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Le Privé et ami confident de la milliardaire  Hélène Pastor

Le Privé et ami confident de la milliardaire Hélène Pastor

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Chapitres

En mai 2014, Hélène Pastor, la richissime héritière monégasque est assassinée à Nice, après avoir rendu visite à son fils hospitalisé. Son gendre est le commanditaire du meurtre. Patrick Boffa a été l’investigateur privé d’Hélène Pastor durant presque vingt-cinq ans. Il lève aujourd’hui le voile de la confidentialité pour raconter cette histoire de l’intérieur… les peurs et les angoisses d’une femme qui se savait menacée depuis le premier instant où cet homme est entré dans sa vie. Par ce livre, il souhaite rendre hommage à cette Dame qui a marqué la sienne et à toutes les années d’amitié qui les ont liés. À PROPOS DE L'AUTEUR De pisteur de haute montagne à la police des jeux, Patrick Boffa ouvre son agence d’investigation en 1990. Hélène Pastor est sa toute première mandante. En 1993, il intègre la WAD (World Association of Detectives) basée à San Francisco, ce qui lui assure d’obtenir des sources sûres partout sur la planète. Son travail l’a mené à travailler sur une quantité d’affaires au cours de sa carrière, notamment l’affaire Agnès Leroux ou encore en Lybie, pour l’Ambassade royale de Thaïlande, pour des milliardaires ou pour les fils du Général Kadhafi.

Chapitre 1 Première rencontre

Carpe Diem. Quam minimum credula postero.

Horace

Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain.

On dit que certaines rencontres ont la capacité de faire changer le cours des choses, de transformer votre vie. C’est ce qu’il m’est arrivé au début de l’année 1990. Alors que je venais de m’installer en tant que détective privé, une magistrate parisienne dont j’avais fait la connaissance en Birmanie a recommandé mes services à Hélène Pastor. Cette femme d’influence était l’héritière de Gildo Pastor, le richissime bâtisseur de Monaco, ami intime de Rainier III, considéré en son temps comme le second prince de la principauté.

Un soir du mois de février, elle m’a convoqué à son domicile pour me parler d’une mission qu’elle souhaitait me confier. Elle avait pris soin d’attendre que tout son personnel de maison ait pris congé pour s’assurer que personne ne puisse me voir. Il devait être 20 heures, lorsque je suis arrivé au Trocadéro, situé au 45 de l’avenue de Grande-Bretagne à Monte-Carlo. Bien entendu, elle en était propriétaire, comme tant d’autres immeubles sur cette principauté de deux kilomètres carrés. On peut même dire que la quasi-totalité des biens immobiliers avait été édifiée par les hommes de sa famille et qu’ils leur appartenaient. Il existait une règle d’or immuable chez les Pastor à laquelle personne ne dérogeait : ne jamais vendre, seulement louer ! Chaque bénéfice devait être réinvesti.

Ce clan à part savait rester discret, il n’était pas question de paraître plus riche que la dynastie régnante.

Je suis monté dans l’ascenseur lustré du sol au plafond et j’ai appuyé sur le bouton du septième étage. C’est elle en personne qui m’a ouvert. Vêtue de noir comme moi, dans un tailleur Chanel, elle était sortie depuis peu de son bureau. Sa sacoche Hermès accordée à sa tenue se trouvait dans le hall de l’entrée, adossée à l’un des fauteuils. Je ne connaissais cette dame que de nom jusque-là, c’était le jour de notre première rencontre.

Avant que nous puissions nous saluer, son berger belge a fondu sur moi. Par chance, j’adore les animaux et je connais très bien les chiens pour en avoir toujours eu. Il m’a sauté dessus en me heurtant le front de son museau pointu. J’ai entendu sa mâchoire claquer sous l’impact. Je n’étais pas sonné, mais presque. La pratique des arts martiaux m’avait aidé à l’esquiver, sinon je pense que j’aurai pu avoir un bel hématome.

Une fois qu’il a compris que sa maîtresse n’était pas en danger, il s’est calmé. Il ne cessait cependant de me fixer droit dans les yeux, en jaugeant le moindre de mes gestes. Il gardait sa patronne et me faisait bien sentir qu’il m’avait à l’œil.

— Coucher Joy ! Reste tranquille, tout va bien !

Madame Pastor possédait une solide réputation de femme d’affaires froide, inaccessible et presque inabordable… Une réputation de femme de fer qui ne faisait confiance à personne, crainte et redoutée de l’ensemble de ses collaborateurs. Je n’ai pourtant rien ressenti de tout cela. Elle m’a accueilli avec simplicité dans son immense appartement avec vue imprenable sur la mer. J’ai tout de suite remarqué son goût pour le raffinement, mais surtout pour les fleurs blanches qui parfumaient délicatement son entrée et la pièce principale. Il y en avait beaucoup : des orchidées qu’elle semblait particulièrement apprécier, des bouquets de roses et d’hortensias disposés çà et là sur les meubles. Elle aimait aussi les fleurs séchées. Elle m’a confié les commander à Paris, chez le célèbre fleuriste et designer d’intérieur Christian Tortu.

Au centre du salon trônait le majestueux piano à queue noir, recouvert d’une multitude de photos de famille dans des cadres sertis de métal argenté.

Tout en discutant, nous avons visité l’appartement, le chien vissé à ses chevilles, avant qu’elle ne m’invite à m’asseoir à la table en chêne massif. J’ai posé ma mallette contre le pied de ma chaise et je me suis installé. Lorsque j’ai appuyé mes coudes sur le robuste plateau, j’ai été surpris qu’il bascule vers moi. Ça m’a déstabilisé. Bien entendu, il aurait été indélicat de lui en faire part, alors je n’ai rien dit. Dans un coin face à elle se trouvaient les enveloppes et son nécessaire à correspondances. Elle m’a confié combien elle aimait écrire, elle qui regardait si peu la télévision.

Autrefois, c’est sur cette même table qu’elle rédigeait ses courriers destinés au Prince Rainier, à la Princesse Grace, aux personnalités monégasques. Elle continuait aujourd’hui pour le peu d’amis fidèles qu’il lui restait en principauté. Elle qui avait été une proche intime du couple princier durant des années, elle qui avait été conviée à toutes les festivités et réceptions mondaines données au palais, se sentait désormais en décalage depuis leur disparition. Les enfants-héritiers : le Prince Albert et ses sœurs, les Princesses Caroline et Stéphanie étant plus jeunes, un conflit de générations naturel avait fait son œuvre petit à petit. Avec le temps et sans rancune aucune, elle s’était mise à l’écart… Elle s’était retrouvée seule dans « sa »principauté, délaissée de cet univers dans lequel elle avait vécu et qui n’était plus le sien d’une certaine manière.

Le regard perdu vers l’horizon par-delà la fenêtre, elle confessait en faisant rouler les perles de son collier entre ses doigts que cela n’avait pas été facile à accepter, cela pesait sur son cœur… Elle avait tant fait pour embellir et fleurir tous ses immeubles et ainsi contribué « par la pierre », à la grandeur de Monaco. Toute sa vie, elle avait fait preuve de générosité pour soutenir les différentes œuvres caritatives : que ce soit la Croix-Rouge lors du très célèbre Bal de la Rose, organisé chaque année à la Salle des étoiles du Sporting Monte-Carlo ou encore celui en l’honneur de la Société protectrice des animaux qu’avait fondé la princesse Antoinette, la sœur aînée du prince Rainier III. Depuis quelques années, ce dernier a hélas été retiré du programme des galas de la saison estivale. La bienfaitrice des bêtes étant décédée en 2011, cet engagement a disparu peu après avec elle.

Hélène Pastor n’attendait pas de reconnaissance, elle continuait… elle continuerait toujours. Mais une simple carte pour son anniversaire ou de bons vœux pour la nouvelle année, une invitation à dîner un soir au palais auraient su contribuer à son bonheur. Elle ne paraissait pas amère en m’avouant tout cela, elle se sentait dépossédée d’une période de sa vie qu’elle avait chérie et elle en était nostalgique.

Elle était une riche et très célèbre héritière certes, mais surtout une femme sérieuse qui avait toujours dû travailler dur pour être et se montrer à la hauteur. Profondément croyante, elle avait été éduquée dans les valeurs strictes de sa famille et chez les sœurs, étant jeune… loin des paillettes, du faste et de la démesure. Toute sa vie, elle n’avait compté que sur elle-même pour prendre des décisions et faire des choix, assumer les risques jusqu’à hypothéquer la plus grande partie de son patrimoine, afin de faire fructifier l’empire immobilier qu’elle avait reçu en héritage. Tout n’était pas aussi rose, aussi facile qu’on pouvait l’imaginer. Ses enfants l’aidaient à la hauteur de ce qu’ils pouvaient ou voulaient, mais pour gérer un tel patrimoine, c’était bien peu.

De fait, elle s’était toujours débrouillée seule et n’espérait plus l’appui d’autrui. Elle tenait les rênes, parce qu’elle savait ne pouvoir avoir confiance qu’en elle-même. Afin d’être à la hauteur de l’immensité de la tâche, elle s’astreignait à une hygiène de vie irréprochable.

Elle ne buvait pas d’alcool, faisait très attention à s’alimenter de façon équilibrée et se couchait tôt.

Chaque matin, son réveil sonnait à 7 heures. Elle dégustait son petit-déjeuner avant de faire le tour de sa terrasse et de ses fleurs, tout en communiquant ses consignes à son personnel de maison pour la journée. Elle prenait ensuite son bain et se préparait. Son chauffeur venait la récupérer dans le parking du bâtiment, à l’étage qui donnait sur la rue du dessus. Il la conduisait alors à Fontvieille où elle travaillait toute la matinée, avant de déjeuner souvent seule à son bureau ou au restaurant d’entreprise qu’elle avait créée. Il s’agissait d’une sorte de cantine de luxe utilisée par les sociétés qui louaient leurs bureaux dans l’immeuble. Elle retournait ensuite gérer ses dossiers jusqu’en fin de journée et parfois, tard dans la soirée. Son chauffeur la récupérait avec son taxi anglais noir pour la reconduire à son domicile, duquel elle ne sortait plus jusqu’au lendemain. Hélène Pastor affectionnait tout particulièrement ce taxi. Il avait l’avantage d’être bas, ce qui permettait à son chien de rentrer sans avoir besoin d’assistance. Elle avait d’ailleurs fait retirer un siège à l’arrière, afin qu’il puisse se coucher et soit à son aise durant le trajet.

Le week-end, elle avait pris l’habitude de rester cloîtrée chez elle. Chaque semaine répondait à une sorte de rituel sans fantaisie qui l’aidait à faire face à ses responsabilités. Son seul mauvais penchant lorsque je l’ai connue était de fumer. Elle a vite arrêté ensuite.

Face à ses confidences, je ne me sentais pas mal à l’aise. Je l’écoutais. À aucun moment, je n’ai été intimidé par son statut si différent du mien. Tout m’a paru naturel et harmonieux. Je n’ai pas ressenti le besoin de devoir lui plaire ou de lui convenir de quelque manière que ce soit. C’est quelque chose que je ne sais pas faire de toute façon. Nous avons discuté, comme j’aurais pu le faire avec n’importe qui… avec respect, sans faux-semblants. Fidèle à l’esprit et aux principes de mon éducation, je le reste en toute circonstance.

Je peux rencontrer un chef d’État, un milliardaire un jour et partir cueillir les champignons le lendemain ! Je ne suis pas impressionné par les titres ou par l’argent… Je n’oublie jamais que nous sommes tous humains et égaux face à cette condition. Cela me rappelle une anecdote qui remonte au jour où j’ai fait la connaissance du Prince Rainier. À l’époque, tout le monde était en costume-cravate et portait des gants lorsque ce dernier accordait une audience. Je m’étais présenté au palais bien habillé, mais sans cérémonie. Au lieu de me recevoir dans son cabinet comme il le faisait d’ordinaire, nous avions fait le tour du jardin, en discutant davantage de la nature et de ses carpes que du dossier pour lequel il m’avait mandaté. Au moment de mon départ, nous avions parlé de tout, sauf du sujet pour lequel il avait besoin de mes services. Avec Hélène Pastor, cela a été la même chose. C’est certainement ma montagne natale qui m’a enseigné ces valeurs, mais j’y reviendrai. Elle éprouvait tant de difficultés à trouver des employés en qui elle pouvait avoir confiance qu’elle en changeait beaucoup, que ce soit à titre personnel ou professionnel. Je suppose qu’elle avait cette faculté de pouvoir « sentir » les gens, leurs intentions… qu’elle avait cette intuition qui ne s’explique pas, mais qui est souvent capable de nous guider, pour peu qu’on lui accorde du crédit.

Elle m’a justement parlé de la seule personne qui avait ce privilège : madame Andrée, son intendante, sa dame de confiance qui travaillait à son service depuis de très nombreuses années. Cette dernière était au courant de tout, c’était une épaule sur laquelle madame Pastor pouvait s’appuyer en toute circonstance. Elle lui racontait ses soucis à propos de son divorce à venir, ses quelques problèmes de santé aussi. Cette petite dame âgée de presque soixante-dix printemps aux cheveux grisonnants portait toujours le tablier à l’ancienne. C’est elle qui gérait tout au domicile de « Madame » comme elle l’appelait, notamment le personnel de maison. Elle avait son franc-parler caractéristique et employait, çà et là, des mots grossiers qui faisaient rire madame Pastor. Elles éprouvaient l’une pour l’autre une grande affection. C’est la raison pour laquelle elle l’avait installée dans un magnifique appartement juste au-dessous du sien, afin qu’elle ne soit jamais loin en cas de besoin. Elle seule allait être au courant de la mission pour laquelle sa patronne allait me mandater.

Pour l’heure, elle m’a servi un café. Madame Pastor adorait le café ! Elle pouvait en consommer à toute heure de la journée et même avant de se coucher. C’est grâce à elle que j’ai appris à apprécier cette boisson moi aussi. Je pensais que cela devait avoir un lien avec ses origines italiennes… On dit que ce n’est pas du sang, mais cet or noir qui coule dans leurs veines.

Avec une certaine retenue, elle m’a exposé la mission.

Elle a commencé à remonter le fil de son histoire avec prudence en me confiant s’être mariée très jeune, à un Polonais de condition modeste du nom d’Alfred Ratkowski dont elle était éprise et ce, sans l’accord de son père qui s’y était fermement opposé. De leur union était née sa fille Sylvia, en 1961. À la suite de certains déboires, il avait été poussé à quitter Monaco pour ne plus jamais y revenir. Ce douloureux souvenir a soulevé en elle, une émotion particulière. Elle m’a avoué que cet homme qui avait tant compté dans sa vie, elle n’avait jamais cessé de l’aimer et que de cet arrachement survenu quelques mois seulement après leur mariage, elle ne s’en était jamais remise. De cet amour inachevé, elle n’était jamais revenue.

Quelques années plus tard, ses parents lui avaient présenté un bon parti qui leur semblait digne d’elle. Ce ne fut pas un mariage de sentiments comme le précédent, mais elle l’a accepté pour satisfaire son père. Le 29 septembre 1965, elle avait épousé un chirurgien-dentiste de la principauté qui terminait ses études. Quelques mois après, le 1eravril 1967, était né leur fils Gildo.

Mais bien vite, tout a basculé.

Tout juste un an après le début de leur relation, elle a commencé à avoir des doutes sur la fidélité de son mari, sans jamais oser soulever cette chape de plomb qui pesait si lourd sur sa dignité.

Elle m’a raconté que ce dernier avait quitté le domicile conjugal peu de temps après la naissance de leur enfant pour s’installer dans sa maison de famille, située sur les hauteurs de Monte-Carlo, au Domaine de la Cerisaiequi se trouvait sur la commune de Peille, non loin du Golf du Mont-Agel qui surplombe la Méditerranée. Elle le soupçonnait d’entretenir une liaison dans cette maison restaurée à ses frais, décorée par ses soins et dans laquelle, elle avait laissé une partie de son âme. Là-haut se trouvait la base stratégique abritant les relais et radars militaires de l’Armée de l’air. Je savais qu’il s’agissait d’une zone surveillée sensible, partiellement interdite d’accès. Seules des villas de prestige y avaient été construites, notamment celle de la famille princière et celle de son frère aîné, Victor Pastor.

Son mari avait prétexté qu’il étouffait dans leur appartement du centre, qu’il avait besoin de grand air, d’isolement pour retrouver un peu de repos. Il ne descendait que de temps en temps pour assister aux repas de famille du dimanche ou pour les fêtes exceptionnelles, telles que Noël ou Pâques. Je l’écoutais et ne pouvais me retenir de penser qu’elle ne méritait pas ça. Par respect pour ses enfants Gildo et Sylvia, elle n’avait pas entamé de procédure afin qu’ils puissent grandir aussi normalement que possible, dans un semblant de famille unie… Elle n’avait pas souhaité leur causer un choc qui aurait pu les faire souffrir. À présent qu’ils étaient installés dans leur propre vie, il était temps pour elle de tourner cette page et de laver son honneur. Elle était décidée à mettre un terme à leur union. Le constat d’adultère n’était pas du tout ma spécialité, mais j’ai accepté, car elle a insisté sur l’importance de la recommandation qui lui avait été faite.

Devant elle se trouvait le dossier qu’elle avait préparé pour moi. Tout y était : les photos, un plan détaillé de la propriété dessinée à la main sur de grandes feuilles de calepin au stylo bille bleu. Il y avait l’itinéraire pour s’y rendre, le nombre de kilomètres pour accéder à la porte principale de cette bâtisse en pierres enclavée au milieu des arbres ; tous les chemins, l’emplacement des barrières de sécurité, des alarmes, celui des portes et des fenêtres, les différents véhicules qu’il avait en sa possession, leur couleur ainsi que les immatriculations respectives de chacun, ses coordonnées complètes, l’adresse de son cabinet et même celle de sa belle-mère qui habitait non loin de là !

Elle avait annoté dans un coin de page qu’il y’avait une chienne très gentille qui répondait au nom de « Princesse ». Sur la ligne du dessous, était mentionnée la présence d’un couple de Philippins qui avait en charge le gardiennage de la propriété. Elle avait noté le prénom de l’homme et précisé qu’il parlait anglais et français. Elle m’a également remis un plan de la maison découpé par étage où il était indiqué à l’emplacement de sa chambre : « Chambre du Professeur et de la Renarde!»

Il ne me restait plus qu’à mettre en place cette mission et la préparer avec le plus grand soin. Elle attendait de moi que je trouve un huissier et une équipe compétente pour entamer le protocole de surveillance, permettant de faire constater l’adultère de son époux. J’étais là pour faire mon travail, pas pour porter un jugement sur qui que ce soit

Dans un second temps, lorsque nous avons terminé de discuter des détails de cette investigation, elle m’a mandaté afin que j’en mène une autre en parallèle, pour le compte de son fils Gildo. À l’époque, il souhaitait se lancer dans le commerce de voitures de sport électriques. Au début des années 90, c’était en effet un peu avant-gardiste, personne n’en parlait. En mère inquiète, elle se demandait si c’était une bonne idée, si la conjoncture le permettait. Elle voulait être sûre qu’un tel secteur soit porteur et qu’il ne le conduise pas tout droit au casse-pipe ! Selon elle, ce n’était pas le moment… Elle était donc réticente à investir.

Peut-être fallait-il encore attendre quelques années…

Je lui ai dit que j’allais me renseigner sur tout cela et que je lui fournirai un rapport détaillé sous peu. J’ai accepté de mener ces deux missions de front, en axant mes priorités sur le constat d’adultère.

Durant plusieurs mois, nous sommes restés en étroit contact.

Je lui faisais part des éléments que je parvenais à recueillir au fur et à mesure de mes surveillances, afin de la tenir informée et de ne pas trop l’inquiéter.

Dès les premiers jours, je me suis aperçu que son mari était accompagné d’une dame. Soit ils arrivaient ensemble, soit elle le rejoignait un peu plus tard dans la soirée, mais ils ne se cachaient pas. Au fil des semaines, je guettais tous leurs mouvements : entrées, sorties et surtout leurs habitudes. Je surveillais, qu’ils ne quittent pas la maison avant 6 heures le matin, heure légale à laquelle un huissier pouvait procéder à un constat. Dans le cas contraire, nous aurions fait chou blanc. C’était un dossier très délicat qui reposait entièrement sur mes épaules. On intervenait pour madame Pastor, ce n’était pas n’importe qui, nous n’avions pas le droit à l’erreur.

Le 9 mai, j’ai pu produire un premier rapport qu’elle a fourni à son avocat, afin qu’il le transmette à un magistrat pour obtenir une ordonnance du Président du Tribunal de Nice, dans le but de faire intervenir un huissier de justice ainsi que la gendarmerie. Nous avons reçu cet accord quelques jours après, le 28 mai.

À la suite de cela, je lui ai précisé que nous étions prêts, qu’il ne manquait que son feu vert. Je savais qu’elle avait besoin de se conditionner psychologiquement à ça. Ce n’était pas de gaieté de cœur qu’elle m’engageait pour surveiller les agissements de son époux, ce n’était pas non plus par crainte de mettre en péril sa fortune, elle qui pesait déjà près de douze milliards d’euros. Elle souhaitait simplement se libérer et retrouver sa dignité. Elle ne lui en voulait pas, elle ne lui voulait même aucun mal. Malgré son statut à part dans ce monde, elle restait une femme avec sa sensibilité et ses fragilités aussi.

Un jour, elle m’a appelé pour me dire :

— Patrick, je suis prête, allez-y !

À partir de là, j’ai préparé l’intervention durant la semaine suivante. J’ai convoqué l’équipe de gendarmerie avec qui j’étais en étroite relation, le serrurier et l’huissier afin de régler les derniers détails. Elle me téléphonait tous les soirs pour savoir quand cela aurait lieu. Et puis le jour J est arrivé.

Le 8 juin en fin de journée, je lui ai passé un coup de fil pour lui dire que nous allions passer à l’action le lendemain matin. Elle était à la fois contente et inquiète pour nous. Avant de raccrocher, elle a ajouté :

— Mais vous allez dormir dehors là-haut cette nuit pour surveiller !

— Ne vous inquiétez pas. On a une tente, du café et tout ce qu’il nous faut !

— Remerciez bien la gendarmerie pour moi, ils sont adorables, c’est gentil de faire tout ça !

— C’est normal madame Pastor, ils sont là pour ça. Ils sont là pour mener à bien cette mission pour vous.

— Merci beaucoup. Soyez prudent, prenez soin de vous surtout !

Nous avons fait la mise en place la veille au soir sur la propriété et avons passé la nuit complète avec les gars, dans la fraîcheur des huit cents mètres d’altitude du Mont-Agel, afin de nous assurer que l’un des deux ne parte pas avant l’heure ou ne s’échappe pas par une porte ou une fenêtre. Nous ne pouvions pas nous permettre de ne trouver qu’un seul des deux, sinon c’était raté. L’opération était lourde à gérer, il était hors de question de se louper ! Le lendemain à 5 h 30 précise, l’huissier, les gendarmes et le serrurier sont arrivés à la villa. À 6 heures du matin, les coups de sommation ont été donnés comme lorsqu’on intervient dans le cadre d’une opération policière.

Le monsieur a tardé à ouvrir. L’officier ministériel a donc ordonné de procéder à l’ouverture de la porte. Il est arrivé, quelques secondes après, encore endormi. C’est souvent comme ça d’ailleurs. Dès que le serrurier commence à trafiquer la porte, les gens arrivent tout de suite de peur qu’on leur fracasse la serrure. Ils étaient là tous les deux et ont avoué qu’ils entretenaient une relation de couple. On avait réussi !

Je n’ai pas prévenu madame Pastor dans la foulée, je l’ai laissée entamer sa journée tranquille. J’ai attendu 8 heures pour lui téléphoner. Comme toujours, madame Andrée a décroché. Elle était au courant de tout et n’a pas tardé à me poser la question :

— Alors, vous avez réussi ? J’ai répondu par l’affirmative. Elle a ajouté qu’elle était contente pour madame avant de l’appeler et de lui passer le combiné.

— Vous avez réussi ! Oh ! c’est bien ! a-t-elle dit.

Elle était soulagée et heureuse d’une certaine manière et puis elle a marqué un arrêt. Ce silence blanc portait le poids de toute la difficulté qu’avait représenté cette décision, tout le poids des conséquences que cela impliquait dorénavant

Elle m’a félicité et m’a confié qu’elle était certaine que ça allait marcher. Intérieurement, j’ai pensé qu’il valait mieux pour moi que ce soit le cas, il s’agissait de ma première mandante. En cas d’échec, j’aurais pu partir faire un autre métier !

Une fois arrivée à son bureau, elle a prévenu ses enfants et leur a annoncé qu’elle avait fait procéder à un constat d’adultère par mes soins. Sylvia, alias Sissi, a accusé le coup.

Durant les jours qui ont suivi, le docteur ne s’est pas manifesté. Il a pratiqué la politique de l’autruche comme si de rien n’était et n’a pas téléphoné à sa femme pour en discuter ni pour s’expliquer. À partir de là, madame Pastor a voulu que je lui prépare un document pour le Journal Officiel de la principauté, attestant des torts exclusifs à l’époux. Ça se passe comme ça à Monaco et comme tout va très vite dans ce genre de situation, le divorce a été prononcé quelques mois après. Bien entendu, elle a refusé de percevoir la pension à laquelle elle avait droit. Justice était faite et c’est tout ce qui comptait pour elle.

De mon côté, j’étais content bien sûr, mais je l’étais plus encore pour les gars qui avaient bossé à mes côtés. Au risque de décevoir, je n’ai pas éprouvé de satisfaction ou de fierté particulière à avoir réalisé cette mission pour le compte de madame Pastor. Mon objectif n’a jamais été de dorer mon blason ou de plumer les milliardaires. Ce qui me faisait jubiler, c’était plutôt de descendre un couloir d’avalanche en ski ! Le reste c’est mon travail et je le fais avec sérieux, notamment lorsque j’ai eu à traiter des affaires criminelles ou des dossiers de pédophilie… Coincer ces gens-là m’a fait jubiler, oui !

Mon métier me permet de gagner ma vie correctement et honnêtement. Je sais que chaque jour, je peux me regarder en face dans la glace. La notoriété, la gloire et la célébrité, très peu pour moi.

Pour l’heure, cette opération était achevée… Je ne savais pas encore dans quoi je venais de mettre les pieds. J’ignorais que durant près de vingt-cinq ans, madame Pastor et moi serions liés bien au-delà de cette première mission. Je n’imaginais pas que l’on puisse un jour devenir des amis, tout simplement.

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