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Histoires de la bête noire

Histoires de la bête noire

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Histoires de la bête noire: Recueil de nouvelles "En voyant son visage défait, je compris que je la tenais enfin, Céline. Je lui avais fait toucher du doigt que l’univers ne se limitait pas à un monde aseptisé où les risques sont abolis et où les accouchements sont sans douleur. Que l’autre monde était à nos portes et qu’on n’était jamais sûr qu’il ne ferait pas irruption dans le nôtre au moment où on s’y attendait le moins, pour nous rappeler que la vie est une aventure cruelle qui finit toujours mal. Que la civilisation était précaire, un accident de l’évolution, et que les forces obscures tapies dans l’ombre n’attendaient qu’une occasion pour reconquérir le terrain perdu provisoirement. Que leur victoire était certaine, après cet intermède singulier que constituait la civilisation occidentale. Quelque part, la bête noire était tapie dans l’ombre et attendait son heure." L'auteur n'est pas avare d'imagination dans ces nouvelles, et en particulier dans la dernière et Neuvième qui pourrait être une symphonie, si c'était de la musique. À PROPOS DE L'AUTEUR Ingénieur civil des Mines, Pierre Godard conjugue penchant pour les sciences dures et passion pour la littérature. Il est auteur de nombreux romans, essais et nouvelles, dont On a rogné les dents de la Mort – roman – thriller sur fond d’une catégorie philosophique rarissime en littérature : l’égoïsme théorique - Éditions 5 SENS à Genève ; L'ombre de Hitler – roman – Des effets pervers de la réincarnation - Éditions Librinova ; Contes de la pleine lune – 11 nouvelles – Éditions Librinova ; En direct en différé du Golgotha– roman de S.-F. – quand les Terriens exportent leurs différends dans la galaxie – Éditions MUSE à Düsseldorf (Allemagne) ; Les souris, l’Alien et la puissance– roman – variation sur le thème de Faust – en autoédition actuellement – soumis au comité de lecture de Le Lys Bleu Éditions le 17.05.2020.

Chapitre 1 Histoire 1-1 Une leçon de séduction très particulière

Mon éditeur m’avait commandé un recueil de huit nouvelles et j’en avais écrit sept, mais pour la huitième, je restai désespérément en panne. J’attendais l’inspiration, et ne dis rien à l’éditeur. J’avais bien un plan, mais il ne concernait pas du tout ma nouvelle, mais bien plutôt Céline, la directrice éditoriale, dont je rêvais de lui faire abandonner la position verticale, qu’elle s’obstinait à conserver devant moi, pour celle, beaucoup moins intimidante, pour moi, de l’horizontale.

Le délai de livraison approchant, elle ne manquerait pas de m’appeler, pour se livrer à son chantage habituel. En plus d’être la plus belle femme du monde, elle sortait de l’École Normale et était l’éminence grise des Éditions du Bouquin

« Où en êtes-vous, Quentin ? Nous vous attendons. Si rien ne vient, nous allons être obligés de programmer autre chose, et votre projet sera repoussé d’un an, ou même plus. Nous avons d’autres très bons textes sous le coude. La rentrée littéraire s’annonce extrêmement fructueuse, avec une pléiade de jeunes auteurs aux dents tellement longues qu’elles rayent le plancher. »

C’était ça, Céline !

D’emblée, la discussion était mise sur un terrain que je comprenais : celui du chantage. Mais, pour moi, le fait d’avoir à ce point les pieds sur Terre et de ne pas se payer d’illusions ne faisait qu’ajouter à son charme. Si elle n’était pas un ange, je le serais encore moins. À cynique, cynique et demi.

Et je venais d’acheter une voiture à tempérament – une faiblesse, une Jaguar neuve – et je ne voyais pas comment j’allais pouvoir payer les prochaines mensualités si mon recueil restait en plan.

« J’ai un scénario », mentis-je. « Je dois le laisser mûrir un peu. Mieux vaut un bon texte, qui arrive un peu en retard, qu’un mauvais, qui arrive à l’heure. »

C’était une réplique un peu « bateau », déjà cent fois entendue, mais je n’avais rien d’autre à proposer. Un peu mince, face à la pléiade de jeunes auteurs aux dents longues !

« On peut savoir ce que c’est ? »

Là, j’eus une inspiration qui, pour être géniale, n’en était pas moins préméditée depuis longtemps.

« Pas par téléphone », dis-je. « C’est très confidentiel. Si jamais des confrères écoutaient, et me piquaient l’idée ! »

Ce n’était pas de la paranoïa, j’avais raison de me méfier. Dans le milieu de la littérature, la jalousie entre les auteurs fait des ravages. L’hypocrisie, aussi ; il suffit de remarquer à quel point, dans les salons du livre, les auteurs se font des sourires mais préféreraient se faire pendre plutôt que d’acheter le livre d’un confrère.

« Les sept nouvelles que j’ai reçues sont bonnes, » eut-elle la bonté d’ajouter. « Mais c’est insuffisant pour faire un livre. Il nous en faut une huitième, aussi longue et percutante ! Et fissa ! »

« Je pourrais vous exposer mon scénario de vive voix. Au restaurant, pour changer. Qu’en dites-vous ? »

Elle hésita, puis finit par dire « oui. »

Céline avait donc enfin accepté mon invitation à dîner. Celle-ci était ambiguë car balançant entre le dîner d’affaires et le rendez-vous galant. Céline, trente-cinq ans, au sommet de la maturité professionnelle (et sexuelle), était trop avertie des mœurs parisiennes pour l’ignorer. Quant à moi, même âge, publiciste et écrivain, j’avais publié déjà avec succès quatre romans chez cet éditeur.

Le rendez-vous était fixé au restaurant « La Marée», spécialité de poissons, à vingt heures, mais je me devais évidemment d’arriver en avance

Je connaissais Céline : très soignée, elle arriverait en tailleur Chanel noir et des parures qui, pour être en petit nombre, n’en trahiraient pas moins leur prix astronomique. Céline était parfaitement intégrée et exigeante et ma drague si elle devait aboutir devait correspondre à tous les canons habituels en cette circonstance – et ce défi, que je m’étais lancé par étourderie, en l’invitant à dîner, occultait complètement celui du choix du thème de ma huitième nouvelle. Il entrait également dans mes vues de ne pas paraître être à court d’inspiration pour lui en imposer, quitte à dire n’importe quoi.

Lourde tâche, qui m’attendait. Je rentrai du travail avec une heure d’avance pour me préparer vestimentairement et psychologiquement et avec une boule d’angoisse à l’estomac, tant l’enjeu était de taille.

Céline était en outre une beauté. Il me faudrait opposer à ce sommet de la féminité, à ce parangon de l’élégance parisienne la quintessence de la masculinité et de la réussite sociale, et je me demandai un instant pourquoi je m’étais imposé une tâche aussi ardue, aussi stressante et qui, si j’échouais, risquait de me plonger dans les affres de la dépression. Il aurait été si simple de la rencontrer dans son bureau.

Il me fallait une martingale. Je voulais mettre toutes les chances de mon côté. Puis j’eus une idée, mais qui ne concernait pas le scénario de ma nouvelle, qui passait au second plan.

Il fallait agir vite.

Je commençai par décommander le restaurant de poisson. Le poisson me paraissait trop fade pour constituer un cadre valable à mon entreprise conquérante. Je téléphonai à Céline, qui heureusement, n’était pas encore partie. Premier coup de chance.

« Céline, j’y pense, si on changeait les poissons pour de la viande ? J’ai une faim de loup. »

« Je ne sais pas, Quentin. Le poisson est plus digeste. J’ai l’habitude de dîner légèrement, le soir. »

« Pas avec toutes ces sauces qu’ils mettent pour lui donner du goût, au point qu’on ne sait plus si on a du cabillaud, du maquereau ou de la lotte dans l’assiette. Tous les poissons se ressemblent. Tandis qu’une bonne viande se suffit à elle-même. »

« Il n’y a pas que des poissons en sauce àLa Marée, Quentin. Je connais ce restaurant. Il y a aussi des poissons grillés, sans sauce. »

« Au Barbecue, ils font d’excellentes viandes. Avec ou sans sauce. »

« Non, décidément, je préfère La Marée. Comme convenu. »

Je ne pouvais pas essuyer une défaite à la première escarmouche, sinon, cela augurait mal de la suite. À bout d’arguments, je prétendis que j’avais déjà annulé la réservation à La Marée, et réservé deux couverts au Barbecue. J’ajoutai que la viande nous donnerait l’énergie dont nous avions besoin.

« Pour quoi faire ? » ajouta-t-elle assez froidement.

« Pour ne pas nous endormir », fis-je.

Silence à l’autre bout du fil. Elle articula enfin :

« Merci. Ce sera comme vous voudrez, Quentin. Alors à huit heures, au Barbecue. »

Ouf ! L’affaire était mal engagée, mais j’avais ce que je voulais. Il était temps de partir et je filai à mon rendez-vous, aussi ému qu’un alpiniste novice contemplant le sommet de l’Everest depuis le camp de base et en train d’inspecter son matériel.

Elle eut la délicatesse de ne pas se faire désirer trop longtemps. Elle arriva aussitôt après moi Elle s’approcha de ma table d’un pas rapide en souriant et je peux me tromper, mais il me sembla qu’elle levait imperceptiblement le nez. Elle pouvait, elle était splendide. Elle avait dénoué ses cheveux qui tombaient en cascade bouclée sur ses épaules. Elle était sûre de son effet. D’évidence, elle allait me tenir la dragée haute et se réjouissait à l’avance de voir comment j’allais me débrouiller dans cette épreuve. Son sourire légèrement ironique semblait me mettre au défi de me montrer à la hauteur.

Lourde tâche. Mais le vin était tiré, il fallait le boire.

Je me levai et l’embrassai sur la joue. Elle s’assit.

Le sujet épineux du choix entre la viande et le poisson fut laissé de côté. La conversation roula d’abord sur un sujet professionnel – le prétexte officiel du dîner.

Comme le serveur approchait pour prendre la commande, je dis, d’une voix aussi neutre et indifférente que possible, que les pavés de bœuf du Barbecueétaient incomparables, pourvu qu’on les commandât saignants, une pareille viande ne pouvant que se dénaturer à la cuisson. La difficulté était de lui faire prendre les steaks saignants sans avoir l’air d’insister, pour ne pas provoquer son esprit de contradiction.

« Ces steaks sont délicieux », dis-je donc. « Surtout si on les prend saignants. »

« Je préfère bien cuits », dit-elle en me jetant un rapide coup d’œil.

« Si je peux me permettre », dit le serveur, « Monsieur a raison. L’accompagnement risque de vous paraître un peu sec, avec un steak bien cuit. »

« C’est vrai, j’ai pris une fois le steak bien cuit ici, mais l’accompagnement était beaucoup trop sec », renchéris-je.

« On ne peut pas prendre ce qu’on veut, ici », dit Céline en jouant la contrariété. « Mais allons-y, si j’ai tout le monde contre moi. » Puis, le serveur une fois parti, elle ajouta : « C’est vous qui avez remporté cette première bataille, Quentin. Bravo. »

Un peu plus elle aurait ajouté : « Courage », mais se retint à temps.

Je souris modestement. L’entrée consistait en une salade de gésiers de canard. La conversation roulait agréablement sur des sujets divers, suffisamment peu compliqués pour que je puisse en même temps penser à mon piège sans avoir l’air absent. Mais je préparais mon estocade, en attendant l’arrivée des pavés de bœuf.

Ils arrivèrent enfin, et mon fantasme connut son paroxysme.

« Quel est-il donc, ce fameux scénario ? » dit-elle.

Je lui exposai mon plan, l’esprit un peu perturbé par son décolleté plongeant.

Ce serait un thriller.

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