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Chapitres

Au milieu de ses camarades et amis, Mai Novem a tout d'une adolescente quelconque. Pourtant, derriĂšre son air anodin se cache un redoutable secret personnel et familial : la jeune fille est souffrante, elle est malade de vivre... au bord du gouffre. C'est alors que cette question taraude son esprit en peine : Devrais-je continuer Ă  vivre ainsi, ou mourir ? À PROPOS DE L'AUTEURE Maureen Maillet utilise l'Ă©criture pour extĂ©rioriser ses pensĂ©es et exprimer son engagement. Dans Xancolie, elle dĂ©crit sa perception des souffrances liĂ©es aux maladies mentales.

Chapitre 1 No.1

« ArrĂȘte !

Tu ne veux prévenir personne que ça ne va pas parce que sinon tu vas finir à l'hÎpital, ça t'arrive de te sentir bien, tout n'est pas horrible, mais ça tu le sais alors tu te dis que tout finira par aller bien à nouveau.

Quand les moments "bad" reviennent, tu te dis que tu arriveras Ă  aller mieux sans hĂŽpital, que tu peux le faire, rĂ©ussir. Tu gĂąches ta vie avec l'hĂŽpital, ça ne t'aide pas Ă  aller mieux, ça te cache la vĂ©ritĂ© : ta vie n'a aucune valeur ! Pas en comparant la valeur humaine mais tu estimes que tu ne mĂ©rites pas de vivre. Ton ĂȘtre n'a pas lieu d'exister.

Trop jeune pour mourir ?

Trop instable pour vouloir continuer de vivre ?

Trop Ă©goĂŻste, lĂąche, horrible ?

Tout simplement mauvaise personne !

Ou peut-ĂȘtre que tu aimes souffrir ?

AprÚs tout, tu le mérites.

Tu te dis que c'est le prix Ă  payer.

Tu payes l'horreur de ta personne humaine, la souffrance que tu as imposée à ceux qui ne demandent rien, tu aimes et qui sont là pour toi.

Mais c'est quoi souffrir pour toi, vivre malade ou malade de vivre ?

Rien que par cette pensée, tu sais que tu peux blesser ceux qui t'aiment.

L'Ă©goĂŻsme, cela serait quoi pour toi ?

Blesser les gens quand ça sera trop tard ou les blesser avec ce que tu penses.

La bonne réponse est celle que tout le monde veut entendre.

Mais pour aller mieux on va t'envoyer à l'hÎpital mais ta vie sera à nouveau gùchée par la maladie, tu deviendras un poids pour les gens.

Mais oh magie ! Comme tu es malade, les gens te pardonneront mais pas toi, tu te détesteras encore plus. Tu ne peux pas t'aimer, rien à aimer tout simplement une personnalité malade.

Comment c'est arrivé ?

À quel moment ton cerveau a vrillĂ© ?

Tu ne blĂąmes personne, tu sais que c'est toi le problĂšme.

Ton cerveau, ta personnalité tout ça c'est toi, tu l'as façonné, ou c'est la vie, c'est pour ça que la question revient, tu dois vivre pour souffrir et payer le prix de la souffrance des autres. Cependant, c'est compliqué de vivre et tu es faible alors tu veux abandonner. Tu te dis : je dois vivre.

Le cercle recommence et là, il y a deux choix dans la vie : joyeuse ou morte. »

Elle regarda l'heure, encore une fois, sans doute la troisiĂšme fois en cinq minutes. Elle ne comptait pas cela ni les jours d'ailleurs. Le temps semblait s'ĂȘtre figĂ© Ă  l'instar de la ville. Cependant, elle ne pouvait oublier que pour certains le temps Ă©tait comptĂ©. Comme une vieille horloge. Pour elle, cette horloge s'Ă©tait arrĂȘtĂ©e alors que pour d'autres, le tic-tac incessant de celle-ci retentissait dans leurs oreilles. Ou Ă©tait-ce alors le bruit de l'Ă©lectrocardiogramme ? Une piĂšce rythmĂ©e par un jeu. Le jeu de l'existence. Elle savait que la vie et la mort allaient de pair.

80 battements par minute. Elle respira un grand coup et tenta de compter les battements de son cƓur. Elle regarda Ă  nouveau l'heure, pour la quatriĂšme fois. Son rythme cardiaque l'apaisait. C'Ă©tait la preuve irrĂ©futable que le temps continuait. Elle se dit alors que « le temps se faisait attendre ». Cette petite boutade la fit sourire. Elle ne pouvait pas rire dans ces circonstances. Le jeu de l'existence continuait pour d'autres. Elle fit alors une priĂšre sourde en suppliant que pour eux la balance penche du cĂŽtĂ© vie et que leurs cƓurs battent encore un peu plus longtemps. Pour elle, c'Ă©tait diffĂ©rent. AprĂšs une courte rĂ©flexion, elle admettra une chose. Tous attendaient la mort Ă©galement, elle attendait sagement son heure. Elle se l'imaginait telle une faucheuse, avec une montre Ă  gousset dans une main cadavĂ©rique, qui, cachĂ©e derriĂšre son habit noir, avait finalement un visage impassible. Non, aucun sourire. C'Ă©tait son mĂ©tier. Rien de plus. Rien de moins. Montre ou horloge, le temps continuait de passer pour chacun d'entre nous. L'ennui l'avait quittĂ©.

Elle murmura « tic-tac, tic-tac » tout en regardant par sa fenĂȘtre. Les nuages bougeaient lentement, mais Ă  leur rythme. Et c'Ă©tait cela qui comptait. Elle le savait, et tous les jours, sa vie Ă©tait rythmĂ©e par ce « tic-tac, tic-tac ». Ses pas suivaient cette cadence. L'eau du robinet qui fuyait le faisait Ă©galement. Sans oublier le rĂ©veil qui tentait, tous les matins, de la sortir de son sommeil profond.

Elle se demanda alors s'il en Ă©tait de mĂȘme pour le reste du monde. Si eux aussi avaient un tempo qui retentissait dans leur tĂȘte et qui guidait leurs faits et gestes ? Elle revint bien vite Ă  la rĂ©alitĂ©. Non, ce n'Ă©tait pas le cas. Elle Ă©tait la seule.

70 battements par minute. Petit à petit, doucement, mais assez notablement pour qu'elle le remarque. Elle ne s'en affola pas. Le matin était blanc comme toujours. Blanc comme la fumée qu'elle expirait lors de ses pauses cigarette. Le soir était bleu. Bleu comme le ciel qu'elle admirait si souvent. Cependant, de temps en temps, le monde était orange. Ses yeux ne voyaient que l'orange, cette couleur qu'elle pouvait reconnaßtre parmi les nombreuses nuances qui existaient, pas cuivrée, pas criarde, non, c'était un pastel délavé.

Lorsque ces moments arrivaient, elle avait peur, sans oser se l'avouer, mais le plaisir était plus fort que cette peur qui se tapissait au fond de son estomac. Blanc, bleu et orange. Rien n'avait changé. Quand cette pensée la traversa, elle se demanda si cela était vrai ou si c'était, en fait, seulement ce dont elle essayait de se persuader. En vérité, elle ne savait pas ce qu'était la réalité.

60 battements par minute. Un par seconde. « tic-tac », blanc « tic-tac » bleu. VoilĂ  comment se passaient ses journĂ©es. Elle avait arrĂȘtĂ© de regarder l'heure aussi souvent. Cela ne l'importait plus. Les aiguilles bougeaient sans qu'elle y apporte une attention particuliĂšre. Ces petits bouts d'aciers pointaient des chiffres. Elle s'estimait dĂ©sormais heureuse que sa montre n'ait pas d'aiguilles pour les secondes et remarqua ensuite que ce qui la calmait avant ne le faisait plus.

Sa main sur la poitrine, sur le cƓur. 1, 2, 3... Elle arrĂȘta vite de compter. Son cƓur battait. Elle le savait parfaitement. Elle ne le savait que trop bien. Ce qui trĂŽnait au-dessus de sa tĂȘte semblait visiblement ne pas vouloir bouger. L'Ă©pĂ©e Ă©tait immobile pour l'instant, mais elle savait que tout pouvait changer en un claquement de doigts. Un tic ou un tac.

Comme la fois oĂč elle Ă©tait passĂ©e Ă  cĂŽtĂ© de la faucheuse. Elle l'avait vu droit dans les yeux. Elle aussi avait connu l'Ă©lectrocardiogramme. Les blouses blanches la hantaient parfois dans ses rĂȘves. Tout comme la froideur du sol jaune lorsqu'elle marchait pieds nus dans les couloirs.

Elle secoua fortement la tĂȘte pour effacer tout ça, mais cela ne fonctionna en rien. Les souvenirs avaient ressurgi et ceux-ci ne semblaient visiblement pas vouloir partir. La peur revenue. Elle courut fermer sa porte Ă  clĂ©. Elle se rappelait la fois oĂč elle avait trouvĂ© quelqu'un dans sa chambre Ă  son rĂ©veil. Elle l'avait senti ; cette piĂšce si froide d'habitude l'Ă©tait d'autant plus ce jour. Tout ce qu'elle voulait c'Ă©tait : remonter la couverture, mais un poids sur celle-ci l'en empĂȘchait. Elle ouvrit les yeux et trouva un homme qui la regardait avec un sourire qu'elle ne put oublier.

Encore à ce jour, elle se souvenait de son visage d'homme marqué par la vieillesse qui l'avait fixé pendant son sommeil. Lorsqu'elle retourna à la réalité, des larmes coulaient sur ses joues que le manque d'air avait rougies. Le lit dans la piÚce la fit frissonner. Malgré tous ses efforts pour oublier, elle n'y parvint pas. Le monde était devenu orange.

50 battements. Elle ouvrit son journal et sortit ses crayons de couleur. Chercha la page avec le calendrier qu'elle avait fait. Elle coloria la case du jour en rouge pĂ©tant. Sa main tremblait encore. Elle fut incapable de ne pas dĂ©passer ce qui l'Ă©nerva. Elle qui avait si soigneusement fait le calendrier. Elle en Ă©tait tellement fiĂšre. Tous les jours, elle coloriait en fonction de son humeur. Elle avait rĂ©ussi Ă  s'y tenir, et ce depuis le 1er janvier. C'Ă©tait sa rĂ©solution de la nouvelle annĂ©e. On pouvait dire que l'annĂ©e n'avait pas bien commencĂ©. Elle soupira en entendant des gens s'amuser et rire depuis sa fenĂȘtre. Elle Ă©tait Ă©nervĂ©e. Elle se disait parfois que la vie les avait Ă©pargnĂ©s ; qu'ils n'eussent rien connu, rien vĂ©cu, pourtant en temps normal elle savait que chacun cachait ses blessures, pour quelques personnes ce n'Ă©tait que des Ă©gratignures, mais pour elle cela ressemblait plus Ă  un coup de couteau enfoncĂ© profondĂ©ment en elle, dans son cƓur, son Ăąme, mais aussi son corps.

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