Elias était l'un des Alphas les plus redoutés du territoire, un leader fort et impitoyable. Mais il a tout perdu en une nuit. Trahi par ceux en qui il avait confiance, il a été chassé de sa propre meute et laissé pour mort. Pendant des années, il a vécu dans l'ombre, accumulant force et vengeance. Mais il n'a pas seulement perdu son trône. Il a aussi perdu Isolde, sa compagne. Celle qu'il a abandonnée, pensant la protéger d'un destin funeste. Lorsqu'il apprend qu'elle est sur le point d'être mariée de force à son plus grand ennemi, Elias sait qu'il ne peut plus rester dans l'ombre. Il doit reprendre ce qui lui appartient. Isolde, cependant, n'est plus la jeune louve qu'il a laissée derrière lui. Elle a souffert, elle a grandi, et elle refuse de redevenir la femme qui l'attendait autrefois. Si Elias veut la reconquérir, il devra prouver qu'il est digne d'elle... et d'un second règne.
La Chute de l'Alpha fut aussi brutale qu'inattendue.
Elias sentit le sol trembler sous ses pieds avant même que la douleur ne vienne. Son souffle saccadé s'accrocha à la nuit, son regard passant de visage en visage, à la recherche d'une once de loyauté. Mais il n'y avait que l'éclat métallique des épées, la promesse silencieuse d'une exécution implacable.
- Pourquoi ? lâcha-t-il dans un souffle rauque.
Son propre bêta, celui qu'il avait toujours traité comme un frère, s'avança, le regard vide de toute émotion. Luther. Ce nom résonna dans sa tête comme une condamnation. Elias ne vit pas le coup venir, pas immédiatement. Il ne ressentit d'abord que l'odeur du sang. Le sien. Chaud, épais, coulant le long de son flanc.
- Tu es faible, Elias. Depuis que tu as rencontré cette femme, tu n'es plus le loup que nous avons suivi.
La lame se retira lentement de sa chair, lui arrachant un râle de douleur. Il posa un genou à terre, haletant, tandis que les silhouettes autour de lui semblaient se resserrer, un cercle mortel se refermant sur son Alpha. Son instinct lui criait de riposter, mais son corps refusait d'obéir.
- Isolde n'a rien à voir avec ça, cracha-t-il entre ses dents.
Il savait que c'était un mensonge. Depuis qu'il avait trouvé sa compagne, quelque chose en lui avait changé. Moins impitoyable. Moins aveugle aux souffrances de ceux qu'il dirigeait. Mais était-ce une faiblesse ?
Un rire méprisant s'éleva.
- Regarde-toi. À genoux. Tu n'es plus digne d'être notre Alpha.
D'autres voix approuvèrent, des murmures d'abord, puis un rugissement unanime. Ils l'avaient condamné bien avant cette nuit. Son cœur se contracta sous le poids de la trahison. Il tenta de se relever, mais une nouvelle douleur explosa dans son dos. Un choc brutal, une puissance surnaturelle. La magie. Il ne comprit que trop tard ce qu'ils avaient osé faire.
Une brûlure atroce se répandit sur sa peau. Un symbole lumineux s'inscrivait dans sa chair, s'étalant depuis l'impact entre ses omoplates. Il hurla. Un cri animal, rauque et déchirant. L'odeur de sa propre chair calcinée emplit l'air. Le fer rouge s'enfonça plus profondément, gravant l'infamie en lui. Ce sceau, il le connaissait. Il le haïssait.
- Un Alpha déchu, prononça Luther avec une satisfaction perverse. Marqué comme un traître.
Elias suffoqua. Il voulait arracher cette marque, effacer l'insulte. Mais c'était impossible. Elle était en lui, désormais. Un poids invisible, un fardeau qu'il ne pourrait jamais déposer.
Il leva un regard voilé de douleur vers ses anciens frères. Il chercha un visage familier, un souvenir d'un temps où il croyait encore en eux. Rien. Juste l'implacable réalité de son échec.
- Va-t'en, Elias, ordonna Luther d'une voix froide. Et ne reviens jamais.
Le silence qui suivit fut plus cruel que les lames.
Il aurait pu se battre. Il aurait pu mourir en guerrier. Mais une image s'imposa à son esprit, balayant toute autre pensée : Isolde. Sa compagne. Si elle le voyait ainsi, détruit, abattu...
Non.
Sans un mot, il tourna les talons. Chaque pas lui coûtait une éternité. Il sentit leurs regards brûler son dos, leur mépris peser sur ses épaules. Son souffle était rauque, sa démarche vacillante, mais il ne tomba pas.
Il quitta son propre territoire, le froid de la nuit mordant sa peau marquée.
Il laissa derrière lui son passé, sa meute.
Il laissa derrière lui Isolde.
L'ombre d'Elias hantait encore ce monde, même si tous le croyaient mort.
Cinq ans. Un battement de cils pour un loup-garou. Une éternité pour un homme brisé. Elias n'était plus un Alpha, plus même un membre de sa propre meute. Il n'était qu'un fantôme errant, une silhouette dissimulée entre les arbres sombres des territoires oubliés. Le vent glacial fouettait sa peau, mordant sa chair exposée. Il ne ressentait ni le froid ni la douleur. Plus maintenant.
Son corps portait encore les stigmates de cette nuit maudite. La marque brûlée dans son dos le démangeait parfois, un rappel cruel de ce qu'il avait perdu. Il avait tenté de l'effacer, d'arracher la peau jusqu'au sang, mais la magie était plus forte que lui. Il l'avait gravée dans sa chair et dans son âme.
Il inspira profondément, les sens en éveil. Quelque chose rodait dans l'ombre.
Un grognement sourd résonna entre les arbres. Elias tourna lentement la tête, analysant la menace avant même qu'elle ne se montre. La créature jaillit des ténèbres, massive, tordue, sa peau sombre comme le charbon, ses yeux injectés de sang. Un wendigo.
- Tu as choisi le mauvais adversaire, murmura Elias en fléchissant légèrement les jambes.
La bête poussa un cri strident avant de se jeter sur lui. Elias ne bougea qu'au dernier instant. Son corps réagit avec une précision surnaturelle, esquivant de justesse la masse décharnée du monstre. Il roula sur le sol et se redressa aussitôt, lame en main.
Le combat fut bref. Sauvage.
Son couteau s'enfonça profondément sous la mâchoire du wendigo, tranchant les ligaments et la chair en un seul mouvement fluide. La bête se débattit, un gargouillement d'agonie s'élevant de sa gorge, puis s'effondra dans un fracas sinistre. Elias se recula, haletant, couvert de sang noirâtre.
- Toujours aussi rapide, fit une voix derrière lui.
Il pivota brusquement, sa lame prête à frapper. Mais la silhouette qui se tenait là, en bordure de la clairière, leva les mains en signe de paix.
- Ce n'est pas une façon d'accueillir un vieil ami, Elias.
- Je n'ai plus d'amis, grogna-t-il.
L'homme s'avança. Grand, élancé, avec un regard acéré. Dorian. L'un des rares mercenaires surnaturels capables de survivre seuls dans ce monde hostile.
- Il y a une humaine en danger, annonça-t-il. Je me suis dit que ça pourrait t'intéresser.
Elias haussa un sourcil.
- Depuis quand je me soucie des humains ?
Dorian sourit en coin.
- Depuis qu'ils sont traqués par les chasseurs de loups.
L'information fit naître un frisson de rage au creux de son ventre. Les chasseurs étaient devenus plus audacieux ces dernières années. Ils ne se contentaient plus de s'attaquer aux loups solitaires ou aux petites meutes.
- Où ?
- À l'est, près des ruines.
Elias n'hésita pas.
Le vent s'engouffra dans ses cheveux alors qu'il courait à travers la forêt. Ses pieds effleuraient le sol, rapides, silencieux. Il sentait la présence humaine avant même de l'apercevoir. Son cœur battit plus fort à l'odeur du sang et de la peur.
La scène se dévoila en un instant : un homme au fusil braqué sur une jeune femme, son corps tremblant sous la menace. Ses cheveux sombres cascadaient en désordre sur ses épaules, son visage marqué par l'épuisement. Mais c'était son regard qui attira l'attention d'Elias. Déterminé. Prêt à se battre malgré sa vulnérabilité.
- Sale monstre, cracha le chasseur.
Il tira.
Elias bondit. L'impact le projeta en arrière, mais il ignora la douleur. Sa main saisit l'arme, la brisant en un mouvement sec. Le chasseur n'eut pas le temps de réagir avant qu'Elias ne lui brise la nuque d'un geste net.
Un silence pesant s'installa.
La femme le fixait, haletante.
- Tu es un loup, murmura-t-elle.
- Et toi, une humaine qui traîne là où elle ne devrait pas.
Il s'attendait à la peur, à la panique. Mais elle ne recula pas.
- Tu m'as sauvé.
Il plissa les yeux.
- Ne me remercie pas trop vite.
Elle détourna le regard et ramassa un objet tombé au sol. Une lettre, pliée avec soin. Elias fronça les sourcils.
- Qu'est-ce que c'est ?
Elle hésita une fraction de seconde. Juste assez pour éveiller sa méfiance.
- Rien d'important.
Il arracha le papier de ses mains avant qu'elle ne puisse le ranger. Son regard parcourut les lignes tracées à l'encre sombre.
Puis son cœur s'arrêta.
Isolde.
Le nom se détachait, net, indélébile. Et juste en dessous, une phrase qui fit bouillonner son sang.
"Préparatifs du mariage en cours."
Elias sentit le monde vaciller. Cinq ans. Cinq ans sans un mot, sans un signe d'elle. Et maintenant, elle allait se marier.
- Qui t'a donné ça ? gronda-t-il en relevant un regard brûlant sur la femme.
Elle hésita, puis souffla :
- Kael.
Le nom explosa dans son esprit comme une détonation. Son ennemi. L'usurpateur.
Un grondement sourd monta de sa gorge.
Elias serra la lettre entre ses doigts.
Si Isolde pensait qu'il était mort...
Si elle croyait pouvoir l'oublier...
Elle se trompait.
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