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Le carrefour de nos différences

Le carrefour de nos différences

YEM

5.0
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-Pardon, Kassoum, ne me tue pas ! -Si, je vais te tuer aujourd’hui ! Tu me prends pour un idiot, c’est ça ? Où est mon argent ? -Kassoum, s’il te plait, tu me fais mal ! Arrête ! Je n’ai rien volé !

Chapitre 1 Prologue

AU CARREFOUR DE NOS DIFFÉRENCES …

* Prologue *

-Pardon, Kassoum, ne me tue pas !

-Si, je vais te tuer aujourd’hui ! Tu me prends pour un idiot, c’est ça ? Où est mon argent ?

-Kassoum, s’il te plait, tu me fais mal ! Arrête ! Je n’ai rien volé !

Je tente tant bien que mal de protéger mon ventre, mais un coup violent sur mon visage me fait lâcher prise. Oubliant mon précieux fardeau que je voulais protéger plus tôt, je me cache le visage avec les mains. Une douleur sourde se fait ressentir au niveau de mon nez. Je crois qu’il est cassé, car déjà un liquide rouge s’échappe de chacune de mes narines. Il veut me tuer aujourd’hui, il va me tuer ! Ô Seigneur, pourquoi moi ? J’ai mal. Malgré mes cris, il ne décolère pas. Au contraire, il redouble d’efforts, et les coups pleuvent sans interruption. Quand est-ce que j’aurai du répit ? Quand est-ce que tout ceci s’arrêtera ? Si hier mes cris alertaient les autres habitants de la cour commune que nous habitons, aujourd’hui, tous semblent faire la sourde oreille, et pour cause. Qui souhaite se retrouver dans le collimateur de Kassoum ? Personne, pas même le vieux Moussa qui a essayé à plusieurs reprises de le raisonner.

Quelques minutes plus tard, il m’assène un dernier coup, et se redresse, jetant sur moi un regard froid. Il saisit alors celle qui est aujourd’hui sa compagne depuis quelques mois maintenant, une bouteille de whisky bon marché au liquide cuivré, la porte à sa bouche et sort en dandinant. Je me mets alors à pleurer à chaudes larmes et à crier, mais personne n’accourt. Oh, comme j’aimerais être secourue à cet instant ! Comme j’aimerais que quelqu’un vienne et prenne ma défense ! Mais malheureusement pour moi, je n’ai personne. Je n’ai que Kassoum. Il est mon monde. Je regarde mon ventre arrondi et une grosse larme de chagrin s’échappe de mon œil enflé et noir de sang coagulé. L’espace d’une seconde, ne ressentant aucun mouvement à l’intérieur de moi, je suis prise de panique. Et si tous ces coups avaient eu raison de mon bébé ? Délicatement, je pose ma main sur mon ventre et instantanément, une petite bosse se forme sous mes doigts. Ouf, il va bien, et ce petit instant de tendresse me fait pleurer de plus belle. En fait, je ne suis pas aussi seule que cela, je l’ai lui, mais est-ce pour longtemps ? Avec tout ce que celui qui était mon mari hier et mon bourreau aujourd’hui me fait subir, je me demande si je vais pouvoir tenir.

Vais-je le laisser me traiter comme ça toute ma vie ? Suis-je obligée de rester là, et de subir tout ça ? Depuis que j’ai intégré cette maison, ma vie n’est pas de tout repos, et je pense sérieusement à en mettre un terme. Aujourd’hui et comme tous les autres jours, Kassoum n’a pas été tendre avec moi. Entre les humiliations répétées, les coups, les blessures et les insultes, je me demande encore où je trouve la force pour tenir ferme. Beaucoup me diront de partir. Ce n’est pas l’envie qui me manque mais …

Alors que j’essaie péniblement de me relever, le voilà qui réapparait à l’entrée de notre petit studio délabré et me bouscule violemment, de sorte que je me retrouve encore à terre. Et, comme l’on peut le deviner, c’est reparti un tour. Pour je ne sais quelle raison, Kassoum s’acharne encore sur moi. Sa respiration de taureau me fait frissonner et les gouttes de sueur qui tombent de son visage vers moi me donne envie de vomir. C’est sans compter sur la forte odeur d’alcool qui s’échappe de sa bouche et de ses vêtements usés. Il est vraiment sale, et fait peine à voir, et à cet instant je me demande comment j’ai pu épouser un homme pareil. Mais avais-je seulement le choix ? Non. Je ferme les yeux, tant pour oublier les circonstances de notre mariage que les douleurs que m’infligent ses coups.

Au moment où je crois qu’il en a fini avec moi, il m’assène un coup fatal. Ce coup qui me fait enfin prendre conscience qu’il faut que cet enfer s’arrête. C’est le coup de trop, qui me réveille de ces rêves dans lesquels je le vois changer un jour. Le coup qui s’abat violemment sur mon ventre. Le petit être à l’intérieur s’agite alors tout d’un coup, et une colère sourde s’empare de moi. Kassoum veut tuer mon bébé, mais je le tuerai avant que cela n’arrive. Dans un élan de rage et de ras-le-bol, je saisis le premier objet qui je trouve et l’abat entre ses jambes. C’est une bouteille de vin vide. Le karma, me direz-vous. Alors qu’il se tord de douleurs, je me lève, et lui casse la bouteille sur la tête, de toutes mes forces, et poussant un cri qui vient au plus profond de moi. Kassoum s’écroule alors sur notre matelas usé et ne bouge plus. Néanmoins, je l’entends respirer péniblement.

Il faut que je me dépêche, je n’ai pas beaucoup de temps. Je me précipite vers un coin de la pièce où je range quelques unes des affaires qui me restent. Je plonge ma main dans un grand sac déchiré et la ressors avec six billets de 10.000 francs CFA, le fruit d’une année de dur labeur que je gardais précieusement pour le jour où j’aurai choisi de m’en aller enfin. Je mets les billets dans mon soutien-gorge, mets tout ce qui me reste comme vêtements dans le sac et c’est en courant que je m’échappe de cette maison de malheur, et laissant derrière moi un mari toujours inconscient. Malgré moi, j’éprouve pendant une seconde des remords, mais quand mes pensées se tournent vers le petit être qui pousse à l’intérieur de moi, je me dis que j’ai fait le bon choix, quitte à vivre toutes les prochains jours, voire les prochains mois dans la peur. Il faut que j’évite cela à mon bébé. Si jusqu’ici j’ai toléré les bastonnades de cet homme, oser s’attaquer à lui en étant trop.

-Mais tu vas où comme ça ?!

C’est ma voisine, Kady, qui vient de m’interpeler. Je ne prends pas le temps de lui répondre. Je n’ai pas le temps. Il ne faut pas que Kassoum se réveille et m’attrape, sinon, aujourd’hui c’est ma mort, et celle de mon bébé. Je sors de la cour commune sans jeter le moindre regard en arrière. Je marche vite, autant que je peux, même si mon gros ventre me ralentit. Je marche sans me préoccuper de tous les hommes qui s’arrêtent sur mon passage, et qui quémande quelques minutes de mon attention. Je marche, en gardant en tête mon objectif : il faut que je quitte, non pas juste ce quartier, mais cette ville. Il faut que je parte de Bouaké, et que cette histoire reste derrière moi. Mes yeux me picotent, avant d’ouvrir la voie à de grosses larmes de tristesse qui s’écrasent sur le sol rouge de ce quartier mal famé de la ville, Dougouba. C’est avec désespoir que je remarque que mes pieds sont plus noirs que le charbon. Je me rappelle alors que je n’ai pas eu le temps de prendre une douche depuis que je suis rentrée du travail, Kassoum m’ayant accueillie avec cette bastonnade légendaire. Mais qu’importe ? Même si je sens encore le poisson et que je suis plus sale qu’un cochon, cela doit-il m’empêcher de fuir ? Non. Je partirai d’ici, coûte que coûte.

Après près d’une heure de marche, j’arrive enfin à la gare routière, le front perlé de gouttes de sueur. Je m’arrête une seconde et cherche un repère. Il y a plusieurs pancartes sur lesquelles sont écrits des mots, mais je n’arrive pas à les déchiffrer. Je soupire. Bon gré mal gré, je me dirige vers un comptoir derrière lequel se trouve un vieux monsieur tout dégoulinant de sueur.

-Bonjour Monsieur, je veux un ticket pour … pour …

-Pour aller où ?

-Euh …

En fait, où est-ce que je veux aller ? Je ne connais rien d’autre que Bouaké. J’y suis née et j’y ai grandi. Comment avais-je pu envisager entreprendre un voyage sans même connaitre la destination que je voulais atteindre ? Face à mon regard perdu, le caissier reprend, visiblement agacé et de mauvaise humeur :

-Écoute, ma chérie, je ne vais pas attendre pour tes beaux yeux. Moi je vends des tickets pour Abidjan. Si cela ne te convient pas, pousse-toi que je serve les autres clients.

Je regarde derrière moi et me retrouve nez à nez avec une femme d’âge mûr, qui me regarde sévèrement. Prise de panique, je dis rapidement :

-Ok, un ticket pour Abidjan.

-5000 francs.

Je sors un billet de 10.000 francs de mon soutien-gorge et le tend au caissier qui le prend avec dédain.

-C’est le car qui est juste là, dit-il en me donnant ma monnaie. Il part dans une heure.

Je le remercie et sors du rang. Je cherche du regard un endroit où m’asseoir et aperçois ce qui peut être considéré comme une douche, sauf que ce n’est pas couvert. Je m’y dirige et après avoir posé mon sac, je prends le tuyau jaune qui fait office de robinet. Je verse de l’eau sur mes pieds, et essaie de les laver tant bien que mal. Un filet d’eau noir s’écoule alors vers le siphon. Je me lave aussi le visage, les aisselles, et le cou. Même si j’ai pour habitude de travailler dans un endroit insalubre, je déteste la saleté et les mauvaises odeurs. Une fois ma toilette terminée, je coupe l’arrivée d’eau et me relève. Je me sens fraiche. Mais alors que je veux prendre mon sac, je me rends compte qu’il a disparu. On me l’a volé !

-Eh Dieu ! Je m’écris en mettant les mains sur ma tête.

Moi qui n’avais déjà pas suffisamment de vêtements, me retrouve sans rien. Les larmes me montent aux yeux et je les essuie rageusement. Heureusement pour moi que j’ai gardé le ticket de bus et ma petite fortune dans mon soutien-gorge. Si je n’avais pas fait cela, j’aurais été obligée de retourner à la cour, et là, Kassoum m’aurait assassinée sans état d’âme.

D’un pas mal assuré, je me dirige vers le chauffeur du car, à qui je tends mon ticket.

-Combien de bagages ?

-Je n’en ai pas Monsieur.

-Hum. Allez-y.

Je monte dans le car et m’assois sur le premier siège de la rangée de gauche, côté fenêtre. Je pose ma tête sur la vitre et alors que le véhicule démarre tout doucement, je ne peux m’empêcher de réfléchir : ai-je fait le bon choix ? Que m’arrivera-t-il une fois sur place ? De quoi vivrais-je ? J’ai entendu dire qu’il y a beaucoup de travail à Abidjan. Peut-être que j’aurai la chance d’en trouver un dès mon arrivée ?

Toutes ces questions ne me quittent pas, au contraire, elles m’assaillent d’avantage, et pour cause : je suis en route pour Abidjan, une ville inconnue, au sein de laquelle je ne connais personne, sans affaires et avec seulement 55.000 francs CFA en poche. Comment vivra la petite villageoise que je suis, qui ne sait ni lire, ni écrire, et qui plus est attend un enfant dont le père est la source de sa fuite vers l’inconnu ? Que me réserve ce voyage ? Que vais-je devenir ?

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Nouvelle histoire, nouveaux challenges. On aime et on partage !

---à suivre------------------

Continuer

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