L'aube à Paris avait toujours quelque chose de magique, et pourtant, pour Aurélie Moreau, cette matinée semblait plus sombre que d'habitude. Assise dans la petite cuisine de son appartement, une lettre froissée entre les mains, elle fixait le mur face à elle, incapable de croire ce qu'elle venait de lire. Ses doigts tremblaient légèrement alors qu'elle parcourait à nouveau les mots inscrits sur ce papier qui allait bouleverser sa vie.
« Un mariage arrangé ? » murmura-t-elle, incrédule. Ses yeux se levèrent vers la fenêtre, observant les toits parisiens qui s'étendaient à perte de vue. L'air automnal, frais et mordant, entrait par la fenêtre entre-ouverte, apportant avec lui une tension presque palpable.
Un coup frappé à la porte la fit sursauter.
« Aurélie, c'est moi, papa. »
Elle n'eut même pas besoin de répondre. La porte s'ouvrit lentement, et son père entra dans la petite pièce. Jean Moreau, un homme d'âge mûr avec les cheveux grisonnants et les yeux cernés par les soucis, la regardait avec une expression qui reflétait à la fois la fatigue et l'inquiétude. Il prit place en face d'elle sans un mot, les mains jointes sur la table.
« Je ne comprends pas... » commença Aurélie en posant doucement la lettre sur la table. « Un mariage ? Avec un homme que je n'ai jamais rencontré ? Pourquoi ne m'as-tu jamais parlé de ça ? »
Jean soupira, ses épaules s'affaissant légèrement sous le poids de la situation. Il avait toujours su que ce jour viendrait, mais il espérait que ce serait plus tard, bien plus tard.
« Je voulais te protéger, Aurélie. » Sa voix était basse, empreinte de regret. « Ce n'est pas une décision que j'ai prise à la légère, crois-moi. »
Aurélie fronça les sourcils, luttant contre les émotions contradictoires qui l'envahissaient. « Me protéger de quoi ? De qui ? »
Son père baissa les yeux un instant, comme s'il cherchait les mots justes, puis il prit une profonde inspiration.
« Les Montclair. La famille avec laquelle nous avons passé cet accord il y a des années. Leur influence est... écrasante. Quand ta mère est tombée malade, j'ai dû contracter une dette pour payer ses traitements. Une dette bien trop lourde à rembourser seul. » Il marqua une pause, le regard plongé dans un vide lointain. « Leur condition pour effacer cette dette était simple : tu devais épouser leur fils, Nathan. »
Aurélie sentit son cœur se serrer. La réalité de cette situation la frappait de plein fouet. « Et si je refuse ? » demanda-t-elle d'une voix presque inaudible.
Jean la regarda avec une tristesse infinie. « Si tu refuses... nous perdrons tout. La maison, l'entreprise familiale... et ils n'hésiteront pas à nous ruiner complètement. »
Le silence s'installa entre eux, pesant et insupportable. Aurélie avait toujours su que sa famille traversait des moments difficiles, mais jamais elle n'avait imaginé que tout serait lié à un mariage arrangé. Elle ne pouvait s'empêcher de ressentir de la colère et de l'injustice. Elle n'était qu'un pion dans un jeu bien plus vaste qu'elle.
« Qui est ce Nathan Montclair ? » demanda-t-elle finalement, la voix dure, pleine de défi.
Jean hésita un instant avant de répondre. « C'est l'héritier de l'empire Montclair. Ils dirigent des entreprises de luxe, de finance... Ils sont immensément riches et influents. Nathan est leur fils unique. C'est un homme... difficile. »
Aurélie sentit une boule se former dans sa gorge. Elle ne connaissait rien de cet homme, et pourtant, elle allait devoir l'épouser. Son avenir, qui semblait jusque-là flou mais libre, venait de s'éteindre dans un contrat invisible, signé bien avant qu'elle ait pu en comprendre les conséquences.
« Et... qu'est-ce que lui pense de tout ça ? » demanda-t-elle avec amertume.
Son père détourna le regard, un malaise visible dans ses gestes. « Je ne crois pas que ce mariage lui plaise non plus. Il a probablement ses propres raisons de s'y opposer, mais... ce n'est pas vraiment une question de choix pour lui non plus. »