Les lustres scintillaient comme une mer d'étoiles au plafond, projetant une lumière dorée sur les visages parfaitement maquillés des invités. Les murmures feutrés et le tintement des coupes de champagne emplissaient l'immense salle de bal, donnant l'impression d'une symphonie de luxe et de futilité. Mia se tenait près de la table centrale, un sourire impeccable figé sur ses lèvres, son regard balayant la foule avec une indifférence soigneusement maîtrisée.

Elle portait une robe émeraude aux lignes élégantes, conçue sur mesure par un créateur parisien, et ses cheveux étaient relevés en un chignon savamment décoiffé, laissant quelques mèches encadrer son visage. On aurait pu croire qu'elle était au sommet du monde. En réalité, elle se sentait prisonnière. Chaque sourire échangé, chaque poignée de main lui semblait mécanique, dénuée de toute sincérité. Elle était la fille de Victor Delacroix, après tout, et cela signifiait un rôle à jouer.

Sophie s'approcha d'elle, son éternel verre de vin rouge à la main. Elle portait une robe pourpre qui contrastait avec son teint pâle et ses cheveux noirs.

- On pourrait croire que tu t'amuses presque, lança Sophie avec un sourire sarcastique.

Mia haussa légèrement les sourcils, son sourire de façade s'élargissant à peine.

- J'essaie de donner le change, répondit-elle. Ce n'est pas comme si j'avais le choix.

Sophie la regarda un instant, son expression mêlant compassion et une pointe de jalousie mal dissimulée.

- Tu sais, beaucoup tueraient pour être à ta place, dit-elle doucement. Regarde autour de toi. Tout le monde ici t'envie. Et toi, tu fais quoi ? Tu broies du noir.

Mia détourna les yeux, son regard se perdant dans la foule.

- Ils envient ce qu'ils voient, Sophie. Pas ce que c'est vraiment.

Avant que Sophie ne puisse répondre, un serveur s'arrêta près d'elles, proposant des amuse-bouches. Mia secoua doucement la tête, et Sophie saisit une petite assiette en souriant.

- Moi, je prends. Après tout, pourquoi pas profiter un peu ?

Mia ne répondit pas. Son esprit était ailleurs. Elle observait son père, Victor, en pleine discussion avec un groupe d'hommes en costume sombre. Son visage était impassible, mais elle connaissait cette posture. Son père orchestrait quelque chose. C'était toujours le cas. Dans cet univers, rien n'était laissé au hasard, et tout avait un but précis.

Elle sentit un pincement au cœur en pensant à la conversation qu'ils avaient eue plus tôt dans la journée, juste avant le gala.

- Tu dois comprendre, Mia, avait-il dit en s'appuyant sur son bureau en acajou, l'air grave. Ton avenir n'est pas uniquement le tien. Il concerne notre famille. Tout ce que j'ai construit, tout ce que ta mère et moi avons sacrifié... c'est pour toi.

Mia avait croisé les bras, tentant de masquer son irritation.

- Tu veux dire que c'est pour l'image de la famille, avait-elle répondu froidement. Ce n'est pas la même chose.

Victor avait soupiré, son regard devenant plus dur.

- Je ne te demande pas la lune, Mia. Seulement de trouver quelqu'un digne de toi. Quelqu'un qui partage nos valeurs et notre vision.

Elle avait secoué la tête, exaspérée.

- Tu veux dire quelqu'un qui partage *tes* valeurs et *ta* vision.

- Si tu crois que tu peux te permettre de choisir un homme qui n'a pas sa place ici, tu te trompes lourdement. Nous avons déjà assez de rumeurs à gérer.

La conversation lui revenait maintenant en mémoire comme une vieille blessure qui refusait de se refermer. Elle savait que son père n'était pas entièrement mauvais. Mais son obsession pour le contrôle la dévorait, et elle était toujours la première à en payer le prix.

Un éclat de rire attira son attention. Un groupe d'hommes riaient autour d'un invité qu'elle n'avait encore jamais vu. Il était grand, vêtu d'un costume qui semblait élégant mais sans prétention. Ses cheveux légèrement en bataille et son air détendu contrastaient avec la rigidité des autres invités. Mia fronça les sourcils. Ce n'était pas le genre de personne qu'on voyait souvent dans ce genre d'événements.

- Qui est-ce ? murmura-t-elle à Sophie.

Sophie haussa les épaules.

- Aucune idée. Mais il est mignon, pas vrai ? Un peu trop... simple, peut-être. Il ne doit pas venir de notre cercle.

Mia ne répondit pas. Elle ne pouvait s'empêcher de le regarder. Quelque chose dans son attitude détonait. Il semblait étranger à tout cet apparat, comme s'il n'appartenait pas vraiment à ce monde. Et pourtant, il semblait parfaitement à l'aise.

Victor s'approcha d'elle à ce moment-là, un sourire calculé sur le visage.

- Mia, viens. Je veux te présenter quelqu'un.

Elle sentit un frisson de contrariété, mais elle obéit, comme toujours. Victor la conduisit vers un couple d'âge moyen, riches mécènes connus pour leur influence dans les cercles artistiques. Elle échangea les politesses habituelles, hochant la tête aux compliments adressés à son apparence et à son implication caritative. Mais son esprit restait distrait. Elle jetait des coups d'œil furtifs vers l'inconnu.

Quelques minutes plus tard, elle trouva une excuse pour s'éloigner. Elle avait besoin d'air. Traversant la salle avec élégance, elle se glissa sur la terrasse, où la fraîcheur de la nuit offrait un répit bienvenu.

Elle n'était pas seule. L'inconnu était là, appuyé contre la balustrade, une coupe de champagne à la main. Il tourna la tête en entendant ses pas et lui adressa un sourire.

- J'imagine que je ne suis pas le seul à avoir besoin d'une pause, dit-il.

Mia hésita un instant, puis s'approcha lentement.

- Ces soirées peuvent être... étouffantes, répondit-elle, choisissant ses mots avec soin.

Il hocha la tête, ses yeux fixant les siens avec une intensité surprenante.

- Vous avez l'air de quelqu'un qui connaît bien ce genre de soirées.

Elle haussa les épaules, un sourire énigmatique sur les lèvres.

- Et vous, alors ? Vous ne semblez pas vraiment à votre place ici.

Il rit doucement, un rire sincère, dénué de la condescendance qu'elle entendait souvent.

- Disons que j'ai mes raisons d'être là. Mais vous avez raison, je ne suis pas vraiment de ce monde.

Un silence s'installa entre eux, mais il n'était pas inconfortable. Mia se surprit à se détendre, à baisser légèrement sa garde.

- Vous êtes ? finit-elle par demander, intriguée.

Il tendit la main, son sourire s'élargissant.

- Lucas. Et vous ?

Elle hésita un instant, puis serra sa main.

- Mia.

Leur échange fut interrompu par Sophie, qui surgit sur la terrasse, visiblement à la recherche de Mia.

- Ah, te voilà ! lança-t-elle. Ton père te cherche.

Mia soupira, jetant un dernier regard à Lucas.

- Je suppose que le devoir m'appelle.

Lucas hocha la tête, son sourire restant inchangé.

- Peut-être qu'on se recroisera, Mia.

Elle ne répondit pas, mais alors qu'elle s'éloignait, elle ne put s'empêcher de jeter un dernier coup d'œil par-dessus son épaule. Lucas était toujours là, la regardant partir, et elle sentit un frisson inexplicable parcourir son échine.

En revenant à l'intérieur, le bruit et la lumière semblaient encore plus oppressants qu'avant. Pourtant, pour la première fois depuis longtemps, Mia ressentait autre chose que de la lassitude. Il y avait quelque chose dans ce Lucas, quelque chose qui éveillait une curiosité qu'elle ne pouvait ignorer.

Et elle détestait l'admettre, mais une partie d'elle avait déjà hâte de le revoir.

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Ainsi, le chapitre se termine sur l'intrigue du mystérieux Lucas, plantant les graines d'une dynamique qui pourrait bouleverser la vie de Mia.