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La valse des sens

La valse des sens

SOFIANE

5.0
avis
33
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27
Chapitres

Ces 04 chiffres, je ne les ai pas oubliés, tu sais. Dire que je n’avais qu’à les composer pour avoir accès à ton inépuisable gaîté. Je t’aime. Parce que l’amour est plus fort que la mort, et l’amitié dure l’éternité. Peu importe que désormais, ton téléphone ne sonne plus quand je les compose, ces 04 chiffres, peu importe que tu ne décroches plus quand je t’appelle, peu importe que tu sois parti avant. Je n’ai pas fait mon deuil, tu sais, ça m’est resté en travers de la gorge…tant de choses que je vis, et que je ne partage pas avec toi. Peu importe ce vide qui ne se comblera pas ici. Tout ce qui importe, c’est que l’amour est plus fort que la mort, et que l’amitié dure l’éternité.

Chapitre 1 01

LA VALSE DES SENS / 1- Le jour où Didi devint Didier

Il était vingt-deux heures. Je le savais parce que les chiffres phosphorescents projetés au plafond par mon réveil-radio retenaient mon regard captif depuis près d’un quart d’heure. Le chant entêtant des moustiques venaient troubler la quiétude de ma petite chambre. Pour la énième fois, je réajustai ma couverture, et me retournai dans le lit, dont les ressorts se mirent à grincer, comme en guise de protestation. Je fermai les yeux, essayant de prendre le sommeil par surprise. Rien à faire. Je n’arrivais pas à me le sortir de la tête. A la seule évocation de son image, une bouffée de chaleur m’irradia le corps. A tâtons, je cherchai l’interrupteur. L’éclat cru de l’ampoule nue m’éblouit…je dus cligner plusieurs fois des yeux pour les accoutumer à la lumière. J’enfilai mon T-shirt préféré, et longeai le couloir sur la pointe des pieds. Toute la maisonnée était endormie, tant mieux, j’avais besoin de calme. Je mis le poste téléviseur en marche, et me lovai confortablement dans un fauteuil.

TONNERRE, C'EST COMMENT…c’est GBIAAAA !!!!

Euh…oui, mais non, merci…pas pour moi, pas ce soir. Je n’étais d’humeur à endurer, ni les blagues plus embarrassantes que drôles de l’animateur, ni les chorégraphies plus ou moins salaces qui accompagnaient ces enchaînements d’onomatopées bruyantes qu’on appelait pompeusement « musique » au pays. Aussitôt allumé, aussitôt éteint. Moins de 10 minutes après en être sortie, je regagnai mon lit. J’allumai la radio, mis un casque, et restai là dans le noir, à écouter les balades diffusées par radio Nostalgie. J’étais chamboulée, c’était le moins qu’on puisse dire : à quel moment Didier avait-il cessé d’être Didi, pour devenir cet homme qui occupait mes pensées à l’obsession ? Je ris doucement : vraiment, l’homme n’est rien…toi, Didi, me mettre dans cet état ?

Je le connaissais depuis que j’avais 7 ans. Il en avait 8, à l’époque. Nos deux familles étaient voisines ; nos mères s’étaient liées d’amitié, et rapidement, nous devînmes compagnons de jeu, d’autant plus que nous étions enfants uniques à l’époque. Les inséparables, on nous appelait…Didi et Mimi…Didi, c’est mes premières bagarres, mes premiers gâte-gâte, mon premier souffre-douleur (oui oui, j’étais assez bagarreuse à l’époque, lui était plutôt timide). On jouait à tous les jeux possibles et imaginables : poupée, temps-passe (à son grand désespoir de macho précoce…), billes, teck-teck, cache-cache, Immo, à mon commandement, Ludo, cartes, marelle, chaussures, …jamais à court d’idées, quand il s’agissait de s’amuser et/où de faire des bêtises.

On nous inscrivit à la même école primaire, ainsi, les parents pouvaient s’organiser pour nous déposer, et nous récupérer à tour de rôle, c’était pratique pour tout le monde. Au fil du temps, d’autres camarades rejoignirent la bande, mais nous en restions le noyau dur, les meneurs du gang. Au collège, les choses furent différentes…il fut orienté au collège moderne du Plateau, et moi au COC, à Cocody. Du coup, chacun de son côté se fit d’autres amis, cela nous permit de nous détacher quelque peu l’un de l’autre; on avait pourtant toujours le même répétiteur, on allait au Catéchisme et à la réunion des Scouts ensemble, les samedis matins. Nous avions eu chacun des frères et sœurs entretemps, mais rien ne semblait pouvoir nous séparer …

Rien, excepté les mauvaises surprises, dont seuls les parents ont le secret :

- Les enfants, notre maison à Bingerville est enfin prête, on déménage dans une semaine !

Coup de tonnerre : le sol se dérobait sous mes pieds, le ciel me tombait sur la tête...les adieux furent déchirants, Je me rappelle que je pleurais comme une madeleine, et que mon meilleur ami restait là, tête baissée, ne sachant trop quoi faire de ses bras.

- Mais Didier, tu ne consoles pas ta camarade ? Avait alors dit tata Sue (sa mère)

Maladroitement, il m’avait enlacée, et brièvement étreinte, avant de se dégager presqu’instantanément. Ça nous avait fait tout drôle : on se sentait tous les deux un peu ridicules, on n’était pas habitués aux « choses des blancs ». Tata Suzie m’avait à son tour prise dans ses bras :

- Ne pleure pas, hein, Mireille, Bingerville-Marcory, ce n’est pas loin ! un Wôrô-Wôrô (taxi commun, Abidjan), et un Gbaka (mini car, Abidjan), c’est tout ! Vous allez vous voir souvent, hein !

Je hochai la tête et me mis à sangloter de plus belle, en hoquetant:

- Oui…oui…tantie.

Angie, ma petite sœur arriva sur ces entrefaites :

- Mimiiiiiiii…maman t’appelle, elle dit qu’on s’en va dans cinq minutes.

Je hochai la tête, me mouchai bruyamment, baragouinai un Au revoir rapide, et m’enfuis, sans oser regarder mon meilleur ami une dernière fois. Pendant que la voiture s’éloignait, je le vis devant ce qui avait été ma maison pendant treize ans, bras ballants, fixant notre véhicule qui s’éloignait. Dans la voiture, je n’en menais pas large, d’autant plus qu’ils me raillaient tous gentiment.

- Mais Mireille, on ne va pas non plus au pôle nord, vous allez vous voir ! s’exclama papa, excédé par mes reniflements incessants.

Il avait raison. Nous prîmes l’habitude de passer, de temps en temps le week-end, l’un chez l’autre, c’était clair que ce n’était pas pareil, mais on faisait contre mauvaise fortune bon cœur. A Bingerville, j’allais au lycée Mamie Faitai. Je mis quelques temps à m’adapter à cet entourage exclusivement féminin, puis me liai d’amitié avec Djénéba. Djena, comme on l’appelait, était tout ce que je n’étais pas : coquette, jolie comme un cœur, féminine, pipelette, très brillante en classe. Cette nouvelle relation me permit de mieux accepter la nouvelle forme qu’avait prise mon amitié avec Didier.

Les années s’écoulèrent, nous étions désormais les trois « moustiquaires », comme aimait à dire Djena…car ils avaient sympathisé, et elle avait de facto rejoint notre duo. Chacun avait ses premiers flirts, ses petites histoires, mais étrangement, nous avions une certaine pudeur à en parler. Cela faisait trois ans que nous avions eu le BAC… Djena avait réussi le concours de l’INPHB, moi j’avais intégré PIGIER, et Didi, la fac de Sciences Eco...Chacun vivait son petit train-train, on se voyait aussi souvent qu’on le pouvait, et puis la semaine précédente…

On était samedi, il était onze heures ; Maréchal DJ était en pleine démo du « Séka Séka » (danse, coupé-décalé) à TEMPO, quand :

- Mimiiii…

Je fronçai les sourcils…que me voulait la vieille ? Toute la matinée, j’avais soigneusement évité de traîner dans le périmètre de la cuisine, de peur d’être réquisitionnée pour piler le foutou (pâte de plantain), ou pire, écraser les aubergines à la pierre (je déteste ça !).

- M’man…marmonnai-je, sans quitter des yeux le petit écran.

- Ton petit mari est là, hein ! (c’est ainsi qu’elle appelait Didier, depuis tous petits)

Didier ? Enchantée de cette surprise, je bondis sur mes jambes, et me précipitai à sa rencontre.

- Et si je n’étais pas à la maison ? On ne t’a pas dit qu’on prévient les gens avant de se pointer chez eux ? fis-je, en lui sautant au cou

- Et toi, on ne t’a pas dit qu’on dit Bonjour, quand on reçoit quelqu’un ? répliqua-t-il en riant, avant d’ajouter :

- Le vieux est là ?

- Non, non…il est parti au village. Funérailles chaque week-end, mon cher…

- Humm…ça ne chôme pas chez les Papagnons (sorciers), hein, lança-t-il, mi-figue, mi-raisin.

Nous éclatâmes de rire, puis je l’installai au salon et lui servit un verre de Coca Cola. Nous passâmes les trente minutes suivantes à rire des artistes qui semblaient se livrer à un concours des pas de danse les plus ridicules.

- Ivoirien, quoi ! Y a pas l’homme, ils ont fini avec ! s’exclama-t-il

- Bof…

- Hum…tu veux dire quoi, madame l’intello ? Toi tu n’as jamais dansé Kpangor quoi ?

- Jamais de la vie… me contentai-je de répondre, quand Angie intervint :

- Hum…Mimi…j’ai les preuves du crime, hein, je t’ai filmée l’autre fois, si tu continues de nier...

Nous nous esclaffâmes de concert, puis Didier reprit, soudain sérieux :

- Je peux te parler, un instant dehors, s'il-te-plait?

Passablement intriguée, j’acquiesçai, et le suivis à la terrasse. Il ouvrit la bouche, et ces mots qu’il laissa échapper…dès qu’ils furent prononcés, quelque chose bougea, tout changea …

Il était minuit. Je le savais parce que les chiffres phosphorescents projetés au plafond par mon réveil-radio retenaient mon regard captif depuis près de 02 heures…

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