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Le lagon bleu
4.2
avis
1.8K
Vues
36
Chapitres

Le Lagon bleu relate l'histoire d'une aventure humaine particuliĂšre et extraordinaire. Un homme, marquĂ© par la dĂ©tresse des femmes brisĂ©es par leur parcours, dĂ©cide de tout mettre en Ɠuvre pour les accompagner et les aider Ă  reprendre goĂ»t Ă  la vie. À PROPOS DE L'AUTEUR Gilles Vincent est un lecteur au goĂ»t Ă©clectique. InfluencĂ© Ă  la fois par des bandes dessinĂ©es et par des romans policiers, en passant par des auteurs tels que Stendhal, Van Hamm, LĂ€ckberg et Hemingway, il signe avec Le lagon bleu son premier roman.

Chapitre 1 No.1

*****

Vendredi, 20 h

Elle soulĂšve sa coupe et comme Ă  chaque dĂ©but de soirĂ©e, nous faisons tinter nos verres en clamant : « À nous ! »

Tous les premiers vendredis de chaque mois, nous nous offrons un bon restaurant, n'hésitant pas parfois à faire les kilomÚtres qui nous séparent de la capitale.

Christiane, 55 ans, les cheveux courts, Ă©pais, mĂšches blondes, aime porter de belles toilettes, et il n'y a pas mieux que Paris, avec ses thĂ©Ăątres, ses opĂ©ras, ses grands restaurants. LĂ , oĂč les femmes Ă©lĂ©gantes aiment paraĂźtre. Elle peut ainsi mettre en avant sa beautĂ© avec son port de tĂȘte affirmĂ©. HabillĂ©e de vĂȘtements choisis, Ă©lĂ©gants, sobres et souvent noirs. Ce soir, elle porte un dĂ©colletĂ© gĂ©nĂ©reux.

Nous sommes au casino de Deauville pour un dßner suivi d'un concert. Arrivés face à la mer au pied du Casino BarriÚre dans sa nouvelle voiture, une BMW X4 noire, toutes options. Un voiturier a pris en charge son nouveau jouet !

Cette voiture, c'est tout elle ; femme d'affaires, belle, distinguée, mais aussi sophistiquée, toujours à la pointe de la mode et des derniers objets connectés !

20 h, ma voisine grignote du pop-corn, je déteste ça, mais je ne dis rien et la laisse faire. Comme souvent, nous sommes au cinéma.

Je suis en compagnie de Clara, une jeune femme de 35 ans ; cĂ©libataire, belle brune aux cheveux longs ondulĂ©s avec de superbes yeux bleu clair. Elle est psychologue, passionnĂ©e de cinĂ©ma, de 33 tours et de BD Marvel. Nous nous apprĂȘtons Ă  regarder le dernier Spider-Man, pas trĂšs intellectuel ! Mais nous avons tous les deux des goĂ»ts Ă©clectiques et nous nous rattraperons la prochaine fois. Ce soir, nous avons envie de buller et de laisser nos cerveaux au repos !

20 h 30, face aux flammes, je suis assis dans un vieux canapĂ© en cuir rĂąpĂ©. Il est encore confortable en dĂ©pit de son Ă©tat, un peu dĂ©foncĂ©, et les accoudoirs griffĂ©s par le passage des chats de la maison. Ils viennent eux aussi se rĂ©chauffer dans cette grande piĂšce. Une bĂ»che brĂ»le dans une cheminĂ©e dont les dimensions font supposer qu'Ă  une certaine Ă©poque, on devait pouvoir y faire rĂŽtir un cochon entier. Le sol est fait de larges pavĂ©s de pierre blonde, patinĂ©s au fil des dĂ©cennies, il est ornĂ© devant la cheminĂ©e par un tapis aux motifs orientaux dont l'anciennetĂ© laisse augurer qu'il devait, Ă  l'origine, ĂȘtre de grande valeur. Les fidĂšles labradors qui s'y sont succĂ©dĂ© au fil des gĂ©nĂ©rations, restant affalĂ©s devant l'Ăątre, n'ont pas rĂ©ussi Ă  attĂ©nuer la flamboyance de ses couleurs ; seulement quelques traces d'escarbilles l'ont dĂ©tĂ©riorĂ©. Marie est assise elle aussi sur le tapis, le dos appuyĂ© contre le canapĂ©, les jambes repliĂ©es, l'Ă©paule contre mes jambes. Elle fume une de ses cigarettes fabriquĂ©es maison dont les effluves ne laissent pas de doutes sur la nature de leur composition.

Marie est brune, les cheveux trĂšs longs, raides, maintenus en queue de cheval par un banal Ă©lastique. Elle a une classe folle, elle Ă©volue dans son Ă©ternel pantalon de cheval moulant, beige en tissu stretch, sorte de coton striĂ©, bien Ă©pais, dont les renforts en peau Ă  l'intĂ©rieur des cuisses sont patinĂ©s depuis longtemps par le frottement du cuir de la selle. Elle porte un pull en V couleur camel, un cachemire suffisamment proche du corps pour laisser deviner qu'elle ne porte pas de soutien-gorge, une habitude qui date de sa pĂ©riode baba-cool oĂč elle militait pour la libĂ©ration de la femme. Marie est un mĂ©lange subtil de gauche et d'aristocratie Ă©questre, ce qui ne l'empĂȘche pas d'aimer les belles matiĂšres et le mobilier design hors de prix !

21 h, un fin brouillard est en suspension à la surface de l'eau, en raison du contraste entre la température extérieure et les 27 degrés de la piscine. Cela fait une heure que je nage en compagnie de Cécile, c'est notre entraßnement du vendredi soir. Cécile, ancienne nageuse, s'est mise au triathlon. Nous partageons la passion du sport et nous essayons de nous retrouver pour quelques sorties. Elle fait partie du club et à ce titre nous bénéficions d'une ligne d'eau et d'un programme d'entraßnement. Il fait nuit et nous sommes tel le plancton, éclairés en dessous par les spots de la piscine. Je suis bon nageur, mais avec vingt ans de plus qu'elle, je m'efforce de suivre sa trace, mes mains peuvent presque caresser ses plantes de pieds. C'est elle qui impose le tempo.

Les longueurs s'enchaßnent, au rythme de séries plus ou moins longues, avec plaquettes ou palmes quand l'objectif est de faire de la distance. Cécile n'est pas trÚs grande, blonde, les cheveux courts, elle est tonique, trÚs musclée, jamais fatiguée, elle est invulnérable !

Vendredi, 23 h 30

Je rentre fatigué, aprÚs un dßner rapide composé d'un subtil mélange de protéines, de légumes et de sucres lents afin de maintenir le niveau d'énergie que requiÚrent nos corps de sportifs. J'ai quitté Cécile d'une maniÚre trÚs chaste, son planning du lendemain ne lui laissant pas beaucoup de temps pour les prolongations. Aussi, c'est avec un petit baiser que nous nous disons au revoir, une sortie vélo étant programmée pour le dimanche matin. Une fois seul, avant de prendre la route, je consulte ma montre. Sur le cadran, je visualise une cible avec différents cercles, chaque cercle correspond à un éloignement plus ou moins important, le centre de la cible symbolise ma position. Le seul point rouge qui clignote ce soir se trouve sur un cercle suffisamment distant du centre pour que j'aie toute latitude pour rentrer sans problÚmes.

Je suis maintenant face au vieil hÎtel particulier, situé dans un quartier retiré de la ville, tout au fond d'une ruelle en sens unique. Il est entouré de jardins trÚs denses, des arbres d'essences multiples datant de l'aprÚs-guerre cachent la demeure. Tous ces terrains et bùtiments n'ont qu'un seul propriétaire.

Je compose la combinaison sur le digicode, dĂ©clenchant ainsi l'ouverture d'immenses grilles de fer forgĂ©. C'est l'entrĂ©e principale de l'enceinte. Elle est composĂ©e de hauts murs de moellons, surmontĂ©s de pointes en fer du mĂȘme motif et du mĂȘme vert bouteille que les grilles. AprĂšs quelques mĂštres sur une allĂ©e de vieux pavĂ©s, j'accĂšde Ă  une petite maison qui devait ĂȘtre anciennement la maison des gardiens. Comme le corps principal, elle est faite d'un assemblage de pierres calcaires et de briques rouges sur le pourtour des fenĂȘtres et des portes. Un vieux rosier anglais d'un ton crĂšme encadre la porte d'entrĂ©e.

Je rentre dans un petit vestibule. Le dallage est composĂ© de carreaux de faĂŻence anciens bleu pĂąle aux motifs marron foncĂ©. Une suspension en laiton avec un globe en opaline blanche Ă©claire les murs vert d'eau. Je tourne Ă  gauche dans la cuisine. La porte de droite, elle, s'ouvre sur un petit salon-salle Ă  manger, avec un poĂȘle Ă  bois. Une porte au fond donne sur une chambre. La cuisine du mĂȘme vert est composĂ©e d'Ă©lĂ©ments en Formica, couleur coquille d'Ɠuf.

J'ouvre le frigo qui contient quelques denrĂ©es. Je soulĂšve la porte du compartiment conservateur qui, lui, est vide. Je pose donc la main Ă  plat sur la vitre situĂ©e dans le bas de ce compartiment. Une lumiĂšre fluorescente Ă©claire alors en rĂ©tro la paume de ma main, un fin rayon vert balaye toute la vitre, le temps d'analyser et de reconnaĂźtre le rĂ©seau vasculaire de mes doigts. Une lumiĂšre rouge signale la fin de la procĂ©dure et je referme le frigo. À cet instant, le vieux buffet en pin sur ma droite s'escamote sans un bruit, laissant la place Ă  un ascenseur, une place. J'entre et pose mon menton sur une tablette concave, je reçois un flash qui scanne ma rĂ©tine donnant aussitĂŽt le sĂ©same pour faire descendre l'ascenseur. Je parviens dans un tunnel dont deux lampes LED balisent le sol de chaque cĂŽtĂ© du couloir. Les LED s'allument au fur et Ă  mesure de mon avancĂ©e et s'Ă©teignent derriĂšre mon passage, cela jusqu'Ă  ce que je parvienne Ă  l'entrĂ©e de ce qu'ils nomment « le Laboratoire ». Le contraste entre la modernitĂ© de ces structures et la vĂ©tustĂ© de la maison est sidĂ©rant ! Je me rapproche de la porte mĂ©tallique, il y a un parlophone Ă  droite.

« Vince code R 4 ! »

La reconnaissance vocale Ă©tant faite, la porte coulisse.

« Bonsoir, Marjorie. C'est vous qui ĂȘtes de garde ce soir !

- Bonsoir, Vince. Votre entraßnement s'est bien passé ?

- Oui, mais comme toujours je suis sur les rotules !

- Allez, venez vous reposer, vous ĂȘtes le premier Ă  rentrer ce soir ?

- Combien de sortants ?

- Vous ĂȘtes quatre. »

Je suis dans une piĂšce presque vide. Les murs blanc immaculĂ© et le sol composĂ© de larges pavĂ©s de verre. Seul un fauteuil, du mĂȘme type que ceux des cabinets dentaires, occupe le centre de cette salle. Sous le fauteuil, un rail mĂ©tallique est insĂ©rĂ© dans le sol. Les deux pavĂ©s de chaque cĂŽtĂ© du rail sont Ă©clairĂ©s par une lumiĂšre bleue. Je m'installe en posant mes bras sur les accoudoirs, les mains Ă  plat sur des supports moulĂ©s Ă  mes formes, le dos et ma tĂȘte sont calĂ©s, reposant sur une coque elle aussi prĂ©moulĂ©e. GuidĂ© par le cordon lumineux bleu qui le prĂ©cĂšde, le fauteuil prend aussitĂŽt la direction d'une autre piĂšce dont la porte s'escamote automatiquement. À peine entrĂ©, un autre fauteuil a pris place dans la piĂšce d'accueil.

Mon fauteuil s'est arrĂȘtĂ© devant un pupitre Ă©quipĂ© de plusieurs Ă©crans. Le bras droit du fauteuil s'Ă©claire et enregistre les donnĂ©es de la puce implantĂ©e dans la face antĂ©rieure de mon poignet. Sur un des Ă©crans, je visualise le rĂ©capitulatif du tracĂ© GPS de mon parcours effectuĂ© aujourd'hui. Il va corroborer la lecture instantanĂ©e faite dans un service situĂ© dans une autre partie du laboratoire. Le fauteuil est maintenant inclinĂ© Ă  45°. Marjorie me pose un bandeau qui me couvre le front et les yeux. Il est en plastique souple, sorte d'Ă©lastomĂšre transparent qui vient se fixer de part et d'autre de la tĂȘtiĂšre du fauteuil. Je l'entends pianoter sur le pupitre et perçois des lumiĂšres orange qui dĂ©filent de gauche Ă  droite et de droite Ă  gauche Ă  une grande frĂ©quence. Cet appareil enregistre toute la sĂ©quence Ă©motionnelle de ma soirĂ©e avec CĂ©cile. Il enregistre et synthĂ©tise les dialogues Ă©changĂ©s ce soir avec elle, pour retenir les faits les plus cruciaux. Ces sĂ©quences ne me seront pas soustraites et resteront dans ma mĂ©moire. Une fois le bandeau ĂŽtĂ©, Marjorie libĂšre le fauteuil qui prend la direction d'un autre local.

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