La petite salle aux grands films, le Pariscope prĂ©venait. Ne vous attendez pas au confort et au moelleux. Ici, tout est au service unique et principal de l'Ćuvre, des acteurs, du scĂ©nariste et du rĂ©alisateur. Un cinĂ©ma trĂŽnant majestueusement au cĆur du quartier latin. Vous, pour qui cette taverne magique et prĂ©cieuse a inspirĂ© votre jeunesse, vos envies, et votre Ă©rudition culturelle. Nul doute que des sons, des images et des odeurs viendront titiller et filtrer vos sens encore en Ă©veil. Une anecdote ou un choc culturel resurgira comme un livre oubliĂ© dans la bibliothĂšque des parents, ou une lettre inachevĂ©e dans un grenier poussiĂ©reux. Pendant plus de quarante annĂ©es, une famille unie et mobilisĂ©e vous a tendu ses mains expertes, afin de vous offrir quelques heures de grĂące au temps suspendu, face Ă celui qui court toujours trop vite. L'auteur a tentĂ© de jalonner ce riche pĂ©riple, d'une mĂ©moire reconstituĂ©e souvent juste et prĂ©cise, mais parfois, peut-ĂȘtre, lĂ©gĂšrement approximative par l'Ă©loignement et l'usure du temps, sans doute mĂȘme, rĂȘvĂ©e, comme un scĂ©nario idĂ©alisĂ© Ă PROPOS DE L'AUTEUR Dominique Charlot aime la phrase de Pessoa : « La littĂ©rature est la preuve que la vie ne suffit pas » et croit Ă l'Ă©motion que provoquent les mots, au-delĂ de leur signification littĂ©rale.
Préface
C'Ă©tait un message, il y a trois semaines :
« ça y est Claude, mon livre sur le Champo est terminé... J'aimerais beaucoup que tu fasses la préface ! »
TrÚs flatté bien sûr, mais aussi trÚs angoissé : quand aurais-je le temps de faire cela sans bùcler ?
Et quoi ?!
Dominique ne comprend-il pas que nous sommes en pleine tempĂȘte, nous, les derniers petits cinĂ©mas indĂ©pendants parisiens ?
Combien de temps m'appellera-t-on encore « Le dernier des Mohicans », comme le fit une fois en riant Marie-Louise Troadec, dont la famille tenait le Cluny Ăcoles, juste en face du Champo ?
C'est plus que « Grand Frais » pour le cinéma en ce moment « Post Confinements-Covid », et au Saint Michel, c'est genre « Capitaine Carlsen » seul sur son rafiot en 1951 qu'on arrivait pas à remorquer sur la Manche déchaßnée.
Ou Buster Keaton dans « Steamboat Bill Junior » : on passe son temps à réparer en attendant que ça casse ailleurs.
Pour les petites salles indépendantes qui ont survécu au quartier latin comme le Champo et le Saint-Michel, depuis les années 50 à 80 et aujourd'hui, ça a pas mal changé...
Les Ă©crans trĂŽnent de plus en plus seuls face aux tĂȘtes clairsemĂ©es de quelques amateurs survivants du 7eArt, comme ces espĂšces mal protĂ©gĂ©es en voie de disparition.
Plus besoin de demander Ă la dame ou au monsieur devant de retirer son chapeau ou de baisser un peu la tĂȘte pour voir le film...
Mais pas grave, il faut le faire !
Dominique est plus qu'un ami.
Lui, quinze ans de moins que moi, littéraire Khùgneux à Henri IV, et moi matheux Taupin à Louis-le Grand, pas pareil ?
Mais nous avons quelque chose de commun qui est plus que rare : nous faisons partie de ce petit club : « Les imprégnés du cinéma ».
LĂ oĂč les oies de Lorentz apprenaient Ă voler avec leur maĂźtre, nous, nous avons appris la vie avec le cinĂ©ma.
Et notre Lorentz à nous avait plusieurs noms dont je ne peux citer au hasard que quelques-uns, sans nommer les réalisateurs qu'on ne voit pas quand on a neuf ans :
Louis Jouvet, Arletty, Clark Gable, Ava Gardner, GĂ©rard Philippe, Gina Lollobrigida, Gary Grant, Grace Kelly, Fernandel, Jean Gabin et Yves Montand, Micheline Presle et Danielle Darrieux, Simone Signoret...
Imprégnés de cinéma.
Dominique Charlot, dans son appartement au-dessus du Champo qui collait son oreille sur le parquet pour entendre Charlotte Rampling dans « Portier de nuit » de Lilia Cavani projeté dans la salle en dessous.
Et Claude Gérard, qui, quinze ans plus tÎt, se planquait derriÚre l'écran du Saint-Michel pour voir Pascale Petit et Jacques Charrier dans « Les Tricheurs » de Marcel carné.
Et tous les deux, dÚs neuf ans, qui sortions de l'école de la rue Saint-Jacques pour nous précipiter dans la salle de cinéma, une fois les devoirs faits et la récitation bien apprise et récitée à notre mÚre...
Vous allez comprendre en lisant ce livre ce que voulait dire le cinéma, il y a quarante ans :
Le pÚre de Dominique, Monsieur Marcel comme nous l'appelions alors, c'était le Papa du Champo, depuis les années 50 quand il en est devenu Directeur tout en restant Chef projectionniste.
Le Papa d'un petit cinĂ©ma d'auteur indĂ©pendant, j'ai appris ce que ça veut dire au Saint-Michel depuis que mon pĂšre m'en a confiĂ© les rĂȘnes en 1986.
Cela implique beaucoup d'humilité, de respect, et d'exigence par rapport au public, et c'est ce que Dominique Charlot s'applique à décrire dans ce que vous allez lire.
Ce cinéma que j'ai connu dans mon enfance et que j'essaie de faire vivre encore.
Ce cinéma, c'était la famille, l'amitié qu'il ne faut pas confondre avec le paternalisme, mais aussi la rigueur, l'exigence et la précision, comme la copie dont on devait savoir le métrage exact et l'état à sa sortie du stock.
Tous ensemble, avec un seul but : que les spectateurs ressortent heureux de la salle.
Comme au cirque ou au théùtre.
Ne pas se louper...
Aujourd'hui, c'est le clic sur une souris !
à cette époque, c'était la recherche de la perfection pour le projectionniste confirmé, et l'angoisse pour le débutant, tout seul là -haut dans sa cabine : ne pas rater le départ, ne pas rater le changement de partie d'un projecteur à l'autre, et le niveau du son...
Et c'était aussi l'indescriptible jubilation, comme le dit si bien Dominique Charlot, quand on voyait à travers le hublot de la cabine que ça « marchait » dans la salle, et que, à la sortie, les gens étaient heureux, qu'ils avaient connu « l'osmose et le plaisir partagé ».
Il n'y a qu'en famille qu'on peut faire ça.
Et toutes ces familles de petits cinĂ©mas indĂ©pendants se retrouvaient dans la grande famille du cinĂ©ma, de l'ouvreuse au comĂ©dien le plus cĂ©lĂšbre de l'Ă©poque, Ă l'occasion de rituels festifs annuels comme la « FĂȘte des ReprĂ©sentants de films » Ă l'HĂŽtel de la Paix Ă cĂŽtĂ© de l'OpĂ©ra et « l'Arbre de NoĂ«l » au Gaumont Palace place Clichy.
Pour Dominique, l'Arbre de NoĂ«l, c'Ă©tait « 20â000 lieues sous les mers » et l'apparition de Charles Spencer Chaplin Ă l'issue de la sĂ©ance.
Pour moi, quinze ans plus tÎt, c'était « Peter Pan » et la visite de Fernandel.
Et ce qui Ă©tonnerait peut-ĂȘtre encore plus les gens du cinĂ©ma d'aujourd'hui, c'est que finalement, dans cette grande famille, tout le monde ne s'entendait pas trop mal et ne cherchait pas Ă se faire de l'ombre.
Le Champo faisait ses films, le Cluny Ăcoles, le Boul'Mich, le Latin et le Saint-Michel faisaient chacun les leurs.
On ne se marchait pas sur les pieds, on se respectait : ça ne venait pas à l'idée de piquer un film à un autre.
Le Saint-Michel ne cherchait pas Ă piquer un film « Warner » ou « Fox » au Champo ou au Cluny-Ăcoles, et le Champo faisait pareil pour un film « Corona » au Saint-Michel.
Et c'était simple : quand je voulais voir un film qui ne passait pas au Saint-Michel, mon pÚre « Monsieur Jean » appelait le pÚre de Dominique « Monsieur Marcel » pour qu'il me mette un exo à la caisse.
La palette du Champo Ă©tait riche en chefs-d'Ćuvre classiques : DrĂŽle de drame, Certains l'aiment Chaud, Helzapopinn, M le Maudit François 1er, Fric Frac, To be or not to be, l'Idiot, HĂŽtel du Nord, Les visiteurs du soir...
Sans oublier les Chaplin et les Marx Brothers.
Imprégnés de cinéma...
Le seul problÚme en ce qui me concerne, c'est que quand j'osais citer un film dans une rédaction à l'école, voir une dissertation au début du lycée à Montaigne jusqu'à la 3e, on me soulignait le titre en rouge pour me dire que ce n'était pas une bonne référence...
Dominique, quinze ans plus tard, n'a peut-ĂȘtre pas connu cela : RenĂ© Clair, entre-temps, Ă©tait devenu acadĂ©micien.
La grande famille du cinéma bat de l'aile, et c'est un peu la Mort du Cygne :
Aujourd'hui, à quelques exceptions prÚs, l'ambiance parisienne du cinéma rappelle plus « Gangs of New York », ou « The Irish Man » de Martin Scorsese qu'un film de Marcel Pagnol.
Et comme le dit Dominique dans ce que vous allez lire, « Le rendement et le profit ont succĂ©dĂ© au bien-ĂȘtre ».
Alors, fini le cinéma de Papa ?
Bien sûr que non !
J'ai dit à une bonne amie distributrice de films au début de l'année :
« 2021, l'annĂ©e oĂč ça passe ou ça casse ! »
Il reste donc un peu plus de deux mois pour que ça passe, mais vous verrez, ça passera !
Et maintenant, « Soir » en cabine, ouverture du rideau...
Bonne séance de lecture !
Claude GĂ©rard,
Espace Saint-Michel
Ă vous tous...
« Un jour, je m'Ă©tais sauvĂ© de chez mes parents et je ne savais pas exactement ce que j'allais faire. Au fond, je partais en vagabondage ! Je passe donc chez un copain qui pouvait m'aider, m'hĂ©berger ; manque de chance, il n'Ă©tait pas lĂ . Comme il fallait que je lui fixe un rendez-vous, j'ai choisi le film que je prĂ©fĂ©rais et qui se jouait cette semaine-lĂ : le roman d'un tricheur.Et je lui ai dit que je serai toute la journĂ©e au Champollion... J'Ă©tais passĂ© chez lui Ă midi, Ă deux heures, j'Ă©tais au cinĂ©ma Le Champollion et j'Ă©tais prĂȘt Ă y rester jusqu'Ă sept ou huit heures du soir jusqu'Ă ce qu'il me rejoigne : c'Ă©tait un endroit oĂč j'Ă©tais en sĂ©curitĂ© ! On peut me dire ce qu'on veut sur Guitry, ce jour-lĂ , c'Ă©tait un ami chez qui j'avais trouvĂ© refuge ! »
François Truffaut
Chapitre 1 No.1
01/03/2022
Chapitre 2 No.2
01/03/2022
Chapitre 3 No.3
01/03/2022
Chapitre 4 No.4
01/03/2022
Chapitre 5 No.5
01/03/2022
Chapitre 6 No.6
01/03/2022
Chapitre 7 No.7
01/03/2022
Chapitre 8 No.8
01/03/2022
Chapitre 9 No.9
01/03/2022
Chapitre 10 No.10
01/03/2022
Chapitre 11 No.11
01/03/2022
Chapitre 12 No.12
01/03/2022
Chapitre 13 No.13
01/03/2022
Chapitre 14 No.14
01/03/2022
Chapitre 15 No.15
01/03/2022
Chapitre 16 No.16
01/03/2022
Chapitre 17 No.17
01/03/2022
Chapitre 18 No.18
01/03/2022
Chapitre 19 No.19
01/03/2022
Chapitre 20 No.20
01/03/2022
Chapitre 21 No.21
01/03/2022
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