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La valse des sens

La valse des sens

SOFIANE

5.0
avis
43
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27
Chapitres

Ces 04 chiffres, je ne les ai pas oubliés, tu sais. Dire que je n'avais qu'à les composer pour avoir accÚs à ton inépuisable gaßté. Je t'aime. Parce que l'amour est plus fort que la mort, et l'amitié dure l'éternité. Peu importe que désormais, ton téléphone ne sonne plus quand je les compose, ces 04 chiffres, peu importe que tu ne décroches plus quand je t'appelle, peu importe que tu sois parti avant. Je n'ai pas fait mon deuil, tu sais, ça m'est resté en travers de la gorge...tant de choses que je vis, et que je ne partage pas avec toi. Peu importe ce vide qui ne se comblera pas ici. Tout ce qui importe, c'est que l'amour est plus fort que la mort, et que l'amitié dure l'éternité.

Chapitre 1 01

LA VALSE DES SENS / 1- Le jour oĂč Didi devint Didier

Il Ă©tait vingt-deux heures. Je le savais parce que les chiffres phosphorescents projetĂ©s au plafond par mon rĂ©veil-radio retenaient mon regard captif depuis prĂšs d'un quart d'heure. Le chant entĂȘtant des moustiques venaient troubler la quiĂ©tude de ma petite chambre. Pour la Ă©niĂšme fois, je rĂ©ajustai ma couverture, et me retournai dans le lit, dont les ressorts se mirent Ă  grincer, comme en guise de protestation. Je fermai les yeux, essayant de prendre le sommeil par surprise. Rien Ă  faire. Je n'arrivais pas Ă  me le sortir de la tĂȘte. A la seule Ă©vocation de son image, une bouffĂ©e de chaleur m'irradia le corps. A tĂątons, je cherchai l'interrupteur. L'Ă©clat cru de l'ampoule nue m'Ă©blouit...je dus cligner plusieurs fois des yeux pour les accoutumer Ă  la lumiĂšre. J'enfilai mon T-shirt prĂ©fĂ©rĂ©, et longeai le couloir sur la pointe des pieds. Toute la maisonnĂ©e Ă©tait endormie, tant mieux, j'avais besoin de calme. Je mis le poste tĂ©lĂ©viseur en marche, et me lovai confortablement dans un fauteuil.

TONNERRE, C'EST COMMENT...c'est GBIAAAA !!!!

Euh...oui, mais non, merci...pas pour moi, pas ce soir. Je n'Ă©tais d'humeur Ă  endurer, ni les blagues plus embarrassantes que drĂŽles de l'animateur, ni les chorĂ©graphies plus ou moins salaces qui accompagnaient ces enchaĂźnements d'onomatopĂ©es bruyantes qu'on appelait pompeusement « musique » au pays. AussitĂŽt allumĂ©, aussitĂŽt Ă©teint. Moins de 10 minutes aprĂšs en ĂȘtre sortie, je regagnai mon lit. J'allumai la radio, mis un casque, et restai lĂ  dans le noir, Ă  Ă©couter les balades diffusĂ©es par radio Nostalgie. J'Ă©tais chamboulĂ©e, c'Ă©tait le moins qu'on puisse dire : Ă  quel moment Didier avait-il cessĂ© d'ĂȘtre Didi, pour devenir cet homme qui occupait mes pensĂ©es Ă  l'obsession ? Je ris doucement : vraiment, l'homme n'est rien...toi, Didi, me mettre dans cet Ă©tat ?

Je le connaissais depuis que j'avais 7 ans. Il en avait 8, Ă  l'Ă©poque. Nos deux familles Ă©taient voisines ; nos mĂšres s'Ă©taient liĂ©es d'amitiĂ©, et rapidement, nous devĂźnmes compagnons de jeu, d'autant plus que nous Ă©tions enfants uniques Ă  l'Ă©poque. Les insĂ©parables, on nous appelait...Didi et Mimi...Didi, c'est mes premiĂšres bagarres, mes premiers gĂąte-gĂąte, mon premier souffre-douleur (oui oui, j'Ă©tais assez bagarreuse Ă  l'Ă©poque, lui Ă©tait plutĂŽt timide). On jouait Ă  tous les jeux possibles et imaginables : poupĂ©e, temps-passe (Ă  son grand dĂ©sespoir de macho prĂ©coce...), billes, teck-teck, cache-cache, Immo, Ă  mon commandement, Ludo, cartes, marelle, chaussures, ...jamais Ă  court d'idĂ©es, quand il s'agissait de s'amuser et/oĂč de faire des bĂȘtises.

On nous inscrivit Ă  la mĂȘme Ă©cole primaire, ainsi, les parents pouvaient s'organiser pour nous dĂ©poser, et nous rĂ©cupĂ©rer Ă  tour de rĂŽle, c'Ă©tait pratique pour tout le monde. Au fil du temps, d'autres camarades rejoignirent la bande, mais nous en restions le noyau dur, les meneurs du gang. Au collĂšge, les choses furent diffĂ©rentes...il fut orientĂ© au collĂšge moderne du Plateau, et moi au COC, Ă  Cocody. Du coup, chacun de son cĂŽtĂ© se fit d'autres amis, cela nous permit de nous dĂ©tacher quelque peu l'un de l'autre; on avait pourtant toujours le mĂȘme rĂ©pĂ©titeur, on allait au CatĂ©chisme et Ă  la rĂ©union des Scouts ensemble, les samedis matins. Nous avions eu chacun des frĂšres et sƓurs entretemps, mais rien ne semblait pouvoir nous sĂ©parer ...

Rien, excepté les mauvaises surprises, dont seuls les parents ont le secret :

- Les enfants, notre maison Ă  Bingerville est enfin prĂȘte, on dĂ©mĂ©nage dans une semaine !

Coup de tonnerre : le sol se dĂ©robait sous mes pieds, le ciel me tombait sur la tĂȘte...les adieux furent dĂ©chirants, Je me rappelle que je pleurais comme une madeleine, et que mon meilleur ami restait lĂ , tĂȘte baissĂ©e, ne sachant trop quoi faire de ses bras.

- Mais Didier, tu ne consoles pas ta camarade ? Avait alors dit tata Sue (sa mĂšre)

Maladroitement, il m'avait enlacĂ©e, et briĂšvement Ă©treinte, avant de se dĂ©gager presqu'instantanĂ©ment. Ça nous avait fait tout drĂŽle : on se sentait tous les deux un peu ridicules, on n'Ă©tait pas habituĂ©s aux « choses des blancs ». Tata Suzie m'avait Ă  son tour prise dans ses bras :

- Ne pleure pas, hein, Mireille, Bingerville-Marcory, ce n'est pas loin ! un WĂŽrĂŽ-WĂŽrĂŽ (taxi commun, Abidjan), et un Gbaka (mini car, Abidjan), c'est tout ! Vous allez vous voir souvent, hein !

Je hochai la tĂȘte et me mis Ă  sangloter de plus belle, en hoquetant:

- Oui...oui...tantie.

Angie, ma petite sƓur arriva sur ces entrefaites :

- Mimiiiiiiii...maman t'appelle, elle dit qu'on s'en va dans cinq minutes.

Je hochai la tĂȘte, me mouchai bruyamment, baragouinai un Au revoir rapide, et m'enfuis, sans oser regarder mon meilleur ami une derniĂšre fois. Pendant que la voiture s'Ă©loignait, je le vis devant ce qui avait Ă©tĂ© ma maison pendant treize ans, bras ballants, fixant notre vĂ©hicule qui s'Ă©loignait. Dans la voiture, je n'en menais pas large, d'autant plus qu'ils me raillaient tous gentiment.

- Mais Mireille, on ne va pas non plus au pÎle nord, vous allez vous voir ! s'exclama papa, excédé par mes reniflements incessants.

Il avait raison. Nous prĂźmes l'habitude de passer, de temps en temps le week-end, l'un chez l'autre, c'Ă©tait clair que ce n'Ă©tait pas pareil, mais on faisait contre mauvaise fortune bon cƓur. A Bingerville, j'allais au lycĂ©e Mamie Faitai. Je mis quelques temps Ă  m'adapter Ă  cet entourage exclusivement fĂ©minin, puis me liai d'amitiĂ© avec DjĂ©nĂ©ba. Djena, comme on l'appelait, Ă©tait tout ce que je n'Ă©tais pas : coquette, jolie comme un cƓur, fĂ©minine, pipelette, trĂšs brillante en classe. Cette nouvelle relation me permit de mieux accepter la nouvelle forme qu'avait prise mon amitiĂ© avec Didier.

Les années s'écoulÚrent, nous étions désormais les trois « moustiquaires », comme aimait à dire Djena...car ils avaient sympathisé, et elle avait de facto rejoint notre duo. Chacun avait ses premiers flirts, ses petites histoires, mais étrangement, nous avions une certaine pudeur à en parler. Cela faisait trois ans que nous avions eu le BAC... Djena avait réussi le concours de l'INPHB, moi j'avais intégré PIGIER, et Didi, la fac de Sciences Eco...Chacun vivait son petit train-train, on se voyait aussi souvent qu'on le pouvait, et puis la semaine précédente...

On était samedi, il était onze heures ; Maréchal DJ était en pleine démo du « Séka Séka » (danse, coupé-décalé) à TEMPO, quand :

- Mimiiii...

Je fronçai les sourcils...que me voulait la vieille ? Toute la matinĂ©e, j'avais soigneusement Ă©vitĂ© de traĂźner dans le pĂ©rimĂštre de la cuisine, de peur d'ĂȘtre rĂ©quisitionnĂ©e pour piler le foutou (pĂąte de plantain), ou pire, Ă©craser les aubergines Ă  la pierre (je dĂ©teste ça !).

- M'man...marmonnai-je, sans quitter des yeux le petit Ă©cran.

- Ton petit mari est lĂ , hein ! (c'est ainsi qu'elle appelait Didier, depuis tous petits)

Didier ? Enchantée de cette surprise, je bondis sur mes jambes, et me précipitai à sa rencontre.

- Et si je n'étais pas à la maison ? On ne t'a pas dit qu'on prévient les gens avant de se pointer chez eux ? fis-je, en lui sautant au cou

- Et toi, on ne t'a pas dit qu'on dit Bonjour, quand on reçoit quelqu'un ? répliqua-t-il en riant, avant d'ajouter :

- Le vieux est lĂ  ?

- Non, non...il est parti au village. Funérailles chaque week-end, mon cher...

- Humm...ça ne chÎme pas chez les Papagnons (sorciers), hein, lança-t-il, mi-figue, mi-raisin.

Nous Ă©clatĂąmes de rire, puis je l'installai au salon et lui servit un verre de Coca Cola. Nous passĂąmes les trente minutes suivantes Ă  rire des artistes qui semblaient se livrer Ă  un concours des pas de danse les plus ridicules.

- Ivoirien, quoi ! Y a pas l'homme, ils ont fini avec ! s'exclama-t-il

- Bof...

- Hum...tu veux dire quoi, madame l'intello ? Toi tu n'as jamais dansé Kpangor quoi ?

- Jamais de la vie... me contentai-je de répondre, quand Angie intervint :

- Hum...Mimi...j'ai les preuves du crime, hein, je t'ai filmée l'autre fois, si tu continues de nier...

Nous nous esclaffùmes de concert, puis Didier reprit, soudain sérieux :

- Je peux te parler, un instant dehors, s'il-te-plait?

Passablement intriguée, j'acquiesçai, et le suivis à la terrasse. Il ouvrit la bouche, et ces mots qu'il laissa échapper...dÚs qu'ils furent prononcés, quelque chose bougea, tout changea ...

Il était minuit. Je le savais parce que les chiffres phosphorescents projetés au plafond par mon réveil-radio retenaient mon regard captif depuis prÚs de 02 heures...

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