« Je ne sais pas oĂč je suis. Ils ne pourront pas m'aider. Et cette odeur ... elle pĂ©nĂštre en moi. C'est trop long. Les larmes ruissellent en moi mais mes joues sont sĂšches comme un monde sans cĆur. L'effroi bloque tout, me paralyse. Puis le silence, le noir, le froid. Je sens l'instinct de vie s'Ă©loigner de moi. » Ă PROPOS DE L'AUTEURE Elina Nobelen signe ici son deuxiĂšme ouvrage dans lequel, une fois encore, elle nous livre une retranscription prĂ©cise de ses Ă©motions et de leur pouvoir sur l'existence. Elle aiguise sa plume sous forme de combat pour la vie.
Avant-propos
« Pourquoi veux-tu écrire cette histoire ? Que recherches-tu ? Que veux-tu raconter ? » me demande-t-elle.
Elle perçoit quelque chose. DerriÚre les phrases, au contour des mots. Une imperceptible forme, un message qui ne demande qu'à apparaßtre. « Quel est-il ? Quel est ton combat ? »
Il n'y a pas de combat.
Je veux témoigner. Parler. Je veux partager l'histoire de mon processus de résilience, expliquer en quoi cet événement traumatique est devenu, grùce au temps, quelque chose de constructif. Enseignant. Il m'apprend : de moi, de mes émotions. Il me pousse à me regarder au-delà des limites de mon corps. Une vue de l'esprit.
Mais ce témoignage, il n'est d'abord qu'une histoire. Ce qui m'est arrivé, de façon si soudaine et brutale, est un événement de vie parmi d'autres, les précédents et les futurs. Il est immense dans mon esprit, dans ma vie. Il est un marqueur temps que je ne pourrai jamais ni déplacer ni effacer. Chaque 25 novembre me le rappelle, malgré les années qui défilent inlassablement. Il est comme un fil d'Ariane du reste de ma vie. Il s'estompera, sûrement, certainement. Avec du temps, toujours plus et beaucoup plus de temps. Mais il est minime aussi, au regard d'autres vécus, d'autres histoires. Qu'est-ce que mon traumatisme face à ces violences directes que tant de femmes subissent ? Face à celui d'une mÚre qui perd son enfant ? Face à la mort, cette grande déferlante ? Mon traumatisme n'est rien. Il n'est qu'une belle histoire que l'on raconte le soir avant de s'endormir, puisque c'est une histoire qui finit bien. Et les histoires qui finissent bien, elles sont agréables à écouter.
Qu'est mon traumatisme face Ă la violence quotidienne d'un harcĂšlement ? Face Ă l'Ă©preuve de la Terre qui pleure ? Face Ă ces enfants aux genoux dĂ©chirĂ©s et aux guenilles crasseuses, ou peut-ĂȘtre l'inverse, qui vivent leur innocence, bercĂ©s par la douce musique des bombardements qui retombent en Ă©cho du village voisin ? Qui s'endorment chaque soir sans savoir s'ils se rĂ©veilleront le lendemain ? Qu'est mon tĂ©moignage face Ă la misĂšre d'un homme, qui a perdu son travail, sa maison, et qui vit son temps Ă errer dans la rue, Ă la recherche d'un quelconque abri pour lutter contre les gouttes de pluie qui s'Ă©crasent contre son front, Ă la recherche d'un brin de chaleur qui lui permettra de faire sĂ©cher ses chaussettes dĂ©trempĂ©es ?
Il n'y a de place pour aucun apitoiement. Mon message n'est pas celui-ci, et je n'en ai rien à partager, Dieu m'en préserve.
« Mais alors, pourquoi écris-tu du coup ? Qu'est-ce que tu fais ? C'est une catharsis ? »
Je ne sais pas. Avais-je besoind'Ă©crire ?
Les pages à venir ne sont pas l'écho d'un besoin intrinsÚque de me vider l'esprit de ces mots-là . Je n'ai pas cherché à ce qu'ils trouvent une place sur le papier pour apaiser mes nuits. J'ai eu envie de prendre la plume pour me libérer, mais pas du traumatisme, non. Pas de la violence, non, bien qu'ils aient tous deux été bien présents. Me libérer des émotions.
C'est pour cela que j'écris : pour enclencher mon processus d'analyse émotionnelle, pour poser le détail chirurgical de l'instant et du moment, pour illustrer. J'ai vécu et je vis encore cette sacro-sainte résilience. Elle durera le temps de ma vie.
Mon histoire peut ĂȘtre lue comme une sorte d'Ă©tude de cas. Et si essayer de comprendre par l'exemple comment les Ă©motions se sont animĂ©es permettait, finalement, de percevoir comment le corps et le cĆur peuvent aller mieux, rĂ©sonner de nouveau dans une mĂȘme tonalitĂ© ?
Nous traversons tous des Ă©vĂ©nements de vie. Des ruptures. Des difficultĂ©s. Des problĂšmes. Des traumatismes, des chocs. Et beaucoup d'entre nous arriveront Ă s'en sortir. Les voies sont nombreuses : le temps, tout simplement et en premier lieu. Il est notre meilleur alliĂ©, notre atout majeur, la carte As de notre jeu. Les mĂ©dicaments, parfois, la thĂ©rapie, aussi. Mais au-delĂ de tout cela, notre meilleur atout, c'est nous. Notre force, et elle se niche en nous, ne demande qu'Ă ĂȘtre activĂ©e. Elle ne demande qu'Ă Ă©clore au jour, qu'Ă ĂȘtre libĂ©rĂ©e. D'une brĂšche dans le barrage, l'eau s'Ă©coulera bientĂŽt comme une vague dĂ©ferlante et assourdissante. C'est la force de nos Ă©motions.
Au contraire du traumatisme qui est, lui, si intime, si dépendant du temps, de la personne, de l'intensité et du choc : les émotions, nous les partageons. Toutes, et tous. Elles sont universelles et dépassent les mots, les pays, les cultures. Ce sont elles, la clé du systÚme.
Puisse chaque personne confrontée à un événement de vie se retrouver dans un moment, une ligne, une page... une émotion. La vivre aussi. S'y retrouver dans un partage de sens. L'identifier en elle, qui sait ? La reconnaßtre.
Ce sera dĂ©jĂ un grand pas. ReconnaĂźtre son Ă©motion. Savoir qu'elle existe, lĂ , enfouie. On peut ensuite dĂ©cider de lui ouvrir la porte, ou de la garder encore un peu enfermĂ©e. Car au moins, sous clĂ©, on sait qu'elle ne fera pas de mal. En tout cas, elle est maĂźtrisĂ©e. Car une fois l'Ă©motion sortie, qui sait ce qu'elle produira ? Qui sait la forme qu'elle choisira d'incarner ? Qui sait si elle sera douce, violente ou amĂšre ? Est-ce qu'elle nous anĂ©antira ? Est-ce qu'elle sera envahissante, douce ou polie ? Et puis, le temps aidera. Si nous avons identifiĂ© cette Ă©motion en nous, nous pourrons prendre le temps de la regarder par le trou de la serrure. Juste un peu, une seconde. Pour la dĂ©couvrir, la connaĂźtre. Pour l'apprendre. Pour la comprendre. Pour... l'apprivoiser. Jusqu'Ă ce jour oĂč nous nous sentirons suffisamment sĂ©cures pour lui permettre de sortir. On ajourera la porte, juste Ă peine entrebĂąillĂ©e, pour qu'elle se faufile. En maĂźtrisant. Et puis finalement, elle ne s'en ira pas bien loin. Elle tourbillonnera autour de nous. L'Ă©motion est apprivoisĂ©e. Elle devient nĂŽtre, elle devient nous. Nous ne faisons plus qu'un.
Et c'est ainsi que le cheminement se fait, étape par étape, pas à pas. C'est ainsi que le processus de résilience, jusqu'alors grand mot, devient une réalité accessible.
Nos histoires diffĂšrent toutes. Nos façons de les vivre aussi. Je me veux ĂȘtre tĂ©moin d'un vĂ©cu et de la façon dont on peut, peut-ĂȘtre un peu, mobiliser nos ressources internes, nous sentir capables d'affronter nos propres dĂ©mons, autoriser nos Ă©motions Ă faire pleinement partie de nous puisque c'est ainsi que l'on peut â que je suis parvenue â Ă mieux me comprendre et Ă mieux accepter, Ă vivre avec quelque chose que je n'ai pas choisi et que j'aurais prĂ©fĂ©rĂ© ne jamais avoir eu Ă rencontrer.
Certains passages ont Ă©tĂ© plus durs que d'autres Ă Ă©crire. Mes larmes ont coulĂ© au moment de revisiter lascĂšne. Impossible de faire semblant que demander Ă mes proches de me parler de leur vĂ©cu n'a pas Ă©tĂ© une vĂ©ritable Ă©preuve Ă chaque instant. Et chacun l'a vĂ©cue Ă sa maniĂšre : mon mari, qui ne voulait pas jouer le jeu. Ă quoi bon ressasser le passĂ© ? Ne va-t-on pas dĂ©terrer de vieux souvenirs ? Est-on vraiment obligĂ©s de le faire ? Mon pĂšre, avec son habituelle rĂ©serve. Mais quelles Ă©taient tes Ă©motions ? Mes Ă©motions ? Je me souviens d'un moment. Tenons-nous-en aux faits ! Sous contrĂŽle. Ma mĂšre, qui pleurait avant mĂȘme que je ne lui pose des questions. BouleversĂ©e. Mais pour nous tous, que d'apaisement, une fois l'Ă©preuve passĂ©e. La mise en mot, dĂ©tricoter le fil, aller le tirer, voir jusqu'oĂč il nous mĂšne. Revivre ce moment dans un espace sĂ©cure, celui que l'on choisit, pas celui que la vie nous impose. Prendre le temps d'identifier ce qui s'est passĂ©. Ce qui nous est passĂ© par la tĂȘte, par le corps, par le cĆur. Le comprendre. Apprivoiser encore une fois ce que l'on a prĂ©fĂ©rĂ© mettre Ă distance parce que tant qu'on ne l'avait pas identifiĂ©, c'Ă©tait soit trop loin, soit trop prĂšs de nous, en tout cas jamais au bon endroit et jamais comme on le veut.
Rompre le schĂ©ma selon lequel il s'agit de mettre le couvercle sur la casserole et laisser bouillir en dessous. Cette histoire nous a amenĂ©s Ă soulever le couvercle, et Ă le faire en toute conscience. Le lieu, le moment, l'espace, tout Ă©tait choisi. AnticipĂ©. PlanifiĂ©. Pour ĂȘtre sĂ»rs d'ĂȘtre prĂȘts. Et surtout, ce couvercle, on l'a soulevĂ© ensemble. Bien sĂ»r nos casseroles ne sont pas les mĂȘmes, bien sĂ»r nos vĂ©cus sont diffĂ©rents, mais personne n'est lĂ pour comparer l'intensitĂ© du prĂ©judice vĂ©cu Ă celui des autres. C'est bien trop intime et personnel. L'Ă©coute et le recueil des Ă©motions se sont faits dans le plus grand respect tacite des histoires des uns et des autres.
Et c'est ainsi que je veux vous la raconter, cette histoire. Mon histoire, mais aussi la nĂŽtre, et peut-ĂȘtre un peu la vĂŽtre.
Chapitre 1 No.1
23/05/2022
Chapitre 2 No.2
23/05/2022
Chapitre 3 No.3
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Chapitre 4 No.4
23/05/2022
Chapitre 5 No.5
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Chapitre 6 No.6
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Chapitre 7 No.7
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Chapitre 8 No.8
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Chapitre 9 No.9
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Chapitre 10 No.10
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Chapitre 11 No.11
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Chapitre 12 No.12
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Chapitre 13 No.13
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Chapitre 14 No.14
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Chapitre 15 No.15
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Chapitre 16 No.16
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Chapitre 17 No.17
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Chapitre 18 No.18
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Chapitre 19 No.19
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Chapitre 20 No.20
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Chapitre 21 No.21
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Chapitre 22 No.22
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Chapitre 23 No.23
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Chapitre 24 No.24
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Chapitre 25 No.25
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Chapitre 26 No.26
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Chapitre 27 No.27
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Chapitre 28 No.28
23/05/2022
Chapitre 29 No.29
23/05/2022
Chapitre 30 No.30
23/05/2022
Chapitre 31 No.31
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