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Quelques larmes pour un phénix

Quelques larmes pour un phénix

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5.0
avis
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13
Chapitres

Pourquoi ? C'est la question qui tourmente cet ouvrage. Il n'y a pourtant aucune rĂ©ponse Ă  apporter, ni Ă  la peine, ni Ă  l'univers, ni Ă  quoi que ce soit. C'est prĂ©cisĂ©ment la raison d'ĂȘtre de ce livre : Ă©pouser un non-sens, se battre contre une absence de rĂ©ponse, alors mĂȘme que la chute est inĂ©vitable. Cet ouvrage s'ouvre sur une mort et se ferme sur un dĂ©part : parce que la mort n'est pas la rĂ©ponse, parce qu'il existe ailleurs une autre forme de rĂ©ponse, diffĂ©rente, plus belle, parce que l'auteur ne veut pas renoncer. Biographie de l'auteur Mathieu PaillĂ© n'Ă©crit pas seulement pour le plaisir, mais aussi, et surtout, pour appeler au secours. Au bout de sa plume raisonnent des voix silencieuses remplies de peines. Son ouvrage se veut un exutoire pour ceux qui souffrent, le moyen pour eux de s'Ă©chapper de l'enfer (...).

Chapitre 1 No.1

Avant-propos

On met tellement de choses derriĂšre les sept lettres du suicide... On s'imagine une passion dĂ©chirante qui Ă©claterait soudainement sans prĂ©venir, une brusque bourrasque dĂ©chirant tout sur son passage sans crier gare... mais ce n'est pas ça. Le suicide, la volontĂ© de mourir, d'en finir avec soi-mĂȘme, ça n'arrive pas brutalement, dans un Ă©clair lumineux et foudroyant : mais dans la brume, mais dans un brouillard dĂ©lĂ©tĂšre qui dĂ©marre Ă  tes pieds, tout bas, jusqu'Ă  monter, Ă  monter, Ă  te recouvrir tout entier, toi et tout ce que tu aimais ; alors tu es prisonnier, et tu es perdu, tu ne vois plus le soleil, tu ne vois plus l'espoir et encore moins l'amour, tu ne vois plus rien. La seule chose que tu perçoives c'est la mort, la volontĂ© d'en finir, et tout ce qui t'importe encore c'est cette question lancinante : « Cette fois aurais-je la force de renoncer ? Arriverais-je Ă  m'enfuir, Ă  me quitter moi-mĂȘme ? »

Qu'on ne s'y trompe pas, le suicide est un échec, une défaite, face à la vie, face au monde, face à tout. Mourir de sa propre main est une grossiÚre erreur, mais elle se commet à une trÚs longue échelle.

Ad lectorem

C'était un endroit comme il en existe tant d'autres, caché dans un repli de montagne, un peu à l'écart du monde, et un peu dedans ; les maisons étaient vieilles, l'architecture ancienne, mais beaucoup de ceux qui les habitaient étaient, pour la plupart, de jeunes gens, venus non pour travailler aux champs mais pour jouir du calme et de la paix communs aux grands espaces.

Un endroit comme un autre, donc, sans prĂ©tention, avec ses petits vieux et ses jeunes, semblable Ă  n'importe oĂč ailleurs.

On y trouvait Ă©galement une minuscule Ă©cole, encore ouverte on ne savait comment. Elle se composait d'une cour avec deux grands arbres (dont l'un, par la suite, fut frappĂ© par la foudre et rasĂ©), d'un ou deux bacs Ă  sable, oĂč, Ă  heures rĂ©guliĂšres, les cris des enfants rĂ©sonnaient, et de deux bĂątiments, dans lesquels on sĂ©parait les Ă©lĂšves par rang d'Ăąge. Elle connut une petite fille, pendant un temps, une petite fille spĂ©ciale. C'Ă©tait Lily, Lily l'Ă©trange, Lily l'enfant dĂ©calĂ©e, qui vivait chaque jour comme cette matinĂ©e de novembre que je vais vous dĂ©crire.

Tout Ă©tait enveloppĂ© de brouillard ; elle Ă©tait assise sur un muret, seule : elle ne voyait pas les autres, et leurs rires lui parvenaient assourdis. Les branches des arbres dessinaient des contours Ă©tranges dans la brume, comme des bras amicaux, Ă  la fois prĂ©sents et absents, tĂ©nus, presque irrĂ©els. L'air sentait la pluie. C'Ă©tait novembre et le froid s'installait, un peu plus prĂ©sent chaque jour. La tĂȘte dans les mains, l'esprit dans les nuages, Lily rĂȘvait, Lily s'interrogeait ; elle entendait des enfants jouer, et elle ne pouvait les rejoindre. Pourquoi ? Elle voyait qu'Ă  cĂŽtĂ©, des ĂȘtres pas si diffĂ©rents d'elle s'amusaient, Ă©taient heureux, et elle ne pouvait en faire partie. De quel droit ? Son Ăąme d'enfant s'ouvrait peu Ă  peu sur un des nombreux fossĂ©s qui sĂ©parait les hommes : la diffĂ©rence.

Elle voulut tenter l'aventure, elle voulut briser le gouffre que la vie avait creusé entre eux, déjà, alors qu'ils étaient si jeunes. Et la voilà qui s'avance, le ventre noué, les jambes tremblantes, une esquisse de sourire plaqué sur son visage. Une vague salutation s'échappe de ses lÚvres closes, personne ne lui répond : ils sont groupés devant elle, compacts, et comme ils ont l'air distants, inhospitaliers... ils la regardent et la jaugent, ils sentent sa faiblesse. Elle prend peur. Elle veut reculer. On commence à l'insulter, on lui fait un croche-patte : on la frappe. Et les dés sont jetés, la proie est désignée pour aujourd'hui et pour toujours.

Ils n'Ă©taient probablement pas mĂ©chants ces gamins, ou plutĂŽt ils l'Ă©taient comme l'est un jour tout enfant qui ne mesure pas les consĂ©quences de ses actes, qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez : mais ils la blessĂšrent, ils placĂšrent en son cƓur la peur de l'autre, de sa cruautĂ©, de son ignorance. Plus jamais Lily n'essayerait d'avancer vers quelqu'un d'autre par la suite. Plus jamais...

Lily c'Ă©tait cette enfant rĂȘveuse que l'on connaĂźt tous, dont le portrait nous est familier, dont on se souvient vaguement, que l'on regarde sans voir et sans mĂȘme en avoir conscience. Elle avait, comme tous les enfants tristes, la tĂȘte ailleurs, le regard fixe et teintĂ© d'incomprĂ©hension, cet air de bontĂ© simple souvent assimilĂ© Ă  la bĂȘtise qu'on lui reprocherait par la suite, et cette petite plaie Ă  l'Ăąme qui ne devait jamais, jamais guĂ©rir, mais toujours s'enflammer davantage.

Jusqu'Ă  la fin.

Le monde la vit grandir comme une fleur qui manque de soleil ; le jour de ses 11 ans, elle Ă©tait grande, maigre ; sur son visage efflanquĂ©, ses yeux Ă©taient comme deux Ă©toiles Ă©teintes, elle avait les pommettes osseuses, les cheveux longs et emmĂȘlĂ©s. Elle marchait les bras serrĂ©s autour de sa taille frĂȘle, dans une vaine tentative de se protĂ©ger des attaques du monde extĂ©rieur ; sa peau Ă©tait sĂšche et souvent irritĂ©e : elle Ă©tait mal en point, mais peu le voyaient. Sa famille lui Ă©tait inaccessible, comme sĂ©parĂ©e d'elle par un rideau noir ; pas par dessin Ă©videmment, ses parents la voyaient souffrir, et par ricochet en souffraient aussi, mais que faire face Ă  ce qu'on ne peut comprendre, qu'on a essayĂ© d'analyser, mais toujours sans succĂšs, mais toujours en pure perte ?

Elle ne parlait pas : elle murmurait. Elle Ă©tait seule. DĂšs qu'elle le pouvait, elle s'Ă©chappait dans ses romans et passait des heures Ă  imaginer un autre monde, une autre vie, oĂč elle aurait son royaume, oĂč elle serait reine : et tous l'admireraient, et tous se confondraient en excuses, de l'avoir mal compris, de l'avoir isolĂ©e, enfermĂ©e Ă  la lisiĂšre de leur univers, sans jamais l'y accepter, sans jamais la comprendre ! Et elle, du haut de son trĂŽne de lumiĂšre et d'acier, tantĂŽt pardonnait, tantĂŽt punissait ceux qui avaient eu l'audace de la repousser, de la rejeter. Si elle Ă©tait Ă  l'extĂ©rieur aussi douce qu'il est possible de l'ĂȘtre, son Ăąme Ă©tait en revanche en proie Ă  de sombres tourments intĂ©rieurs ; elle avait au cƓur cette Ă©trange et douloureuse morsure de la solitude trop longtemps vĂ©cue, de quelqu'un qui a n'a pas assez connu le printemps mais trop l'hiver, qui n'a pas assez connu ou vu l'amour mais trop le rejet et l'incomprĂ©hension. Lily portait en elle un rĂ©cipient de verre fracassĂ© qu'au fil des ans on avait rempli d'acide ; et, Ă  chaque choc, elle en sentait la brĂ»lure, toujours plus intense. Elle souffrait, et cette douleur faisait naĂźtre en elle des colĂšres terribles, des tempĂȘtes, des cataclysmes qui s'exprimaient sans prĂ©venir, comme un orage Ă©clatant sans crier gare. Alors elle hurlait sa tourmente aux alentours, et elle invoquait l'enfer oĂč elle Ă©tait sur tous ceux qu'elle pouvait : et puis elle pleurait, doucement, en silence. Comme une statue de cristal qu'on aurait refroidie avec ses propres larmes.

Dans le silence de sa vie, une voix naquit bientĂŽt, narquoise et hautaine, une voix qu'elle Ă©tait seule Ă  entendre, comme un sifflement constant au creux de son oreille ; les mots qui la heurtaient, les phrases qui la poignardaient, la voix les reprenait bien aprĂšs, quand la nuit Ă©tait tombĂ©e, que l'enfant Ă©tait seule dans sa chambre, les volets bien fermĂ©s lui cachant la lumiĂšre des Ă©toiles, et les ombres effrayantes que son imaginaire d'enfant crĂ©ait Ă  partir de ce qu'elle ne pouvait voir lui faisant couler une sueur glacĂ©e le long du dos : alors la voix la tourmentait, lui perçait le cƓur de mille traits empoisonnĂ©s, prenait la forme de tous ceux qui la blessaient ; et elle passait des heures Ă  suffoquer, les yeux fixant le vide, Ă  rĂ©pondre Ă  personne, Ă  se battre inutilement contre ses fantĂŽmes, Ă  pourfendre des mirages. Et quand le combat devenait insoutenable, elle se rĂ©fugiait dans son monde, ailleurs, lĂ  oĂč nul ne pouvait l'atteindre, oĂč tout Ă©tait ordonnĂ© sa guise. À la froideur du monde, elle opposait de merveilleux jardins, de magnifiques forĂȘts oĂč l'on se promenait en chantant, oĂč il n'y avait que le bonheur de vivre, de vivre et de s'aimer...

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