Chapitre 1
Les visages dans la salle de conférence ne reflétaient rien d'autre qu'un mélange toxique d'arrogance et d'indifférence. Adrian, assis à l'extrémité de la longue table en verre, se demanda pour la millième fois ce qu'il faisait là. Les autres directeurs, des hommes et femmes bien plus âgés que lui, échangeaient des regards entendus. Il n'avait jamais été à l'aise dans ces réunions, même si, à vingt-neuf ans, il maîtrisait mieux que quiconque les rouages technologiques qui faisaient tourner GreyTech. Mais aujourd'hui, il n'y avait pas de place pour la technologie, juste pour des intrigues qu'il ne comprenait pas encore.
« Nous avons un problème, » déclara froidement l'un des conseillers, un homme aux cheveux blancs parfaitement peignés, connu pour sa fidélité à son père. « Le conseil a jugé nécessaire de convoquer une réunion familiale. »
Adrian releva les yeux, intrigué. Une réunion familiale ? Ce terme était aussi rare dans leur vocabulaire que l'idée de prendre des vacances. Le mot « famille » dans la bouche de ces requins avait toujours sonné creux. C'était une façade, une manière de dire : « Nous protégeons nos intérêts communs. »
« Mon père est au courant ? » demanda-t-il, les bras croisés.
Le silence qui suivit fit naître un malaise dans la pièce. Le conseiller se racla la gorge, évitant son regard. « Disons simplement qu'il l'approuve indirectement. »
Adrian serra les dents. Son père, toujours hospitalisé après ce qu'ils appelaient un « accident » – un mot poli pour couvrir ce qui ressemblait de plus en plus à une tentative d'assassinat. Il en savait assez pour comprendre que la vérité se cachait sous des couches épaisses de mensonges, mais les réponses semblaient toujours glisser entre ses doigts.
Le reste de la réunion se déroula comme un mauvais rêve : des discussions abstraites sur des parts de marché, des accords internationaux, des stratégies sans âme. Adrian fit semblant de prendre des notes tout en réfléchissant à cette réunion familiale. Qui allait y être invité ? Les Greysons n'étaient pas connus pour leur convivialité. Si cette réunion était « nécessaire », cela signifiait probablement que quelque chose de grave se tramait.
Une fois la réunion terminée, Adrian fit un détour par son bureau, son refuge. Il verrouilla la porte et activa les systèmes de sécurité qu'il avait lui-même développés : personne ne pouvait l'écouter ici. Il ouvrit son ordinateur portable, un modèle qu'il avait entièrement customisé pour ses besoins. Le nom « réunion familiale » ne figurait dans aucun des documents officiels de l'entreprise. Pas même un e-mail. Cela le rendit encore plus méfiant.
En fouillant dans les archives, il tomba sur un dossier nommé « Protocole Héritier ». Il n'avait jamais vu ce fichier auparavant, ce qui était étrange, étant donné qu'il avait accès à presque tout dans l'entreprise. Il lui fallut un moment pour déverrouiller les protections – des codes et des systèmes de cryptage qu'il n'avait jamais rencontrés jusque-là.
Quand il l'ouvrit enfin, son cœur manqua un battement. Des noms apparurent sur l'écran : Greyson, Montclair, Ashford. Trois dynasties puissantes qui semblaient liées par quelque chose qu'il ne comprenait pas encore. Sous les noms, des dates. Des réunions annuelles, toutes marquées comme « confidentielles » et, à côté, des comptes-rendus absents ou volontairement supprimés.
Il imprima tout, le cœur battant. Une intuition lui disait qu'il n'aurait pas accès à ces documents longtemps. Si quelqu'un venait à savoir qu'il fouillait ici, les conséquences seraient terribles. Il savait comment ce monde fonctionnait. On pouvait être un Greyson et disparaître sans laisser de trace.
Adrian passa les heures suivantes à analyser les documents. La première mention d'une alliance entre les trois familles remontait à plus d'un siècle. Des accords commerciaux, des clauses secrètes, et, ce qui était le plus troublant, des comptes bancaires offshore qui semblaient liés à des fonds obscurs. Mais ce qui le fit frissonner fut la mention répétée d'un groupe appelé « Obsidian ». Aucun détail, juste ce mot, récurrent, comme une menace silencieuse.
À minuit, il recevait encore des notifications sur son téléphone : des messages de ses associés, des demandes de validation pour des projets qu'il avait volontairement ignorés. Mais tout cela lui paraissait soudain insignifiant. Une autre réalité se dessinait sous ses yeux, une toile d'araignée faite de secrets, de manipulations, et probablement de violence.
Il était en train de scanner l'un des documents lorsqu'une voix familière interrompit son flot de pensées. « Tu devrais vraiment dormir, Adrian. »
Il releva la tête pour voir son assistante, Clara, qui se tenait à la porte, un café à la main. « Je t'ai apporté ça. »
« Merci, » murmura-t-il en prenant la tasse. Clara était l'une des rares personnes en qui il avait encore confiance. Mais même elle ignorait tout des zones d'ombre dans lesquelles il s'aventurait.