Le messager de l’Arche

élèves qui ne bronchaient pas avec lui. J’éprouvais pour ce hussard de la république (c’est ainsi qu’on les appelait avant…) une véritable admirat

oumis et dociles comme des moutons. Il m’inspirait plus de la crainte que de la peur. Je craignais ses réactions, son mécontentement face à une mauvaise réponse ou un travail bâclé. Mais quelle joie lorsque ma réponse lui convenait, quand j’avais juste dans un calcul. Je percevais alors sur son visage sévère et fermé une lueur de reconnaissance, quelque chose q

e si je ne supportais pas l’idée d’avoir un quelconque modèle dans mon existence, ce maître-là m’inspira profondément, comme quelques autres figures plus tard, sans jamais

orsque j’en avais assez du maître gris, je portais mon regard sur l’autre maître, accroché à sa croix, qui dominait le monde à travers sa souffrance et la peine de ses proches à ses pieds. Quoi de plus fort pour un enfant que d’être exposé ainsi pendant des jours, des mois et des années à cette image, se gravant dans son esprit imperceptiblement et malgré sa volonté, au point de devenir partie intégrante de sa personne. L’idée me plai

ier les grandes figures de l’histoire de France, comme Napoléon 1er, Jeanne d’Arc, Louis XIV, ou encore les empereurs romains. Comment ces hommes, ces femmes, avaient-ils pu mener leurs peuples vers le destin qu’ils avaient décidé pour eux ? Sur quels ressorts s’appuyaient-ils pour arriver à leurs fins ? Je ne comprenais pas comment ils avaient procédé, et pourquoi les autres avaient suivi sans remettre en cause jamais leur pouvoir. En effet, ces per

emandent qu’à le croire. Il leur promet monts et merveilles, une place au paradis, un lieu fort sympathique (moi j’espérais qu’il y ait au moins des parcs de jeux, des jardins et des voies de chemin de fer), en contrepartie d’un changement dans leurs attitudes bêtes et méchantes. Mais là ça a moins bien marché qu’avec Napoléon ou avec Jules César. Les crétins d’en bas ne l’entendaient pas de cette oreille, et trouvaient que le type en faisait de trop, leur demandait l’impossible. Du coup, ils s’en sont détournés, sauf une poignée d’irréductibles disciples, et sont même allés jusqu’à le crucifier. Le crucifier pour leur avoir montré la voie, c’était quand même un comble ! Comme quoi, me disais-je, on ne devient pas meneur, ou sauveur, sans un minimum d’entraînement. Ou alors cet homme-là, envoyé du ciel, n’avait-il pas les bons arguments pour l’époque. Ou encore que son langage était trop compliqué, incompréhensible pour les primitifs de ce temps lointain. Bon, j

ans broncher. Cela ne me faisait pas de mal après tout, et puis je ne voulais pas faire de peine à ma mère, elle tenait ta

naissante. Il faut bien admettre que pour un gamin de dix, onze ans, toutes ces questions métaphysiques ne sont pas au cœur de ses premières préoccupa

lle était missionnaire dans un pays lointain en Afrique. Je savais pas du tout ou cela pouvait se trouver, la géographie n’était pas mon fort. Elle aussi m’intéressait beaucoup, cependant sa force de présence était toute différente de celle de mon maître d’école. Elle brillait par sa gentillesse, sa douceur, sa capacité à écouter les paroles parfois maladroites des enfants, à répondre simplement avec des mots à notre portée, aux questions qu’on lui posait. Et ce qui m’avait surpris, c’est qu’avec cette religieuse venue d’un autre continent, le catéc

J’étais bien triste de la perdre, car je l’aimais beaucoup, même si je ne comprenais pas comment une personne aussi jeune et belle pouvait se consacrer corps et âme aux autres. Qu’est-ce qui l’avait poussée dans

ersonne à quitter le monde dans lequel elle a grandi, sa famille, ses parents, ses amis, pour

en accord avec elle-même. En tout cas, c’était l’impression qu’elle m’avait laissée. Et c’est pour cette raison que je l’admirais secrètement. Plus tard il faudrait q

he, de tours de vélos à faire dans le quartier ou pour aller au jardin potager à l’autre bout de la ville, de jeux de ba

rop vite et je grandi