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Dans l'ombre des néons

Dans l'ombre des néons

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Un homme, seul, erre dans un hôtel perdu au temps d’hier, d’aujourd’hui et de demain à la fois. Dans les couloirs, les rencontres mystérieuses s’enchaînent. Les murs se déforment parfois tandis que le temps, illusoire, s’égrène sans interruption. Le cauchemar et le réel s’entremêlent de manière incontrôlée. Cet homme devient-il fou, ou est-il au cœur d’un dédale hostile, surnaturel ? Comment lutter contre les forces cauchemardesques qui tentent de s’échapper des profondeurs de l’esprit humain ? À PROPOS DE L'AUTEUR Étudiant en Master de Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives, Thomas Frachey est également un sportif de haut niveau. Doué en langues étrangéres, en français en particulier, c’est donc logiquement qu’il décide de suivre un cursus littéraire au lycée. Passionné par le cinéma et la littérature, il a décidé de se lancer dans cette aventure littéraire qui ne fait que commencer.

Chapitre 1 No.1

La ville qui comparait devant nous est en tous points semblable à n’importe quelle ville. La cohorte des passants inonde les rues, les véhicules se rangent les uns derrière les autres dans les embouteillages, à quoi s’ajoute la vie des commerces, orchestrant une formidable cacophonie assourdissante. Ce mélange forme un véritable « melting-pot » matériel et organique, où chaque personne et chaque chose se réduisent à une fonction, se placent dans un rang et se soumettent à des devoirs, sous peine d’être exclue ou de disparaître.

La vie est alors synonyme d’obligations, dictées par le temps qui tient et rend les Hommes esclaves de leurs vies. Les enfants doivent aller à l’école et obéir aux adultes, les adultes doivent travailler et se soumettre à leur hiérarchie, tandis que les personnes âgées sont désormais esclaves de leurs corps. En somme, c’est le temps qui prend inexorablement les hommes, tout en imposant un tempo particulier selon les périodes de la vie, pour diriger la société et la vie de chacun. Le temps définit le début et la fin de la journée, le début et la fin du travail, le début et la fin de la vie.

Dès lors, pouvoir prendre son temps est un privilège car l’espace d’un instant, l’Homme se libère du dictat temporel ; mieux encore, c’est lui qui le détient. C’est ce que nous faisons ici, en contemplant cette ville, où le temps ne sera plus qu’une illusion. En effet, nous ne faisons pas confiance au temps. Il se modifie comme bon lui semble, altérant la réalité en étant capable de s’accélérer de manière insaisissable ou au contraire, d’être d’une lenteur insoutenable. Par chance, le temps n’est ici ni notre allié ni notre adversaire. Il se contente de nous accompagner et se glisse à l’arrière-plan dans un rare moment de bonté.

Au loin, nous sommes alors happés par un halo timide qui s’échappe d’un hôtel. Quelconque, le bâtiment est posé là de manière banale, comme lassé du va-et-vient incessant de cette fourmilière humaine et mécanique. Autour de lui, brûlants d’impatience à l’idée de pouvoir concurrencer l’établissement maussade, les boutiques, hôtels et restaurants se sont ornés d’artifices en tous genres et se sont munis de leurs plus beaux apparats. La nuit tombée, les enseignes et les pancartes profitent de l’obscurité pour prendre vie. Luminescentes, pétillantes et scintillantes, elles s’éveillent et font danser les rues dans une frénésie de lumière permanente, tout en hurlant au monde leur existence. Encerclé au cœur d’un tourbillon et d’un déchaînement de feu, le petit hôtel est comme pris dans un étau, aveuglé et nu face à tant d’ardeur et de passion. Ses néons, plus ternes et moroses, peinent à se frayer un chemin à travers l’étincelante concurrence. La couleur rouge pâle qui émane de l’enseigne résiste, à bout de souffle, aux agressions avoisinantes et incarne une ardeur et une gloire d’antan. C’est précisément en observant cette façade agonisante que nous avons porté une attention particulière sur cet hôtel.

Elle est une impérissable mourante qui est à la fois l’âme et le témoin d’une époque que le temps veut effacer. Comme une oasis au milieu du désert, la présence de l’hôtel est de l’ordre d’un heureux inattendu, redonnant vie et espoir à un passé flamboyant. C’est pourtant dans cette quête d’une oasis que la vie d’un homme peut se transformer en mirage et être noyée dans l’infini. C’est ainsi qu’un être a pu se retrouver piégé dans une temporalité hypnotique, figé au temps d’hier, d’aujourd’hui et de demain à la fois, sans issue de secours.

Sur notre chemin, les Hommes se pressent machinalement dans les rues, bousculés par le temps qui ne leur laisse que peu de répit. Nous-mêmes sommes transportés par la marée humaine, qui nous entraîne de rue en rue dans un bourdonnement inaudible. Le spectacle lumineux des enseignes contraste avec la mine terne et assombrie de ses acteurs. Nous portons notre regard sur ces lumières qui prennent de haut les passants et les surplombent de leur éclat

Il est difficile pour les Hommes de rivaliser avec une pareille splendeur, de se faire connaître au monde avec une pareille virtuosité. Pourtant, à mesure que le jour se lèvera, les lumières tireront leur révérence une à une, avant de sombrer le jour, dans le calme et la banalité de l’oubli. Alors, par orgueil et puisque leur beauté est éphémère, les lampes, les ampoules et les néons s’unissent pour tenter de nous aveugler d’émerveillements. Nombreux sont alors les Hommes qui cèdent à la volonté luminescente, rentrant dans les bars, restaurants et boutiques. Ils y voient un refuge à leur vulnérabilité, un moyen de semer le temps ou au contraire un moyen de le rattraper. Le convoi humain se vide et se remplit, çà et là, au gré des enseignes, dans un flux perpétuel.

Nous tournons, lors d’une bifurcation, dans une rue identique aux précédentes, à la différence notoire que la foule a disparu. Seules les lumières hurlent encore dans le silence, en se réfléchissant sur les routes et les trottoirs déserts. Pourtant, plus faible et timide que toutes les autres, l’une d’entre elles se distingue de manière singulière. En levant le regard en direction du jet lumineux, notre attention se fixe une fois encore sur le bâtiment. Cette fois, nous nous sommes rapprochés, ses traits sont nets et nous percevons ses plus infimes détails. Le mot « Hôtel » est composé de néons autrefois écarlates, éclairant avec difficulté une façade d’acier sans véritable trait distinctif. L’enseigne orne le sommet de la structure et domine la rue. La hauteur du bâtiment est peu impressionnante, ridicule même, comparée aux colosses avoisinants qui semblent se prolonger infiniment vers le ciel. Les fenêtres semblent guetter et observer nos moindres faits et gestes dans l’ombre. Fermées, elles paraissent hostiles, les rideaux barricadant et empêchant toute intrusion dans les chambres. Nous les fuyons du regard et remarquons un porche gris, marqué par le tempsSur celui-ci, trône fièrement en son sommet, le mot « Casino », inscrit dans un rouge triste et résigné. Sous le porche, des ampoules pendent comme des stalactites de lumière, éclairant l’entrée du bâtiment. Bien que timides et vieillissantes, elles nous enveloppent de leur aura violacée, tout en nous invitant à pénétrer dans l’édifice.

Comme si elle guidait notre regard, la lumière fait alors apparaître, maladroitement stationnés de part et d’autre de l’entrée, deux pots rectangulaires dans lesquels sont emboîtés des buissons verts à la coupe ronde et millimétrée. Le contraste entre le réceptacle et son contenu donne à ces ornements une mine grotesque et pathétique dont la fonction est d’être les gardiens patauds de l’entrée. La brillance, qui nous paraît un court moment plus intense, semble alors vouloir nous attirer plus près de la porte encore, qui nous apparaît désormais distinctement.

Tout en largeur, elle est une étrange créature de verre et de bois, habillée d’un vitrail raffiné où se dessinent des motifs et des lignes informes, rappelant abstraitement les contours d’un arbre. Le bois vient sceller la grâce et la fragilité du verre, en y ajoutant sa touche de robustesse pour parfaire une porte harmonieuse et élégante. Cependant, dans sa grande pudeur, elle ne laisse rien entrevoir de ce qu’elle rescelle. Seule une timide et paisible luisance orangée émane du vitrail, pareille à l’aube naissante, et vient mourir à nos pieds. Ces rayonnements semblent ainsi, à leur tour, vouloir guider nos pas pour qu’inexorablement nous avancions. À présent en mesure de saisir la poignée, nous nous arrêtons un instant pour l’examiner. Celle-ci se distingue curieusement de l’harmonie générale de la porte. Prise verticale de tirage, la poignée d’un noir délavé rompt avec la poésie du vitrail et du bois par des lignes sévères et rigides. En fer, elle affiche sa confiance par une allure certaine et impassible, convaincue qu’elle est la pièce maîtresse de l’établissement. Depuis des années, il n’est pas un seul individu qui ne soit venu à sa rencontre, pas une seule personne qui n’ait été accueillie par elle. Au fil du temps, si les Hommes vont et viennent, la poignée, elle, demeure, s’imprégnant de leurs passages. Elle a vu défiler des hommes et des femmes aussi médiocres qu’exceptionnels, aussi honnêtes qu’hypocrites et aussi heureux qu’en désarroi, chacun laissant à son passage, une marque indélébile. Alors, face à elle, nous ressentons toute la prestance et la détermination dont elle est solidement armée, entêtée à remplir son rôle de toujours. Avant de la saisir, nous nous retournons une dernière fois pour contempler la rue muette, où dansent les rayons de lumière. Au moment d’entrer, comme leur mission accomplie, les ampoules rouges du porche se sont éteintes.

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