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Combien de fois avez-vous pu voir un homme dire à sa femme « désolé de t'avoir laissé m'aimer » ? L'histoire de Nabil et d'Angélina n'est pas banale. C'est ce qui a d'ailleurs poussé Angélina à cacher la vérité sur Nabil pendant plus de 25ans à sa fille unique. Le temps des révélations est arrivé et notre héroïne a décidé de tout raconter à sa fille dans une lettre la plus détaillé possible. Venez découvrir le récit bouleversant et plein de rebondissements pour sa fille.

Chapitre 1 Chapitre 01

INTRO

- Docteur est ce que vous pouvez mettre cette machine sur silence ? elle m'empĂȘche de dormir dis-je

- Ah vous alors ! toujours là à plaisanter répondit la doctoresse en réajustant ses lunettes. J'ai de mauvaises nouvelles, le dernier potentiel donneur qu'on avait identifié...

- Laissez tomber docteur la coupai-je. De toute façon les chances étaient minces non ?

- Oui je sais, on va continuer la chimio un peu en attendant mais si...

- ArrĂȘtez ça tout de suite je vous ai dit qu'il Ă©tait hors de question qu'elle sache !

J'avais fait une promesse ! Une promesse Ă  moi-mĂȘme de toujours garder le secret sur l'identitĂ© du pĂšre de ma fille unique. Mais aujourd'hui ma fille a fĂȘtĂ© ses 25ans sans moi et je ne suis pas sĂ»re d'assister Ă  sa 26Ăšme anniversaire. Cela fait maintenant plus de six ans qu'elle ne me parle plus, ne rĂ©pond plus Ă  mes lettres ni appels. Le moment est peut-ĂȘtre venu de replonger dans le passĂ©, de revivre ma vie pour espĂ©rer partir en ayant reçu le pardon de ma fille. Je pourrai ainsi reposer en paix.

En ce moment je pris une résolution simple : au diable la chimio et la recherche de donneur... je vais consacrer le restant de mes forces à écrire une lettre à ma fille. Il est temps de lui présenter son pÚre.

- Docteur, pourriez-vous me trouver une rame de papier et un stylo s'il vous plait ? je dois Ă©crire une lettre.

- Euh vous avez besoin d'une rame de papier pour une seule lettre ?

- Oui répondit-je avec un petit sourire, ça sera une si longue lettre... (petite pensée à Mariama Bù, qui a traversé et marqué toutes les générations de notre pays)

_______________________________________________

Cathy, ma chĂšre fille

Cela fait cinq ans aujourd'hui que tu refuses de me parler, peut-ĂȘtre Ă  raison. Je pense que, comme tout enfant, tu mĂ©rites de connaitre ton pĂšre. Je ne t'ai jamais rien dit sur lui car il y a quelques annĂ©es juste avant ta naissance je me suis faite une promesse enfin deux : tout faire pour que tu ne manques jamais de rien et tout faire pour que tu ne dĂ©couvres jamais l'identitĂ© de ton pĂšre. Mais quand j'y repense, l'un empĂȘche peut-ĂȘtre l'autre.

Aujourd'hui les médecins ne me donnent que quelques mois voire quelques semaines à vivre à cause de mon cancer et je crois que le moment est venu pour moi de te parler de ton pÚre. Tu mérites d'en savoir le plus sur lui et je veux que son nom me survive.

Tout a commencĂ© un aprĂšs-midi de printemps, alors que j'avais dix-sept ans j'ai suivi une de mes copines de l'Ă©poque, Manon, en balade dans la voiture de son pĂšre. Aucune de nous deux n'avait le permis mais l'excitation de l'aventure Ă©tait plus forte que la petite voix de la raison qui essayait de m'en dissuader. On est parti faire le tour de la ville et s'amuser vraiment bien. Insouciante mais surtout inconsciente, on a dĂ©cidĂ© de faire un dernier tour vers le quartier ouest de la ville, un quartier populaire rĂ©putĂ© pour ĂȘtre dangereux pour des jeunes filles comme nous. Au bout de quelques minutes nous dĂ©cidĂąmes de rentrer. Mais comme si le destin voulait nous punir la voiture a calĂ© d'un coup et refusait de redĂ©marrer.

- Qu'est ce qui se passe ? demandais-je.

- J'en sais rien moi, putain mon pĂšre va me tuer

Manon commençais à paniquer et je n'étais pas vraiment plus calme. A ce moment-là j'ai remarqué que ses yeux bleus virÚrent légÚrement au vert quand elle est paniquée, mais je me gardais bien de lui faire la remarque. En tout cas pas en ce moment-là. Fallait trouver une solution pour limiter les dégùts.

- Et on est censée faire quoi maintenant ? dis-je

- J'en sais rien mais faut que cette voiture redémarre! il le faut.

Elle n'arrĂȘtait pas tirer ses cheveux frisĂ©s vers l'arriĂšre comme pour les arracher et ça me faisait presque rire. AprĂšs un long moment de silence elle finit par me dire :

- Je vais appeler mon pĂšre

- T'es sûre ?

- Oui je n'ai pas le choix, on s'y connait pas du tout en voiture et on ne va pas passer la nuit ici.

En y réfléchissant bien je crois qu'on savait toutes les deux qu'il n'y avait que ça comme solution mais on ne voulait pas se l'admettre au début.

Mais appeler son pĂšre impliquait que ce dernier me ramĂšne chez moi, dise tout Ă  mes parents... Ă  cette pensĂ©e je sentis un arriĂšre-gout amer dans la bouche et toute envie de rire disparut chez moi. Comment vais-je expliquer cela Ă  mes parents ? AprĂšs, ma mĂšre me laissera-t-elle Ă  nouveau revoir Manon ? Les pensĂ©es se bousculaient dans ma tĂȘte et j'avais de plus en plus peur mais la voix de Manon me sort de cet Ă©tat songeur.

- Pardon tu m'as parlé ? lui demandais-je.

- Oui je disais qu'il valait mieux que tu partes.

- Pardon ? ça veut dire quoi ça ?

- Écoute, si mon pĂšre voit que j'Ă©tais avec toi il va le dire Ă  tes parents et il ne me laissera plus jamais te revoir. LĂ  au moins je serais punie mais tu pourras toujours me rendre visite Ă  la maison.

- Mais t'es folle ! m'Ă©nervais-je. Tu crois vraiment que je vais te laisser porter le chapeau pour nous deux ?

- ArrĂȘte de t'Ă©nerver ça ne sert Ă  rien. Au fond tu sais que j'ai raison ça ne sert Ă  rien qu'on soit punies toutes les deux rĂ©flĂ©chis un peu.

- Et pourquoi ce n'est pas toi qui partirais et moi j'attends ton pĂšre ? dis-je d'un air prudent, presque comme si j'avais peur de dire une bĂȘtise.

- Ah oui pourquoi j'y ai pas pensé tiens ! C'est logique aprÚs tout. T'es venue chez moi, t'as volé les clés de mon pÚre puis sa voiture sans que je le sache... ben voyons.

- Oui c'est vrai ce n'est pas trÚs crédible.

Oui l'idĂ©e qu'elle se fasse punir seule pour une bĂȘtise qu'on a faite ensemble me rendait malade mais c'Ă©tait de loin la moins pire idĂ©e qu'on pouvait avoir sur le coup.

J'ai donc acceptĂ©. J'ai tenu compagnie Ă  Manon jusqu'Ă  ce qu'on aperçoive la dĂ©panneuse qui devait surement venir avec son pĂšre et je suis partie vers l'arrĂȘt de bus deux rues plus loin.

Je n'arrĂȘtais pas de penser Ă  Manon et du savon qu'elle devait ĂȘtre en train de se prendre.

ArrivĂ©e Ă  l'arrĂȘt de bus, appuyĂ©e contre l'abri j'ai commencĂ© Ă  pleurer sans savoir pourquoi. Était-ce de l'empathie pour mon amie ? De la peur de ce qui pouvait m'arriver avant l'arrivĂ©e du bus ? De la peur de la rĂ©action de mes parents quand je vais tout leur raconter ? Non, non je n'allais pas leur raconter sinon je trahirais ma promesse faite Ă  Manon.

Tout Ă  coup des voix me firent sursauter. Trois jeunes qui semblaient revenir du sport s'arrĂȘtĂšrent Ă  mon niveau. Ils Ă©taient tous les trois vĂȘtus de survĂȘtements et de baskets. Le plus grand avait fait une crĂȘte avec ses cheveux noirs. Ses yeux foncĂ©s luisaient au soleil. Il avait une grosse chaine en or et semblait ĂȘtre le chef de la bande. AprĂšs m'avoir regardĂ©e de bas en haut il se tourna vers ses amis et leur dit avec un sourire assez malsain :

- Une hirondelle s'est perdue ici on dirait.

Les deux autres rirent bĂȘtement comme par complaisance pour leur chef. En ce moment-lĂ  j'avais la trouille de ma vie mais je n'ai pas pu m'empĂȘcher de glousser, j'ai toujours trouvĂ© ringard cette façon d'aborder une fille. Ce qui ne lui a pas trop plu apparemment.

- Ça te fait rire toi ? me lança-t-il furieux.

Je commençais à sentir mes mains trembler et mon cƓur battait à tout rompre. Il s'approcha alors de moi avec un regard pas trùs rassurant et me dis tout doucement avec une voix qu'il voulait sensuelle.

- Tu sais que ça peut ĂȘtre trĂšs dangereux pour une fille comme toi de trainer toute seule ici.

J'Ă©tais tĂ©tanisĂ©e et je me suis contentĂ©e de dĂ©glutir. Plus il s'approchait plus je distinguais une odeur de parfum bon marchĂ© mĂȘlĂ© Ă  la sueur. Et en y regardant de prĂšs j'ai vu que ses amis portaient des planches de skateboard, ce qui expliquerait cette odeur de transpiration.

- Qu'est-ce que t'es venue faire ici parce qu'entre nous vu comment t'es sapée tu fais tache.

Je n'avais nullement envie de rĂ©pondre. Je prĂ©fĂ©rais garder le silence tout en priant que le bus arrive au plus vite. J'avais peur comme jamais auparavant mais une partie de moi avait envie de dire aux deux autres d'arrĂȘter de jouer les bouffons et de rire Ă  chaque mot de leur maitre. J'ai prĂ©fĂ©rĂ© me taire car si j'avais une chance de m'en sortir totalement indemne ce n'est surement pas en les provoquant.

- T'es bien silencieuse dis donc, tu sais si t'es un peu « gentille » avec moi je pourrais te raccompagner jusque chez toi.

- Non merci, dis-je fébrilement.

- Ah mais t'as une langue, je commençais à désespérer

Je ne supportais plus son rire démoniaque qui accompagnait chacune de ses phrases aux arriÚres pensées perverses. Je me dis en ce moment-là « perdue pour perdue je vais les remettre à leur place et peu importe les conséquences ».

- Salut Kevin, t'as fait la connaissance de mon amie visiblement dit une voix pleine d'assurance derriĂšre moi.

J'ai ressenti du soulagement mĂȘlĂ© Ă  de la peur. Cette voix m'inspirait confiance mais aprĂšs tout je me trompais peut-ĂȘtre. Et si c'Ă©tait lui le vrai mĂ©chant dans l'histoire ? Le suspens ne pouvait plus durer ainsi. Je me suis retournĂ©e pour voir Ă  qui appartenait cette voix qui m'a redonnĂ© le sourire.

Un jeune homme de mon Ăąge environ Ă©tait Ă  deux pas de moi. Il Ă©tait de taille normale plutĂŽt svelte avec un beau sourire qui semblait ne jamais pouvoir quitter son visage. Il Ă©tait mignon et avait l'air timide. Il portait un tee-shirt Ă  longue manche blanc avec un jean noir et des baskets blanches. Il y avait vraiment quelque chose de bienveillant en lui et le petit clin d'Ɠil qu'il me fit me rassura complĂštement.

- Attends tu la connais ? beugla le fameux Kevin, chef de bande

- Ben ouais idiot c'est moi qu'elle attendait dit le jeune homme Ă  Kevin puis se tourna vers moi et ajouta Ă  mon encontre

- Désolé du retard, je finissais une bricole pour ma mÚre.

- Pas grave mais préviens la prochaine fois, lui dis-je le plus naturellement possible pour ne pas trahir ma surprise...

- Bon on s'arrache les gars dit Kevin Ă  ses acolytes et ajouta Ă  l'adresse du jeune homme en partant : toi, Ă©vite de laisser trainer tes affaires n'importe oĂč.

Le jeune ne lui prĂȘta aucune attention, il se contenta de les regarder s'Ă©loigner en silence. Quand ils disparurent Ă  la rue suivante il se tourna vers moi et s'apprĂȘta Ă  dire quelque chose mais je l'interrompis.

- Merci de m'avoir sortie de lĂ 

- Je t'en prie dit-il l'air gĂȘnĂ©. Ces trois-lĂ  c'est des vrais chahuteurs, au fond ils ne sont pas mĂ©chants mais un peu trop casse-pied quand ils s'y mettent. Je m'appelle Nabil.

- Moi c'est Angelina, mais mes amis m'appellent Angie.

- Enchanté, Angelina mais qu'est-ce que tu fais ici ?

- Je n'aime pas qu'on m'appelle Angelina lui dis en plaisantant

- Ah je m'excuse, mais je ne pouvais pas encore me considérer comme ton ami et donc je n'ai pas osé t'appeler Angie.

- C'est pas faux.

AprĂšs une minute de silence on Ă©clata de rire en mĂȘme temps comme commandĂ©s pas une force invisible. Ma main finit par lui effleurer le bras et je sentis le feu me monter aux joues. J'Ă©tais intimidĂ©e et j'avais peur qu'il remarque que je rougissais. Il l'a remarquĂ©. Mais il a prĂ©fĂ©rĂ© dĂ©tourner le regard comme s'il guettait le bus et j'en ai profitĂ© pour dĂ©tourner le sujet.

- Dis-moi Nabil, tu vis ici ?

- Oui un peu plus loin avec ma mĂšre et toi ?

- Ben moi j'habite au nord de la ville.

LĂ  je lui ai racontĂ© toute ma mĂ©saventure avec Manon et la voiture de ses parents. Jusqu'Ă  l'arrivĂ©e de Kevin et sa bande. Pendant que je parlais il se contentait de hocher la tĂȘte il avait l'air de m'Ă©couter attentivement. Quand j'eus fini je m'attendais Ă  ce qu'il me juge, me fasse la morale mĂȘme pour plaisanter, ou encore s'Ă©tonner qu'une fille prenne autant de risque mais il se contenta de sourire. Un sourire complice comme pour compatir et me rĂ©conforter. Il finit par me dire :

- Je peux rester avec toi jusqu'Ă  ce que ton bus arrive si tu veux.

J'Ă©tais gĂȘnĂ©e et surtout surprise d'une telle gentillesse de la part de quelqu'un que je ne connaissais pas il y a 1h. Au fond de moi je savais que sa proposition Ă©tait limite inespĂ©rĂ©e mais je lui ai juste dit non.

- Permets moi d'insister me dit-il avec son sourire qui le quittait jamais

- Je ne veux pas abuser, je suppose que t'es pas sorti de chez toi sans raison

- Effectivement mais je vais juste chercher du pain, ne t'en fais pas pour moi

- Dans ce cas-lĂ  je veux bien, et merci je te le revaudrai

- Ah bon ? tu comptes revenir dans mon quartier pour « payer ta dette » ?

- ArrĂȘte de te moquer de moi c'est pas gentil ça. Et puis si je suis sĂ»re de revoir un certain Nabil je reviendrais peut ĂȘtre.

Dans ma tĂȘte j'arrĂȘtais pas de prier pour qu'il me demande mon numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone mon adresse mail peu importe. J'avais vraiment envie de rester en contact avec cette personne. Mais comment se faisait-il que ce garçon que je venais de rencontrais me fasse autant d'effet ? J'avais envie de rester lĂ  Ă  lui parler de tout et de rien, de l'Ă©couter rire. J'ai l'impression qu'Ă  cĂŽtĂ© de lui on ne pouvait pas ne pas ĂȘtre jovial. J'avais hĂąte de rentrer. HĂąte de raconter ma rencontre Ă  Manon.

Manon ! Avec tout ce qui s'est passĂ© j'en ai oubliĂ© que ma meilleure amie devait vivre une triste soirĂ©e aujourd'hui. J'ai pas le droit d'ĂȘtre aussi enthousiaste, je dois ĂȘtre triste car moi aussi j'ai fait une grosse bĂȘtise.

J'aperçus au loin mon bus qui arrivait enfin et je sortis un bout de papier de mon sac y griffonnai mon numéro de téléphone et le tendis à Nabil.

- Tu voudras peut-ĂȘtre savoir si je suis bien rentrĂ©e... lui dis-je avec un petit clin d'Ɠil.

Je montai ensuite dans le bus fis signe Ă  mon nouvel ami et sentis un pincement au cƓur. En ce moment-lĂ  je ne le savais pas encore mais ma vie allait changer pour toujours. Ce garçon mystĂ©rieux que je venais de rencontrer allait bouleverser mon existence.

Il Ă©tait d'une Ă©lĂ©gance rare pour son Ăąge et son Ă©loquence digne d'un poĂšte. Ces deux choses combinĂ©es faisaient de lui un homme charismatique. Et mĂȘme si je le connaissais que depuis moins d'une heure je comprenais mieux pourquoi en une phrase il avait rĂ©ussi Ă  me tirer d'affaire. Dans le bus je n'ai pas vu le temps passĂ©, mon corps y Ă©tait mais mon esprit Ă©tait restĂ© avec Nabil. Je pensais Ă  ses cheveux courts frisĂ©s, son regard plein d'assurance mais en mĂȘme temps timide. Y avait tellement de mystĂšres autour de cet homme que j'avais envie de l'assaillir de question.

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