, j'y vois cette sĂ©cheresse... RĂŽtissant sa cher et chĂšre chair humaine.

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