Le lys et le cyprès
se referma derrière elle une fois que la demoiselle fût entrée. Le manoir était sombre. Désespérément sombre. Il paraissait abandonné, et pourtant, la vie semblait encore y
erte, Dolly reconnut le morceau joué là-haut : « L'introduction et Rondo Capriccioso », de Camille Saint-Saëns. À l'alto seul ? Seigneur ! Il régnait en ces murs un musicien ou une musicienne d'un talent remarquable ! Elle continua d'avancer. Devant elle se dessinait un fin couloir tortueux. Qu'en résulterait-il ? Un large escalier, mais le bois en lequel il était fait n'était plus noir ! Adieu noyer, quel est donc ce bois rouge comme les feuilles d'érable ? La tapisserie à l'étage est noire, blanche et garnie de fleurs... noires ! Oh, que leur est-il arrivé à ces pauvres petites fleurs pour qu'elles soient si sombres ?
n parquet... noir... était ici recouvert d'un large tapis... rouge... sur lequel siégeait entre autres une large table oblongue où devaient être servis les dîners lors de grandes soirées. Mais point de décorations frivoles ni de plats somptueux pour ce soir-là : il n'y avait, déposé sur la nappe rouge, que deux grands candélabres, éclairant à eux seuls une bonne partie de la pièce. Au fond, c'était un espace plus intime, près d'une cheminée dont le feu était encore allumé : il y ava
'avait-elle pas joué ? Les quelques jours ayant précédé son départ de Riverhive, les préparatifs avaient pris tant de temps qu'elle pût à peine s'exercer, à son grand dam. D'un geste fébrile, elle caressa du bout de ses long
uer. Elle resta bien une minute entière immobile, paralysée entre son désir insatiable de faire honneur de ses talents au beau violoncelle, et ses bonnes manières qui auraient voulu qu'elle n'atte
er, elle commença par promener ses doigts blancs sur le bois verni, caresser les cordes en boyau ; chair contre chair, passer le bout de ses ongles dans les deux larges rainures sur le co
catrice sur la chair ; mais cette cicatrice-là était la plus douce dont Dolly n'ait jamais été marquée. Il lui sembla même, sans qu'elle ne sache pourquoi sur l'instant (la musique absorbait ses pensées les plus profondes), qu'un autre instrument vint se coupler au morceau qu'elle jouait. Un autre violoncelle ? Non, elle interprétait avec une maîtrise rare la « Passacaille en sol mineur » de Haendel, une pièce originellement composée pour clavecin, mais qu'elle avait eu le plaisir d'a
âmes, lys et cyprès, qu'ils sont beaux
comme il n'en existait aucune autre ! Envolée de notes, Dolly s'en mordit les lèvres ! Qu'il était bon de jouer à nouveau ! Arpège enflammé, tout son corps s'embrasa de virtuosité ! Puis soudain, un passage en pizzicati, son souffle, chaud, haleta, avec autant de rythme, que ses longs doigts blancs, pinçaient les cordes, avec autant de force, que