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Ne te retourne pas

Ne te retourne pas

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Chapitres

Ella est une Ă©tudiante qui a tout pour ĂȘtre heureuse. Une jeune fille de bonne famille, mystĂ©rieuse et lumineuse. Pourtant, elle se mĂ©fie de cet homme assis sur la terrasse d'un cafĂ© et qui la regarde ; des phĂ©nomĂšnes inhabituels qui viennent troubler la plĂ©nitude de son quotidien. TiraillĂ©e entre les accusations qu'elle profĂšre et sa famille inquiĂšte qui tente de lui faire entendre raison, Ella se montrera Ă  la fois fragile et forte pour comprendre l'inexplicable. La rencontre d'un jeune danseur, AndrĂ©, viendra changer le cours de sa vie. Biographie de l'auteur Caroline Hourcade est une Ă©crivaine qui donne Ă  lire plusieurs titres dont Parfum de vanille paru en 2009. C'est de sa main que naissent ces intrigues qui amĂšnent le lecteur aux liens Ă©troits que tissent les rapports humains. Dans Ne te retourne pas, elle pousse le vice Ă  l'extrĂȘme pour montrer, une fois encore, qu'il n'y a nulle place pour le hasard dans la vie.

Chapitre 1 No.1

À mes enfants,

Ma fille, je cherche les mots...

Ils n'y sont pas.

Ils n'existent sûrement pas.

Ou plutĂŽt, c'est moi qui n'en trouve aucun Ă  la hauteur.

Simplement, merci.

Mon fils, si intimement lié à moi

durant ce temps d'Ă©criture, en symbiose vitale.

Au papa de mes enfants :

Afraid Of Everyone, The National

Then I'm radio and then I'm television

I'm afraid of everyone, I'm afraid of everyone

Lay the young blue bodies, with the old red violets

I'm afraid of everyone, I'm afraid of everyone

With my kid on my shoulders I try

Not to hurt anybody I like

But I don't have the drugs to sort

I don't have the drugs to sort it out, sort it out

I defend my family with my orange umbrella

I'm afraid of everyone, I'm afraid of everyone

With my shiny new star spangled tennis shoes on

I'm afraid of everyone, I'm afraid of everyone

With my kid on my shoulders I try

Not to hurt anybody I like

But I don't have the drugs to sort

I don't have the drugs to sort it out, sort it out

I don't have the drugs to sort

I don't have the drugs to sort it out, sort it out

Your voice has stolen my soul, soul, soul

Your voice has stolen my soul, soul, soul.

Chapitre 0

Les fillettes chantaient Ă  tue-tĂȘte. Elles Ă©taient l'une face Ă  l'autre et continuaient de se taper dans les mains en criant haut et fort « Trois p'tits chats, trois p'tits chats, trois p'tits chats, chats, chats, chapeau de paille, chapeau de paille, chapeau de paille, paille, paille, paillasson, paillasson, paillasson, son, son, somnambule, somnambule...». Elles ne s'arrĂȘtaient pas. La boucle ne se refermait jamais. C'Ă©tait un peu comme une peluche automate qui rĂ©pĂ©tait sans cesse les mĂȘmes phrases jusqu'Ă  ce que l'on appuie sur le bouton off. La plus grande des filles, la troisiĂšme, sautait frĂ©nĂ©tiquement Ă  la corde Ă  sauter.

En premier, c'est le ballon qui avait roulĂ©, au loin. Puis, c'est l'enfant qui lui avait couru aprĂšs. Elle avait spontanĂ©ment abandonnĂ© son jeu de mains pour le suivre. Elle s'Ă©tait dĂ©tachĂ©e du groupe. On entendait encore la mĂ©lodie s'assourdir sur son chemin. DerriĂšre la haie, elle l'avait vu. Le ballon s'Ă©tait enfin arrĂȘtĂ©. L'enfant s'Ă©tait approchĂ© et lorsqu'il s'Ă©tait relevĂ© avec l'objet de la providence entre ses mains, il avait penchĂ© la tĂȘte pour y voir un peu plus clair. À pas de loup, il s'Ă©tait avancĂ© et l'avait aperçu derriĂšre les feuillages, ce grand camion blanc masquĂ©. Ses portes Ă  l'arriĂšre Ă©taient entiĂšrement ouvertes. Une image Ă©tait venue se coller devant les yeux de l'enfant qui s'Ă©tait immĂ©diatement dĂ©tournĂ©. Il avait couru Ă  toute jambe rejoindre le groupe. Dans la prĂ©cipitation, il avait fait tomber Carrie, sa poupĂ©e de toujours.

Chapitre 1

- Non, non et non ! Je ne suis absolument pas d'accord avec toi ; je te dis qu'ils Ă©taient lĂ  et qu'ils n'Ă©taient pas nets !

Et elle sortit de la chambre en claquant la porte.

Comme bon nombre de fois oĂč Jonathan et Ella abordaient ce sujet, cela finissait ainsi, par un claquement de porte. En gĂ©nĂ©ral, la plupart du temps, enfin quasiment tout le temps, c'Ă©tait Jonathan qui entendait retentir encore dans sa tĂȘte pendant plusieurs secondes, le bruit net et puissant d'une porte claquĂ©e dans la piĂšce. Comme une porte qui claque avec un courant d'air, elle Ă©tait poussĂ©e avec force. Elle, s'Ă©loignait toujours Ă  grands pas, laissant derriĂšre, le jeune homme enfermĂ©, dans la piĂšce et dans un silence nouveau.

Jonathan ne s'Ă©tonnait plus des rĂ©actions de sa sƓur ; il savait qu'elle Ă©tait comme ça. C'Ă©tait trop difficile pour elle de contrĂŽler ses Ă©motions. Il ne lui en voulait pas pour son geste. Et puis, ce sujet la rendait tellement nerveuse. Il le savait. Ce n'Ă©tait pas ça qui le dĂ©rangeait le plus, c'Ă©tait autre chose.

Il resta alors un moment, sans un mouvement, figé derriÚre cette porte qui l'enfermait à présent. Il ne laissait apparaßtre aucun sentiment. Il semblait réfléchir. Il se retourna enfin, fit quelques pas en direction du bureau, s'assit sur la chaise, et prit son téléphone portable posé dessus. Il avait promis qu'il lui dirait quelque chose. Il se devait de le faire. Il mit un peu de temps, et finit par sélectionner le nom « PIERRET » sur son écran, avant d'appuyer sur la touche Appel.

- Jonathan Leroux... Ça va, elle reste lucide.

Et il raccrocha aussi vite.

Quelques minutes avaient baignĂ© dans le silence. Jonathan s'Ă©tait approchĂ© de la table de chevet pour soulever la lampe surĂ©levĂ©e par un album photo et s'Ă©tait emparĂ© de l'album. S'il Ă©tait amenĂ© Ă  chercher quelque chose, ce serait certainement lĂ  qu'il le trouverait. Il tournait les pages qui dĂ©filaient sous ses yeux, en allant vers l'avant puis vers l'arriĂšre de l'album. Parfois, il s'arrĂȘtait sur une photo, avançait sa tĂȘte comme pour mieux voir et continuait de tourner. Quelques articles de journaux dĂ©coupĂ©s avec des photos en noir et blanc Ă©taient collĂ©s sur des feuilles volantes. Beaucoup Ă©taient de sport, avec des mĂ©daillĂ©s de natation. Il y avait aussi des rĂ©sultats avec des records de distance et de temps Ă©crits Ă  la main. Non, rien ne l'interpellait. C'Ă©tait un album photo imprĂ©gnĂ© de poussiĂšres, faut dire qu'il n'avait pas Ă©tĂ© ouvert depuis des lustres. On y trouvait sa sƓur, Ella et lui, gamins, sur une table de pique-nique, en balade en forĂȘt, ou mĂȘme en vacances Ă  la mer avec leurs parents. Leur mĂšre donnait toujours l'impression de quelqu'un de trĂšs chic ; dĂšs les premiers rayons de soleil venus, elle arborait un maillot de bain une piĂšce avec cette classe naturelle et Ă©lĂ©gante de certaines femmes riches, coiffĂ©e d'une capeline et munie d'une ombrelle. Leur pĂšre Ă  cĂŽtĂ© paraissait imposant. Sans doute, sa grande taille y Ă©tait pour quelque chose.

Jonathan continuait de tourner, prĂ©occupĂ© Ă  chercher une chose qu'il ne pensait pourtant pas exister. C'Ă©tait perdu d'avance. Ce qu'elle affirmait ne pouvait ĂȘtre vrai. Il se dit alors que si sa sƓur Ă©tait revenue Ă  ce moment-lĂ , qu'elle l'avait trouvĂ© comme ça, le nez dans ce vieil album photo, elle aurait pensĂ© qu'il lui donnait raison. Il en aurait Ă©tĂ© embĂȘtĂ© car ce n'Ă©tait pas ce qu'il voulait qu'elle croie.

Donc sans savoir ce qui l'y poussait, Jonathan ne cessait de faire dĂ©filer les pages du vieil album photo frĂ©nĂ©tiquement. Objet de lointaines rĂ©miniscences, chaque photo Ă©tait dĂ©cryptĂ©e pour en faire remonter un maximum de souvenirs Ă  sa mĂ©moire. Difficile. Il Ă©tait perdu dans un temps si vague. Les choses se prĂ©cisĂšrent lorsque son regard se posa sur une photo particuliĂšre. Il eut l'image d'une premiĂšre ombre du passĂ©. C'Ă©tait une photo qui paraissait une des plus anodines ; son pĂšre, sa mĂšre, sa sƓur et lui, Ă  la terrasse d'un cafĂ©, sirotant des boissons fraĂźches sous un parasol rayĂ© jaune, lors de vacances dans le Gers. Les enfants avaient 6 et 8 ans. Il se souvint alors de la crise de larmes de sa sƓur juste aprĂšs cette photo : elle s'Ă©tait mise Ă  taper des mains et des pieds, en criant de pleurs que des personnes l'espionnaient, lors de ce moment considĂ©rĂ© paisible en famille. Ses parents avaient tĂąchĂ© de la calmer, et de la rassurer difficilement cet aprĂšs-midi-lĂ . Par l'image de ce souvenir, Jonathan se sentit Ă©branlĂ©, bousculĂ©. Il se mit alors Ă  froncer les sourcils.

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