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Pendant dix-sept ans, j'ai aimé mon meilleur ami, Hugo Chevalier, à la folie. J'étais la fille discrète qui avait toujours un pansement pour ses genoux écorchés, persuadée au fond de moi que nous étions faits l'un pour l'autre.
Mais il a fait voler mon monde en éclats avec six mots : « C'est ma sœur. Rien de plus. » Il est tombé amoureux de la cruelle et sublime Fabiola, l'emmenant même dans notre prairie secrète.
Sa jalousie était un poison. Elle a simulé une grossesse pour le piéger, puis a payé un homme pour m'agresser dans une ruelle. Le traumatisme a provoqué la rupture d'un anévrisme dans mon cerveau, et je suis devenue aveugle.
Malgré tout, Hugo l'a défendue. Il a refusé de croire qu'elle était capable d'une telle noirceur, choisissant le monstre qu'il connaissait depuis quelques mois plutôt que la fille qu'il connaissait depuis toujours.
Mon sauveur, un médecin bienveillant nommé Jace, m'a offert un avenir, et nous avons planifié un faux mariage pour redonner espoir à mes parents terrifiés.
Mais alors que je me tenais, aveugle, devant l'autel, Hugo a fait irruption dans la cérémonie. Il est tombé à genoux, une bague en diamant à la main.
« Je t'aime, Chloé, » a-t-il crié. « Épouse-moi. »
Chapitre 1
Point de vue de Chloé Fournier :
« Je t'aime, Chloé, » murmura Hugo Chevalier, sa voix chargée d'une émotion que j'avais attendu toute une vie pour entendre. « Ça a toujours été toi. » Il était agenouillé devant moi, son beau visage rongé par le désespoir, une bague en diamant tenue entre ses doigts tremblants. « Épouse-moi. »
Je baissai les yeux vers l'homme que j'avais aimé pendant dix-sept ans, le garçon qui avait été mon univers tout entier. Puis, je regardai par-delà lui, vers l'homme qui se tenait à mes côtés, sa main posée doucement sur mon dos.
Je souris, un petit sourire triste au coin des lèvres. « Hugo, » dis-je, ma voix claire et stable, « je suis déjà mariée. »
Un mois plus tôt, mon monde avait une couleur différente. Il était peint dans les nuances d'Hugo Chevalier.
Le festival de printemps annuel de l'université battait son plein, l'air était lourd de l'odeur du pop-corn et des marronniers en fleur. Les rires et la musique tourbillonnaient autour de moi, mais je n'avais d'yeux que pour une seule personne. Hugo. Il se tenait près de la scène improvisée, le soleil couchant accrochant des reflets dorés dans ses cheveux bruns, un sourire confiant jouant sur ses lèvres alors qu'il discutait avec ses potes du BDE.
Il était charismatique, populaire, le soleil autour duquel tant de gens gravitaient. Et moi, Chloé Fournier, je n'étais qu'une lune silencieuse, me contentant de tourner dans son attraction gravitationnelle, un secret que je gardais depuis mes dix ans.
Nous étions inséparables. Le « Chloé-et-Hugo show », comme disaient nos parents. Il était l'aventurier, j'étais la prudente. C'est lui qui s'écorchait les genoux, et c'est moi qui avais toujours un pansement à portée de main. Il me voyait comme sa petite sœur, un rôle que je jouais avec une aisance étudiée, alors que mon cœur hurlait une tout autre vérité.
« Sérieux, Chevalier, quand est-ce que tu vas te lancer avec Fabiola de Martel ? » le bouscula gentiment l'un de ses amis, Léo.
Mon cœur fit un douloureux saut périlleux dans ma poitrine. Fabiola de Martel. La reine en titre de l'université, une influenceuse avec un million de followers et un compte en banque bien garni. Elle était tout ce que je n'étais pas : audacieuse, glamour et riche.
Hugo laissa échapper un petit rire, un son qui d'habitude faisait frémir mon estomac. Cette fois, c'était comme une pierre tombant dans un puits. « Laisse-moi tranquille, mec. J'y travaille. »
« T'y travailles ? Mec, ça fait des mois que la fille te donne le feu vert, » intervint un autre ami. « Qu'est-ce qui te retient ? T'es pas encore accroché à ta petite ombre, j'espère ? »
Mon souffle se coupa. Je me reculai derrière un grand chêne, l'écorce rugueuse s'enfonçant dans mes omoplates. Je ne devrais pas écouter. C'était privé.
La voix d'Hugo, quand elle vint, était dédaigneuse. « Chloé ? Sois pas ridicule. C'est ma sœur. C'est tout ce qu'elle sera jamais. »
Sœur.
Le mot fut un coup de marteau, brisant le fragile château de verre de mes rêves. Je l'avais entendu mille fois, mais cette fois, dans le contexte où il désirait quelqu'un d'autre, cela sonnait comme un jugement final.
« Bien, » dit Léo en lui tapant dans le dos. « Parce que Fabiola, c'est le gros lot. Sa famille possède la moitié de la ville. Si tu la chopes, t'es refait pour la vie. »
« Ce n'est pas pour ça, » dit Hugo, avec une pointe de défense dans le ton. « Elle est… excitante. Différente. »
Les mots non dits flottaient dans l'air : Différente de Chloé.
Je n'avais pas besoin d'en entendre plus. Je me suis retournée et j'ai fui, ma vision brouillée par des larmes que je refusais de laisser couler. J'ai trouvé un coin désert derrière la bibliothèque, un endroit où les ombres étaient profondes et réconfortantes. Je me suis laissée glisser le long du mur de briques froides, ramenant mes genoux contre ma poitrine, et j'ai finalement laissé les sanglots secouer mon corps.
C'était fini. Une histoire d'amour qui n'avait existé que dans ma tête avait atteint sa conclusion tragique.
Une fois les larmes taries, une froide résolution s'installa dans ma poitrine. Très bien. S'il ne me voyait que comme une sœur, alors c'est ce que je serais. J'enterrerais mes sentiments si profondément qu'il ne les trouverait jamais. Je sourirais, je le soutiendrais, et je le regarderais tomber amoureux de quelqu'un d'autre, même si ça devait me tuer.
J'ai rajusté mes vêtements, essuyé mon visage et suis retournée au festival, un masque d'indifférence joyeuse soigneusement construit et fermement en place.
Plus tard dans la soirée, le monde explosa sous une pluie de feux d'artifice. Sous le ciel scintillant, je l'ai vu. Hugo se tenait au milieu de la pelouse bondée, tenant une seule rose rouge, parfaite. Il regardait Fabiola de Martel, ses yeux brillant d'une adoration que je n'avais fait que rêver de recevoir.
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