L'alpha tout-puissant reconquiert sa compagne
Divorcée et mariée à un chef de guerre
Mon nouvel amant est un mystérieux magnat
Le retour de l'héritière adorée
Choyée par le chef de la mafia
Le retour de l'héritière délaissée
Une danse avec trois princes
Les regrets de mon ex-mari
Son retour en grande pompe
Le retour de l'épouse indésirable
À Marie-Reine, Émilia, Lucien et Carmelo…
Bruxelles, Michel, Minaa, Carlo, Mariusz et moi
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Inséparables…
Bruxelles, commune de Saint-Gilles, vendredi 6 juin 1997. La pluie et le vent agressent avec panache la devanture du café. À chaque assaut, j’ai le sentiment que l’entrée vitrée va exploser comme du cristal sur un sol carrelé. Des mètres cubes d’eau et des souffles dantesques se déversent sur les vitres du Florentin. Je suis aux premières loges, partagé entre la stupeur et l’émerveillement. Ce déluge m’effraie par sa violence et sa sauvagerie mais curieusement, je ne peux m’empêcher d’être ému et respectueux devant la grâce des éléments déchaînés. Je n’imaginais pas en venant travailler ce matin être confronté à un attentat naturel mêlant le sublime et l’effroyable.
Il est neuf heures et les quatre consommateurs à l’abri des intempéries bénissent le Florentin et leur sauveur. Il y a des moments comme celui-là dans la vie où on se sent l’âme d’un super héros sauvant l’humanité d’un ouragan meurtrier. Le serveur sauveur super héros du jour c’est moi, Alexandre Bertron. J’ai vingt ans, une gueule d’ange, les yeux verts et j’avoisine les deux mètres pour quatre-vingt-quatorze kilos. Comme tous les héros, j’ai aussi mes faiblesses : je suis un tantinet maladroit et un brin rêveur.
Assis au bar sur un tabouret, il y a J.P., J.P. pour Jean-Pierre mais tout le monde l’appelle J.P.. C’est un grand bonhomme assez maigre, toujours mal rasé avec sa casquette verte et blanche vissée sur la tête, été comme hiver. Il est sympathique et a toujours un bonjour et un sourire aimable quand il franchit la porte. Ce matin, il discute avec Étienne notre livreur de boissons à qui nous offrons un verre après chaque livraison. Les deux hommes évoquent leurs idées politiques et la façon dont est gouverné le pays. Ils déplorent la mentalité et l’esprit séparatiste des nationalistes flamands. Néanmoins, des éclats de rire jaillissent de leur conversation notamment quand J.P. imite de façon volontairement très caricaturale notre Premier ministre Jean-Luc Dehaene. J.P. est en grande forme ce matin et les deux hommes n’en finissent pas de faire les idiots. Toutefois, Étienne ne tardera pas à partir pour poursuivre sa tournée.
Deux femmes d’une trentaine d’années sont installées à une table au fond du bar. Elles sont arrivées à vive allure, les cheveux et le visage trempés, après s’être laissé surprendre par la tempête. La rousse peignée au carré a gardé sa fine doudoune rose et noire sur ses épaules. Elle frissonne encore malgré le chocolat chaud qu’elle boit. L’autre jeune femme à la longue chevelure blonde, buvant un combo, semble réchauffée. Elles regardent l’extérieur avec découragement, désespérant certainement que vienne une accalmie. Je n’ai pas le souvenir de les avoir déjà vus, c’est peut-être la première fois qu’elles entrent ici.
Il y a aussi ce vieillard énigmatique aux cheveux blancs, au regard mélancolique et à l’accent italien, qui semble perdu dans ses pensées. Il vient assez régulièrement portant toujours un costume, un tee-shirt noir et des baskets blanches. Mal rasé, sans jamais un sourire, il m’inspire pourtant de la sympathie. Il y a quelque chose de touchant dans son regard. J’y perçois beaucoup d’humanité. Il semble avoir tout perdu et paraît indifférent à ce qui l’entoure. Je me demande même s’il a remarqué qu’il y a une tempête à l’extérieur. Je l’imagine bien ancien expert-comptable ou contrôleur des impôts ou pire encore : retraité des pompes funèbres. En tout cas, il n’a pas l’air causant, c’est à peine s’il m’adresse la parole pour me demander un verre de vin blanc. Les deux clientes, rescapées des eaux, le scrutent discrètement du coin de l’œil en échangeant des sourires complices et moqueurs. Elles n’ont jamais dû voir un contrôleur des impôts croque-morts expert en comptabilité de près. Ainsi, les deux grandes attractions de ce vendredi matin sont la tempête et le vieil homme. Pour une fin de semaine, ça commence à faire beaucoup.
Finalement, vers midi, le déluge commence à faiblir, laissant derrière lui des abris bus, des vitrines extérieures, des voitures et des rues d’une propreté impeccable. Cette lessiveuse cyclonique, genre de tornade nettoyante à cet avantage d’être hygiénique. Ce matin, le Florentin se sera offert une séance musclée de lavage par ventilation naturelle et projection d’eau de pluie ; tel un diamant, il brille de mille éclats. C’est un café de quartier chaleureux, réputé pour ses concerts de jazz les jeudis soir et ses délicieux combos. J’ai beaucoup d’affection pour ce lieu dans lequel je travaille à mi-temps depuis trois ans. J’aime l’atmosphère qui y règne ; des gens de tout horizon et de toutes origines s’y croisent. Il a su traverser les années en gardant son identité et son âme. Le bar en bois massif lui donne un caractère bien trempé. Il est ossu, rassurant, convivial et on y sert les meilleurs combos de la Terre. Le combo est un volcan orgasmique : un fond de grenadine, une moitié de jupiler, un quart de limonade et un dernier quart de lait de soja. Il se consomme de préférence bien frais avec des glaçons.
Certains week-ends, je fais des infidélités au Florentin en travaillant en tant que portier au Fuse, une discothèque bruxelloise rythmée au son de la musique électronique.