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Destinée Double

Destinée Double

Emeline Djouna

5.0
avis
98
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5
Chapitres

Destinée Double - Hé hé hé hé hé clap clap clap. - Tu as triché Naelle ! Ce n'est pas sérieux se plaignait Jenaelle en boudant. - Mais non ! Tu aimes trop te plaindre joues d'abord ici vilaine !!!! - Je vais te battre tu verras ! Prépares-toi ! Tricheuse.... Elles adoraient jouer aux clapettes, à la corde à sauter ! A onze ans elles étaient inséparables, insouciantes, elles s'aimaient très fort, c'était ça leur richesse, car elles n'avaient rien, elles allaient à l'école du village où on n'apprenait pas grand-chose faute de moyens. Dotées d'une beauté sans pareille, On les appelait les "Jumelles de Mama Jackie", bien qu'elles fussent différentes : Naelle est métisse et Jenaelle est noire ! Autant de mystères tout autour et secrètement gardés par une mère dont elles faisaient sa fierté et son bonheur, elle les élevait toute seule, sans la présence d'un père. Le bonheur était presque parfait dans ce petit bourg appelé Dipam, situé à l'Est du Cameroun, jusqu'au jour où une grande tragédie s'abattit dans tout le village, forçant les deux sœurs à se séparer sous le regard impuissant de leur mère ... C'est le destin dramatique, effroyable et émouvant de deux fillettes, c'est le destin de Naelle, devenue femme et tellement différente. Autant de secrets, de mystères, de douleurs, de peines mais aussi de l'amour qui se laisseront dévoiler tout au long de cette aventure.

Chapitre 1 Chapitre 1

Chapitre 1 : Destinée Double

Ca courait de partout, les gens allaient dans tous les sens ; c'étaient les cris et les agitations, c'étaient les pleurs et les supplications ! Ils étaient sans pitié sans cœurs. Ils portaient des masques et ils étaient armés... Jusqu'aux dents ! On pouvait lire à travers leurs regards dont les yeux étaient d'un rouge vif comme de la braise, de la détermination, mais surtout de la haine ! Tout partait en fumée, comme par enchantement ; c'était comme un rêve ! Presque toutes les maisons furent détruites, consumées par les flammes. Certains malchanceux périrent, d'autre purent s'enfuir, laissant derrière eux toute une vie brisée à jamais. C'étaient des familles détruites pour toujours, c'étaient des femmes, des jeunes filles violées ! C'étaient des hommes, des maris tabassés à mort, d'autres rebelles tués de sang froid ! Ils avaient été interrogés, ils s'étaient tu, ils ne voulaient rien dire ! On les avait retenus prisonniers ; d'autres voulaient parler, se faire libérer, ils voulaient qu'on leur laisse la vie sauve en échange.

Ce n'était pas dans les habitudes d'Antonio de se laisser radoucir ! C'était lui le responsable, c'est lui qui avait tout organisé. Il grognait et pestait à haute voix, jurant par tous les dieux ! Il promit à chacun des otages une mort atroce si ces derniers ne parlaient pas, il s'adressait à eux en français avec un accent particulier. Il venait de faire raser tout le village en l'espace de quelques heures et avait ordonné qu'on ne retienne que quelques personnes, il voulait savoir et avoir la confirmation de ce qu'il recherchait...

Nous avions couru de toutes nos forces, nous avions pu nous enfuir et nous réfugier dans la brousse. Ma mère, Jenaelle et moi on s'était tapies derrière un gros tronc d'arbre ; c'était la nuit noire, on ne pouvait plus avancer, il fallait qu'on attende. Nous étions terrifiées, je tremblais à n'en plus finir, je sanglotais, Jenaelle pleurait, elle essayait de parler mais les pleurs la dominaient et sa voix était chevrotante ; on se blottissait contre notre mère qui elle-même n'était pas épargnée par la peur. On sentait le froid nous pénétrer sous la peau avec violence ; je pouvais entendre le claquement des dents de Jenaelle, je pouvais sentir le corps de ma mère grelotter contre moi ! Sa chaleur n'était plus suffisante. Mes yeux tentaient de percer au loin, le village ; j'avais levé la tête un tout petit peu et je pouvais encore voir ces flammes qui consumaient les maisons petit à petit ; je pouvais entendre encore quelques pleurs et des cris au loin. Ma mère m'ordonna de me baisser et de ne plus bouger...

On venait d'entendre des pas, c'était sûrement d'autres fugitifs qui avaient aussi pu réussir à s'enfuir comme nous. L'espoir nous gagna aussitôt, surtout moi, je voulais qu'on se joigne à eux et qu'on quitte au plus vite cet endroit ! On aurait plus de chance de se faufiler dans cette forêt en groupe qu'en étant que trois, une femme et deux fillettes ; car la probabilité de se faire prendre toutes les trois était très grande. Les pas se rapprochaient de plus en plus, je voulais qu'on se lève à l'immédiat, mais ma mère me retint par le bras et m'ordonna de me taire, de me calmer et de rester sur place. Elle restait quand même un peu sceptique, j'étais persuadée que ces méchants ne pouvaient pas se faufiler dans ces bois. Ils recherchaient sûrement autre chose, ils avaient une raison bien particulière de venir attaquer tout un village. J'étais dans mes petites spéculations du moment lorsque je réalisai qu'il s'agissait bel et bien de nous, il s'agissait effectivement de ce dont pourquoi Antonio avait agis de la sorte.

On avait été trahies, par nos frères, c'était ça contre leur liberté ! Mais Antonio les avait remerciés malgré tout de manière assez cruelle, il les avait fait libérés et avait ordonné qu'on brule leurs maisons. Les hommes d'Antonio, nous avaient récupérées dans la forêt et nous avaient traînées de force ! Ma mère le suppliait, et implorait qu'on nous laisse la vie sauve et qu'on s'en prenne plutôt à elle.

- Stp ! Ne me les prends pas ! Prends moi plutôt, je ferai tout ce que tu veux !

- Je la veux elle !!!!

Antonio m'avait pointée du doigt. Je failli perdre tous mes sens dès cet instant ! Non seulement ma mère le tutoyait, mais il me voulait moi ! Je secouais la tête pour dire non ! Je n'étais qu'une gamine, et je n'avais pas assez de force ni de poigne, mais je refusais catégoriquement de me faire prendre, me faire enlever ; Jenaelle et moi nous nous tenions si fortement la main, on se regardait et on disait « non ! Non ! Jamais ! Pas ça!!!! » Je regardais ma mère, j'avais maintenu un tout petit espoir venant d'elle, j'avais espéré qu'en une fraction de seconde qu'elle n'opère un miracle auprès de cet homme ignoble ! Je voyais comment elle le suppliait, elle s'était mise à genou et avait joint ses deux mains, elle lui parlait avec mes mots, des phrases entrecoupées presque incompréhensibles ! Il ordonna à l'immédiat qu'on la retienne fortement pendant qu'on m'arrachait moi des mains de ma sœur ; je tendis subitement mes bras en direction de ma sœur et de ma mère, j'avais repris de plus belle, c'étaient des cris, des pleurs, des gémissements des sanglots... On m'arrachait violemment de ma terre, de ma famille, on m'arrachait brutalement de ce bonheur dans lequel nous vivions malgré notre pauvreté ! On n'avait rien, mais nous étions heureuses, ça nous suffisait ! On me coupait de ce monde, de nos jeux. Jamais plus je ne jouerais avec Jenaelle, jamais plus je ne revis ma mère et je ne sus ce qu'elles devinrent toutes les deux par la suite....

Dans un dernier élan, ma mère, impuissante lui demanda pourquoi il agissait de la sorte.

- Pourquoi tu fais ça ? Tu es le diable en personne, le démon même incarné ! Pourquoi viens-tu de cette manière me prendre Naelle ? Tu détruis mon village, ma famille !!!!! Noooon Antonio !!!! Sois maudit !!!!! Snifffff !!!!! Sois maudit.... Sniffff !!!! Naaaaellllllle eeeeehhh ma petite fille !!!!! Oooooh mon DIEU !!!!!

- Mamaaaaaaa !!!!!! Jenaeeeelle!!!!!! Au secourrrrs !!!!!!

Antonio, insensible, à toutes ses supplications, la regarda juste tout en la défiant.

- Je t'avais dit que je reviendrai un jour....Souviens toi !!!!

Des années plus tard, je vivais toujours avec cette même image tragique dans ma tête; cette même phrase qui me revenait tout le temps, ces cris, ces pleurs, ces flammes, ces villageois qui tentaient de s'enfuir... Mais surtout je revoyais ma mère, ma sœur! Je me demandais par moment ce qu'elles étaient devenues, et de l'endroit où elles pouvaient bien se trouver. Dipam avait été rasé et n'existait plus que comme un coin abandonné, lugubre et hanté. Il n y avaient plus d'âmes qui y vivaient, sûrement à cause de cette tragédie; trop de larmes, inutiles. Toutes ces tueries orchestrées méthodiquement par le grand Antonio, sous prétexte qu'il me voulait moi...

A 26 ans, je vivais avec l'un des plus grand, influent, puissant, très craint et très respecté de toute la contrée, Antonio Potenza, dit « Antonio le sicilien »! Il était riche et adulé de tout le monde n'en parlons plus des femmes! Nous habitions à Palerme en Sicile; il avait su se faire un nom dans cette région avant de se faire connaître à travers le reste du globe. Si Al Capone vivait encore, on aurait pu dire qu'il aurait été son plus grand rival.

Il m'avait amenée là bas en Italie, à Palerme et m'avait façonnée...à son image. J'étais devenue aussi influente! Je vivais dans un palais avec toute une horde de domestiques, je menais une vie de princesse, j'avais déjà fait le tour de monde, et même rencontrer les plus grands couturiers avec qui je collaborais en permanence... mon apparence comptait énormément pour moi! D'ailleurs je finis par devenir une source d'inspiration pour certains d'entre eux. Il m'avait fait faire des études, il me disait toujours que je devais être instruite, avoir de l'éloquence et un certains bagage intellectuel.

- Tu es une belle fille ! Mais ce n'est pas suffisant, il faut plus que cela pour plaire... Ton instruction!

Je suivais des cours dans une très grande université de la place. Il arrivait parfois qu'il fasse venir certains professeurs à domicile, afin de me donner cours particuliers ; il le faisait juste par jalousie, mais beaucoup plus par caprices; il ne manquait jamais de faire valoir sa super notoriété auprès de tout le monde. Tout le monde subissait les affres d'Antonio Potenza, y compris moi-même, devenue Madame Potenza depuis longtemps. Mais au fil du temps j'avais beaucoup appris dans ce monde ; il n'était plus nouveau pour moi, je m'étais faite à cette idée, je faisais la part des choses, je profitais juste de ce que nous possédions, de tout ce luxe, cette vie paradisiaque ; par exemple, tout ce beau soleil et cette plage au sable si fin lorsque nous nous retrouvions en vacances à Saint Trop, à la Barbade ou encore en République dominicaine. C'était comme ça tous les étés, je suivais mon mari quelque part aux quatre coins du monde.

Je faisais des efforts au quotidien, j'avais appris à me maîtriser, j'avais acquis ce reflexe depuis qu'il m'avait prise, soumise et conquise ; j'avais acquis l'art de la simulation en tous points donnés ; sans cela, mon âme et mon esprit seraient bien morts avant que ma personne physique même ne les suivent. Mon âme et mon esprit étaient bien plus en peine que n'importe quelle autre personne ! J'avais tout pour moi, tout autour de moi, mais j'étais bien plus malheureuse ; je pense même que je l'étais plus que ces personnes vivant dans la misère la plus totale. Ils n'affichaient certes pas le sourire comme moi, mais ils avaient en eux une certaine dignité, une vérité, ils avaient et connaissaient leur histoire profonde, leurs origines, ils étaient eux-mêmes, et ne s'en cachaient pas. Moi, j'étais une autre femme, je connaissais mes origines mais je n'avais pas le droit, ni de les évoquer, ni de les revendiquer, j'étais une autre personne, avec le même fond invisible. Je chassais souvent ces images de mon esprit, elles revenaient sans cesse, elles m'appelaient, je le sentais ; elles m'imposaient un certain rythme à travers lequel, j'appris à me focaliser uniquement sur des choses artificielles, un rythme à travers lequel j'appris à vivre avec et à canaliser mes émotions. Je savais être et rester parfaite malgré la profonde tristesse enfouie tout au fond de mes entrailles ; je savais montrer une certaine dignité même lorsque je me sentais très sale ! J'étais toujours au dessus de tout, même lorsque j'étais la plus blessée de tous.

J'avais des interrogations ; je savais qui j'étais et d'où je venais et que mon vrai nom est Naelle Mamene ! Je le savais depuis très longtemps ; je n'avais que 26 ans ; Même mon accident donc je fus victime, et qui m'a valu une chirurgie esthétique au niveau du visage ne m'avait rien enlevé comme souvenir. Mais j'avais tant de questions qui trottaient dans ma tête ; je n'osais pas les exprimer, je les ressassais juste et je tentais de comprendre ! Je voulais comprendre afin de percer le mystère... Je vivais avec un homme dangereux que je devais ménager et qui voulait me faire oublier tout mon passé. On n'avait jamais évoqué ce qui s'était passé ni pourquoi il avait agis avec autant de cruauté envers ma famille au point de décimer tout un village. Je n'avais jamais compris pourquoi ma mère l'avait tutoyé ouvertement et pourquoi Antonio lui avait craché cette fameuse phrase : « Je t'avais dit que je reviendrai un jour....Souviens toi !!!! ».

Cette fois ci nous étions allés en Afrique, mais pas au Cameroun ! Nous étions allés à Johannesburg en Afrique du Sud, nous en avions juste pour une semaine ! Il disait toujours que c'était pour des vacances, mais je savais que c'était pour ses business et ses rencontres avec d'autres personnes, bref c'était toujours dans le but d'organiser des coups foireux entre mafieux. C'est sans doute ce voyage qui me mettait si mal au point de penser aux miens ; je n'y avais plus jamais remis les pieds et juste le fait de me retrouver dans cette partie du continent me fit un effet que je tentais si bien de dissimuler dans un de ces faux sourires. Nous nous tenions par la main, nous assistions à un fameux dîner de bienfaisance ! La limousine venait juste de nous déposer à l'entrée de ce grand palace bien illuminé ! A peine descendus, nous subîmes le flot des flashes des paparazzis et les appels en tout genre....

- Ohé!!! The Sicilian... Take a look here please!!!

Je souriais, jouais le jeu et me cambrais contre lui amoureusement. Ma robe au décolleté ultra plongeant et ultra moulante faisaient partie de ce décor dans lequel je me fondais, ma démarche et ma cambrure de hanches laissaient plus d'un bouche bée sur mon passage. C'était presque ça le style de vie que je menais avec Antonio et lorsqu'il m'abandonnait toute seule dans notre chambre d'hôtel, je me recroquevillais sur moi-même et je me laissais aller tout simplement... Elles me manquaient terriblement, je n'avais jamais cessé de penser à elles, même après toutes ces dix années.

Xxxxxxxxxxxx 15 ans plus tôt

Je me souviens vaguement de l'endroit où je me trouvais, après qu'il m'avait enlevée de force ! J'étais perdue ; à 11 ans j'étais très jeune, et mes souvenirs étaient assez vagues ; j'avais une dame de compagnie; qui me donnait à manger et me laissait quand même regarder la télé; ma chambre était assez vaste, ça m'impressionnait, tout différait des vieux matelas que nous disposions à même le sol dans mon village. Il y avait tout pour me distraire et me faire oublier un peu tous les événements qui s'étaient déroulés quelques jours plus tôt. Elle avait de la peine pour moi Madeleine; c'était son nom, elle se comportait en vraie mère poule! Son regard compatissant en disait long sur toute la ligne. Je n'étais pas dans mon assiette tous les jours, parfois je me laissais envahir et dominée par mon profond désarroi, je pleurais et elle venait me prendre et me consoler dans ses bras ; mais par moments je me laissais emporter provisoirement par tout ce dont je pouvais bénéficier comme moyens de distraction. Il venait souvent me voir dans ma chambre; cet homme blanc qui m'avait fait enlever; il me surprenait toujours dans les bras de cette Madeleine et lorsqu'il entrait, elle me lâchait brusquement et sortait en courant à toute vitesse ; je sursautais à chaque fois à cause de son regard perçant et menaçant en son encontre. Il me faisait très peur et m'impressionnait en même temps. La porte venait de se refermer derrière lui, après qu'il ait foudroyé Madeleine du regard; il s'approcha de moi, je marchais à reculons, j'étais pétrifiée et je tremblais de tout mon être; je l'avais vu à l'œuvre, punir de sang froid! C'était la première fois que je vois de si près; la pièce était très illuminée avec ses grandes fenêtres à battants ouverts, laissant pénétrer les rayons du soleil dans la chambre; cet éclairage naturel avait un effet particulier sur son visage! Je voyais la beauté du Diable incarné devant moi. Je fis un effort pour ne pas craquer à l'instant, ne pas crier! Il me tendit la main tout en affichant un sourire qui se voulait rassurant.

- Viens là toi! Approche... N'aies pas peur!

Je n'obtempérai pas! Pas une seconde je n'eus aucune envie de le sentir. Il m'exécrait, je le détestais, il le savait, il en était conscient; il savait que je lui en voulais, de m'avoir arrachée brusquement des miens. J'avais encore de l'espoir, je croyais dur comme fer que ma maman viendrait me récupérer auprès de cet homme! Mais lorsque deux années consécutives s'écoulèrent, deux années à travers lesquelles ce fut le même rituel, deux années pendant lesquelles Antonio m'apprit et m'ordonna surtout à l'accepter comme son époux.... A 13ans !!! Il me força à l'épouser officieusement !!!!. Deux années pendant lesquelles j'appris moi même à cacher mes émotions, mon ressenti profond. J'avais compris, à 13 ans, que tous mes espoirs s'étaient envolés, qu'il fallait que je fasse bonne figure, que je joue le jeu et que me fonde dans ce nouveau monde, mais surtout, que j'accepte cet homme... Dans ma vie ...

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