Les regrets de mon ex-mari
L'alpha tout-puissant reconquiert sa compagne
Ex-mari, je ne t'aime plus
Divorcée et mariée à un chef de guerre
Mariage avec un zillionnaire secret
Le retour de l'héritière adorée
Chant d'un cœur brisé
Mon nouvel amant est un mystérieux magnat
Le diamant poussiéreux brille à nouveau
Le retour de l'épouse indésirable
De la même auteure
Un amour singulier, Éditions du Panthéon, 2020 ;
Le damier, Le Lys Bleu Éditions, 2020 ;
Le manuscrit, Le Lys Bleu Éditions, 2021.
1
Le supermarché de mon quartier est noir de monde alors que je me faufile dans ses rayons. Absorbée par mes pensées, je ne prête pas attention aux clients qui s’empressent de faire leurs achats. Seule la présence de la mascotte Hugo1perturbe ma vision périphérique. Du coin de l’œil, je perçois un petit groupe d’enfants le cou étiré, glissant autour de la peluche géante afin d’obtenir un carnet de coloriage. Elle promène son gros nez sombre et se dandine sur place entre les bras tendus qui essaient de la toucher.
Depuis quelques secondes devant l’assortiment de pâtes farcies, je serre mes mains autour des anses du panier et focalise mes yeux sur les raviolis.
Il fait frais devant l’armoire frigorifique. Là où je me tiens, l’air circule et souffle sur ma gorge. Instinctivement, je remonte le col de mon manteau, sentant les frissons m’envahir. Dans mes oreilles, la musique du magasin se diffuse et étouffe les bruits des conversations. Les haut-parleurs annoncent soudainement une publicité qui n’atteint pas mon cerveau quand je ressens une présence tout près de moi. Un homme à la stature imposante me contourne tout en murmurant :
— Quelle concentration… pour des pâtes farcies…
Ces mots ont jailli dans mon dos. Je recule de quelques pas, les mains toujours agrippées aux anses de mon panier. Sans lui témoigner un intérêt particulier, je me retiens de répondre et mon corps s’écarte encore un peu plus.
L’individu redresse le torse, comme pour révéler sa présence et réplique :
— Alors ! Qu’est-ce que vous me conseillez ?
Hébétée, j’ignore s’il devine mon désarroi. L’écho de sa voix est grave et chantant, avec une intonation onctueuse peu commune. Il me fixe, le regard doux et intense. Je ferme les yeux quand je vois frémir les commissures de ses lèvres. Je n’ai plus l’habitude d’être consultée et je m’entends lui répondre comme une automate :
— Mon copain dit que j’ai des goûts de chiottes concernant la nourriture.
L’expression de son visage se métamorphose radicalement et laisse apparaître un sourire sarcastique.
— Ça, c’est un gars… C’est sûrement lui qu’on invite le mercredi soir.
J’éructe un son amusé.
— Blague à part, qu’est-ce que vous me recommandez ? renchérit-il
Suis-je capable de conseiller qui que ce soit ?
— Je les ai toutes essayées et il prétend que c’est de la bouffe pour chien.
Pourquoi je parle de ça avec lui !
Je sens mes yeux se tendre, piquer et par réflexe je détourne la tête, sous le regard inquiet de ce client.
— Je suis désolée, lancé-je en haussant légèrement la voix pour me faire entendre par-dessus le brouhaha qui règne autour de nous.
Ma main happe 2 paquets de raviolis accrochés au présentoir et mes talons pivotent sur eux-mêmes. Le magasin est toujours aussi plein alors que je file vers la sortie, avec cette sensation d’être poursuivie du regard. Je prie intérieurement pour que cet individu ne me suive pas. C’est bien la dernière chose dont j’ai besoin en ce moment. J’ai toujours été douée pour attirer les hommes, même quand j’avais une tête de déglinguée, comme aujourd’hui.
Une file interminable se profile à la caisse. Sans faire attention aux gens qui me frôlent, je secoue la tête et respire intensément, tentant de calmer les battements précipités de mon cœur. Mes réflexions se fragmentent continuellement et mon panier me paraît de plus en plus lourd. Je ne cesse de le basculer d’une main à l’autre pour soulager la tension dans mes épaules.
François, mon bourreau, m’attend dans notre appartement.
Mon bourreau… il ne l’a pas toujours été et jamais je ne l’aurais imaginé lors de notre première rencontre. À l’époque, j’étais une fan assidue des matchs de hockey et pour rien au monde, je ne manquais une compétition. Ce soir-là, j’étais arrivée un peu en avance, attendant mes amis. Debout au bar de la buvette des juniors, je patientais, sirotant un thé chaud quand François apparut dans l’entrée. Il défilait la fenêtre de son portable, le visage concentré, lui conférant un charme fou. Hypnotisée par sa haute silhouette emprunte d’une certaine assurance, je ne résistais pas à le dévisager. Tout autour de moi, les hommes et surtout les femmes se retournaient sur son passage et se regroupaient, cherchant son contact. En outre, sa voix forte et posée dominait les autres par sa résonance et provoquait l’envoûtement. Quand nos regards s’étaient croisés, son expression était devenue séduisante.
À cet instant, je m’arrache à ce souvenir. Mon esprit ne peut s’empêcher de ressasser sa petite phrase de merde, balancée au petit déjeuner entre deux bouchées de céréales au lait :
« Tu es folle, tu m’as mal compris, je n’ai jamais dit les choses dans ce sens-là. »
Ses mots retentissentencore dans ma tête comme un carillon percutant un balancier. J’inspire profondément et essuie quelques larmes. Ce n’est pas le moment de gaspiller mon énergie en m’abrutissant davantage de sa perversion narcissique.
Je passe les quelques minutes suivantes à me donner du courage, à le chasser de ma tête et à me concentrer sur ma fuite.
Quand j’arrive à la caisse, c’est Léo, un copain d’enfance. Mon ventre se noue et ma respiration reste coincée dans ma gorge. Depuis qu’il a assisté à une énième humiliation de la part de François, il se comporte différemment. La dernière fois que nous étions à sa caisse, il n’arrêtait pas de me regarder avec une hargne inattendue tout en me disant avec ses yeux : « Envoie-le valdinguer… » et en même temps, il était agacé par mon inertie. Moi-même je ne me comprenais pas. Quand il fixait François, c’était la guerre dans ses yeux.
Le temps que j’enfile mes paquets de pâtes dans un cabas, il déballe les dernières péripéties de son frère et je remue la tête, déviant le regard à tout moment. Le nez plongé dans mon portefeuille, il évoque François, sous le regard curieux du client derrière moi. J’esquive, claquant mes lèvres d’un air crispé. Je n’ai pas envie de me justifier.
Justifier quoi d’ailleurs ?
Encombrée de mon sac à commissions, je marche à toute allure. Il fait déjà bien froid pour un mois de septembre. Je soupçonne que le climat n’est pas seul responsable de cette sensation. La tête engoncée dans mes épaules, je ne vois pas le trottoir qui me mène à notre logement. Le silence relatif de la rue me prépare à affronter les bordées assassines que François va m’instiller dès que je passerai le seuil de la porte.
Je me rappelle qu’au début, nos disputes étaient insignifiantes.Je crois même que c’était un sport que nous pratiquions à merveille pour maintenir en forme notre couple. J’éclatais de rire régulièrement pendant nos chamailleries. Je me rendais vite compte que le sujet n’était vraiment pas sérieux sur le fond et qu’on ne faisait que passer nos nerfs l’un sur l’autre.
Le temps passant, les sujets sont devenus plus corrosifs.
Au début du printemps, nous étions en train de parler des jobs auxquels il allait postuler. Je l’avais encouragé à s’engager dans des postes ambitieux, lui permettant de monter les échelons. J’étais persuadée qu’il avait des compétences au-delà de ce qu’il prétendait. Il m’avait répondu qu’il ne se sentait pas encore prêt, que je n’étais jamais contente, que c’était dans ma nature et qu’il en avait marre.
Un peu avant Noël, j’étais en train de tenter de confectionner un bijou à la main. J’éprouvais beaucoup de difficultés car je ne suis franchement pas douée. Il trouvait le temps long et il a commencé à me taquiner. Il tournait autour de moi comme une sauterelle. Je galérais encore plus et m’énervais sur moi-même. Il tenait un discours des plus pathétique. J’étais ridicule de m’exciter pour un stupide bracelet. Il avait fini par le balancer au travers de la pièce et tout s’était éparpillé. C’était un objet sans aucune valeur, mais je ne sais pas pourquoi, son geste m’avait mis dans une colère monstre. J’avais explosé.
Le court trajet renforce mon amertume. La bouche sèche, je tremble à l’idée de me retrouver face à lui, avant ma fuite. La pluie commence à tomber en fines gouttelettes, faisant glisser mes pieds sur les feuilles mortes. Un profond sentiment de lassitude m’envahit et le léger frémissement de l’air m’apaise. Ils me débarrassent momentanément de ma peur et de ma fureur.
Devant l’immeuble, je puise au plus profond de moi toute l’énergie, ne laissant pas de place à la panique et pousse la porte avec cette conviction en tête : ses petites phrases de pervers narcissique ne m’atteindront pas.
— Ah voilà le boulet ! Qu’est-ce t’as dans ton sac ?
Affalé sur le canapé, une bière à la main, son regard de champion du monde éclaire son visage. Dès que j’abandonne le cabas sur la table de la cuisine, il s’élance, dépose sa bouteille et fouille le contenu. Une goutte de sueur coule entre mes omoplates et mon estomac se renverse à la pensée de la volée verbale qui va suivre.
— Encore des raviolis… Non mais tu le fais exprès. Je crois que s’il y avait un concours sur les pâtes farcies de toutes les marques, je gagnerais à coup sûr !
Sans sourciller, il tire une chaise, s’assoit et me pousse sur le tabouret, face à lui. Il entremêle ses doigts et les craque, dégageant un bruit sec. Je ne peux détacher mon regard de ses mains blanches aux articulations qui vont et viennent au-dessous de ses genoux.
— J’avoue que tes choix en matière de nourriture me déçoivent, surtout pour une diététicienne, siffle-t-il entre les dents en suivant mon regard. Je suis persuadé que tu peux faire mieux.
— Probablement, réponds-je, enfonçant les ongles dans mes poings.
Il tourne sur sa chaise et saisit un paquet de pâtes.
— Pourquoi cette sorte ? Il me semble t’avoir dit que je ne les aimais pas.
Malgré ma résolution à lui tenir tête, je perçois des tressaillements parcourir mon corps. Je détourne les yeux vers la fenêtre ; le ciel s’obscurcit, plongeant la pièce dans une lumière sombre.
— Je me demande bien si toutes les cases de ton cerveau sont allumées en permanence ? ajoute-t-il.
Il pose le paquet de pâtes en équilibre sur un de ses genoux et me fixe tel un hibou exerçant sa puissance avec le regard.
— Après tout ce que je fais pour toi. Je t’aime comme personne et tu me traites comme un animal.
Ses lèvres minces se tendent légèrement. Il se lève et jette le paquet de pâtes sur la table. Il ouvre un tiroir et en sort un couteau. Sa vue augmente les battements de mon cœur. Mes pieds poussent sur le sol pour reculer sur le tabouret. Il appuie avec son pouce sur la lame, tel un boucher vérifiant son tranchant et se dirige vers moi, tout en cherchant mes yeux. Comme d’habitude, son petit manège destiné à éprouver mes émotions est efficace.
Afin de désamorcer son déplacement, je suggère aimablement:
— Tu peux manger dehors et retrouver tes amis, je n’ai pas très faim.
Stoppant nette sa marche, le couteau toujours à la main, il ricane. La fenêtre de son portable s’illumine et détourne son attention. Tout en lisant, il esquisse un sourire qui charme la plupart des gens, même les plus acariâtres, celui-là même qui a fait chavirer mon cœur à une certaine époque. Ses doigts tapotent un message.