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Les aventures de Lili : Cool Cat

Les aventures de Lili : Cool Cat

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Chapitres

Emily, 18 ans, fuit le milieu aristocratique et élitiste dans lequel elle a grandi, afin d'échapper à l'autorité étouffante de son pÚre et au destin qu'il voudrait lui imposer, désireuse de faire ses propres choix. Décidant de continuer ses études musicales loin de son Angleterre natale, Emily va découvrir que le campus universitaire français qu'elle a choisi lui proposera un destin encore plus grand, impliquant des forces et des enjeux qui la dépassent. L'acceptera-t-elle ? Sera-t-elle à la hauteur ? Biographie de l'auteur En tant que romancier, le but de Rémi Clerc est d'exposer l'ùme et la vision du monde de ses personnages. Sa priorité n'est pas la réalité, ni la fiction, mais le rapport qu'il est possible de créer entre les deux.

Chapitre 1 No.1

1 Ouverture

En ce jour de septembre, la mĂ©tĂ©o m'offrait l'un de ses rares soleils radieux, perdu au cƓur d'un ciel sans nuage. Mais la tempĂ©rature clĂ©mente et la relative douceur du climat ne m'apportaient que peu de rĂ©confort, tandis que je marchais sur le chemin pavĂ© sillonnant entre quelques points de verdure, qui me conduirait jusqu'aux bĂątiments de l'universitĂ©. L'air Ă©tait agrĂ©able Ă  respirer et j'entendais un cours d'eau qui s'Ă©coulait non loin. Et pourtant, malgrĂ© ce contexte apaisant, je ne pouvais chasser de mon esprit le sentiment d'avoir trahi ma famille... Partir ainsi de Londres, mes derniers mots pour mon pĂšre Ă©tant ceux d'une jeune demoiselle exaspĂ©rĂ©e et en colĂšre, pour finalement voyager seule jusque dans le nord de la France, tout cela afin de poursuivre un simple rĂȘve, ou peut ĂȘtre un caprice. Je ne me sentais pas du tout en paix, je me sentais mĂȘme coupable. Mes dĂ©sirs valaient-ils la peine de me disputer avec ma propre famille, de s'Ă©loigner de la voie pavĂ©e d'or et d'argent qu'elle avait tracĂ© pour moi ? Seul le doute survenait lorsque je me posais cette question. Mais j'Ă©tais bel et bien lĂ , avançant d'un pas incertain mais rĂ©solu dans cette petite universitĂ© de province, tellement perdue dans mes pensĂ©es que je faillis bien ne pas entendre la voix qui m'interpellait.

- Hey, machine !

Autant dire qu'ĂȘtre invectivĂ©e de la sorte me sortit immĂ©diatement de mes sombres pensĂ©es. Je tournais donc la tĂȘte sur le cĂŽtĂ©, cherchant le grossier personnage du regard. C'est alors que je m'aperçus que je longeais depuis quelque temps dĂ©jĂ  le fameux cours d'eau que j'avais entendu. Il s'agissait d'un ruisseau de belle taille qui semblait traverser le campus universitaire, quelques petits ponts ayant Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©s pour l'enjamber çà et lĂ . Et justement, adossĂ©e Ă  l'un de ces ponts, une curieuse demoiselle me fixait avec un sourire que je jugeais trop enjouĂ© pour ĂȘtre honnĂȘte. Consciente de ma mauvaise humeur, je ne me laissais cependant pas aller Ă  ce prĂ©jugĂ©.

- Je m'appelle Emily. Emily Lindermark, précisai-je à mon interlocutrice bien trop culottée.

Cependant, plutÎt que de s'excuser ou d'avoir l'air embarrassé de m'avoir vexée, la demoiselle fit un vague geste de la main comme pour dissiper le sujet, tout en se laissant aller à un petit rire que je jugeais agaçant.

- Ouais, ouais, c'est cool. J'vais t'appeler Lilialors, dĂ©clara-t-elle, sans gĂȘne et apparemment fiĂšre de sa trouvaille.

- J-je ne vous permets pas ! m'exaspérai-je. Vous me tutoyez et me donnez un surnom ridicule, et tout ça pourquoi, je vous prie ?

À mon grand dĂ©sarroi, mon accent anglais refit surface sous le coup de la colĂšre, malgrĂ© ma bonne maĂźtrise du français. Et cela semblait particuliĂšrement amuser mon indĂ©sirable interlocutrice, qui fit un pas dans ma direction ; se tenant tout de mĂȘme Ă  une distance raisonnable. Elle dĂ©gaina alors son tĂ©lĂ©phone portable et en dĂ©signa l'Ă©cran Ă©teint avec un sourcil relevĂ©. Ce qui, au vu de ses lunettes de soleil masquant ses yeux, lui donnait un air que je jugeais irritant.

- J'suis Ă  sec de jus, et y a pas d'horloge sur ce foutu campus. Tu pourrais pas me filer l'heure ? demanda-t-elle sans perdre son sourire.

MĂȘme en faisant fi de tous les prĂ©jugĂ©s que je pouvais avoir en tĂȘte, il me fallait pourtant dresser un portrait sommaire de la personne qui se tenait devant moi. Une demoiselle d'environ mon Ăąge, portant un sweat-shirt noir blasonnĂ© d'une grosse Ă©toile violette sur la poitrine, ainsi que d'un diĂšse et d'un bĂ©mol respectivement placĂ©s sur l'Ă©paule droite et gauche, de mĂȘme couleur. Cela tĂ©moignait au moins du fait que, tout comme moi, elle avait choisi cette universitĂ© pour le cursus musical qu'elle proposait. Sa coupe de cheveux, quant Ă  elle, dĂ©fiait sĂ©rieusement toutes les notions de bon goĂ»t qui m'avaient un jour Ă©tĂ© inculquĂ©es. RasĂ©s trĂšs court sur un cĂŽtĂ©, ses cheveux mi-longs Ă©taient rabattus sur l'autre cĂŽtĂ© de son crĂąne, ce que l'on appelait une side cut. De plus, elle les avait teints d'une couleur violette rappelant les motifs de son sweat-shirt. AjoutĂ© Ă  cela le casque audio autour de son cou, ses vieilles mitaines en faux cuir blanc, son jean dĂ©lavĂ© et sa paire de tennis abĂźmĂ©es, et j'avais devant moi la personne la plus dĂ©braillĂ©e que je n'ai jamais eu le dĂ©plaisir de rencontrer.

- Heu, hé bien... balbutiai-je, essayant de me rappeler la question. Vous vouliez savoir l'heure ? Hum, il est onze heures quarante-cinq, répondis-je en observant la montre à mon poignet.

La demoiselle Ă  la touche improbable arqua alors les sourcils, derriĂšre ses lunettes de soleil aux verres teintĂ©s d'un bleu ne laissant mĂȘme pas entr'apercevoir ses yeux.

- Ah, j'me disais bien qu'y commençait à daller sévÚre, c'est carrément l'heure de grailler.

Et pour dire la vĂ©ritĂ©, son vocabulaire me laissait pantoise. Son français Ă©tait exempt de tout accent que j'aurais pu reconnaĂźtre et sa diction semblait impeccable. Pourtant, je comprenais difficilement ce qu'elle me disait. Encore heureux que le sens global de sa phrase se trouvĂąt Ă  ma portĂ©e. Et elle se trouvait toujours plantĂ©e lĂ , devant moi, semblant attendre quelque chose, une rĂ©ponse peut-ĂȘtre.

- Bien, ravie d'avoir pu vous renseigner. Mais Ă  l'avenir, je vous prie d'au moins Ă©viter ce surnom ridicule. Si ce n'est le tutoiement, dis-je avec politesse.

- Bah, tout l'monde se tutoie entre étudiants, va falloir t'y faire ma grande, répondit-elle avec un large sourire, comme si ma réaction l'amusait.

- Bon, soit, soupirai-je. Mais je vous –, enfin, je t'en prie, Ă©vite de m'appeler Lili, c'est d'un ridicule...

Sur ce, elle se mit à rire, avançant d'un pas pour se tenir à mes cÎtés avant de passer une main sur mon épaule comme si nous étions de vieilles camarades.

- Haha ! Tu m'as tutoyée, tu t'adaptes vite. Hey, ça t'dirait qu'on aille becqueter ensemble ? T'as de quoi t'offrir un repas ? s'esclaffa-t-elle en me tapant dans le dos.

Trop invasive et trop enthousiaste à mon goût, cette personne parvint à me mettre mal à l'aise au point de me faire perdre mon sang-froid. Il était également vrai que je n'étais pas de la meilleure humeur ce jour-là. Je reculais donc vivement en chassant assez brusquement son bras d'un revers de main, particuliÚrement irritée par son comportement.

- Ne me touchez pas ! Qu'est-ce que vous me voulez ? De l'argent pour la cafeteria ? Eh bien je n'en ai pas pour vous ! Laissez-moi tranquille !

La demoiselle dĂ©braillĂ©e au possible resta alors lĂ  oĂč je l'avais laissĂ©e, comme choquĂ©e par ma rĂ©action. Ne s'y attendait-elle vraiment pas ? Elle, une parfaite inconnue, avait envahi mon espace vital, m'avait Ă©paulĂ©e comme si de rien n'Ă©tait et parlait dĂ©jĂ  de partager un repas. N'importe qui aurait trouvĂ© cela inappropriĂ©, pour ne pas dire suspect.

- Heu... j'sais pas si t'as fait gaffe, mais tu m'as encore vouvoyé, dit-elle simplement, quoiqu'un peu penaude.

- C'est le dernier de mes soucis ! m'exclamai-je aussitĂŽt en tapant du pied.

Je ne savais pas bien pourquoi, mais je me sentais ridicule Ă  cet instant, comme si c'Ă©tait moi qui comprenais tout de travers et qui adoptais le mauvais comportement. Et cela me frustrait passablement. Aussi, plutĂŽt que de tourner les talons, j'insistais dans l'espoir de mettre les choses au clair :

- Vous ne vous rendez donc pas compte que votre attitude est envahissante et irritante ?

L'intéressée haussa les épaules avant de soupirer.

- Si, on m'le dit souvent. Mais t'es la premiÚre qui m'fais un cirque pareil, osa-t-elle répondre, levant un index bien malpoli pour désigner mon tailleur gris. Vu que t'es sapée chez Gucci, je m'attendais bien à une bourge de droite, mais là tu bats des records d'impolitesse.

Me connaissant, j'Ă©tais persuadĂ©e que mon visage avait gagnĂ© une teinte de rouge supplĂ©mentaire en entend ces mots. Elle essayait vraiment de me faire croire que j'avais Ă©tĂ© celle au comportement dĂ©placĂ©. De plus, elle essayait de me faire culpabiliser pour des vĂȘtements que je n'avais mĂȘme pas payĂ©s moi-mĂȘme.

- Je vous interdis ! C'est vous qui ĂȘtes...

- En plus ! m'interrompit-elle en sortant une cigarette de sa poche, pour en revenir à ton p'tit coup d'sang... souffla-t-elle en plaçant la cigarette dans sa bouche et en remontant ses lunettes sur son nez. Sache que je taxe jamais du blé aux gens ! T'as sérieusement cru que j'te d'mandais du pez ? PlutÎt crever, t'insulte ma fierté j'te signale ! Tu pÚtes un scandale alors que je t'invite à la cafet', t'as un problÚme ma grande, déclara-t-elle en tournant les talons.

Et moi, je restais scotchĂ©e sur place, mes yeux vert foncĂ© Ă©carquillĂ©s. Ou tout du moins autant que me le permettait mon ascendance asiatique. Ma mĂšre Ă©tait sud-corĂ©enne, rapidement sĂ©duite par le riche touriste anglais qu'Ă©tait mon pĂšre. J'ai eu une enfance facile pour ainsi dire, j'ai presque toujours Ă©tĂ© tenue Ă  l'Ă©cart des gens que mon pĂšre appelait « la plĂšbe », puis je me suis dĂ©couvert une passion pour la musique. En Ă©coutant pour la premiĂšre fois Bach, Mozart, Vivaldi, Chopin... qui n'aurait pas eu envie de dĂ©couvrir tous les secrets de cet art ? J'entrais naturellement au conservatoire, trĂšs jeune, violoncelle en main, prĂȘte Ă  dĂ©couvrir toute la magie de la musique. Et c'est Ă  ce moment que j'ai commencĂ© Ă  rĂȘver Ă  autre chose qu'une voie toute tracĂ©e dans le monde de la politique ou des finances. C'est aussi lĂ  que j'ai rencontrĂ© les gens clefs ayant influencĂ© mon choix, pour au final en arriver oĂč je suis maintenant... ÉvadĂ©e de ma prison dorĂ©e pour aller Ă©tudier dans la meilleure facultĂ© proposant un cursus musical que j'avais pu trouver en Europe, seule et penaude Ă  me tenir sur le pavĂ©, affrontant mon Ă©chec avec amertume. J'avais Ă©chouĂ© Ă  comprendre de bonnes intentions et les avais Ă©galement balayĂ©es d'un revers de main dĂ©daigneux, quand bien mĂȘme la faute m'incombait, Ă  moi et Ă  mon esprit trop Ă©triquĂ©. Et dĂšs que mes jambes auraient cessĂ© de trembler de honte, il me faudrait impĂ©rativement rattraper cette Ă©trange demoiselle et m'excuser de mon comportement...

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