La nuit enveloppait la forêt d'un voile d'ombres et de murmures, un vent glacé s'infiltrant entre les troncs noueux. Elle avançait sans bruit, son regard fauve sondant l'obscurité, une force sauvage émanant d'elle malgré la solitude qui pesait sur ses épaules. Elle était une Alpha. Une louve sans meute, errante, brisée par un passé que seuls les silences de la nuit connaissaient. On disait qu'elle avait tout perdu, que la douleur était devenue sa seule compagne. Mais sous cette carapace de solitude, son cœur battait encore, porteur d'une fierté inébranlable et d'un secret que personne ne devait découvrir. Lui, il était l'opposé de tout ce qu'elle représentait. Un Alpha puissant, redouté, un mâle au charisme écrasant et à l'arrogance forgée par la domination. Son nom seul suffisait à faire trembler les autres, à soumettre sans qu'il n'ait à élever la voix. Son regard d'acier ne souffrait aucune faiblesse. Il régnait. Il exigeait. Il prenait. Le destin les avait placés sur une route commune, une collision inévitable entre deux âmes aussi semblables que différentes. Serait-il son salut ou sa damnation ? Elle, qui avait tant souffert, pouvait-elle encore croire en l'amour ? Ou n'y avait-il entre eux que le feu du défi, la rage de deux êtres trop fiers pour plier ? Dans cette danse d'attirance et de rejet, de force et de douleur, une question restait en suspens : Jusqu'où iraient-ils avant que l'un d'eux ne soit brisé ?
La nuit étendait son manteau d'ombres sur la forêt, enveloppant chaque tronc, chaque feuille, dans une obscurité mouvante. Le vent soufflait par rafales, glissant entre les branches noueuses, faisant frémir le couvert dense des cimes. L'odeur du bois humide et de la terre s'élevait dans l'air, mêlée à celle plus subtile, plus fauve, d'un être en mouvement.
Elle avançait sans bruit, ses pas souples effleurant le sol moussu, son corps tendu dans une vigilance instinctive. Ses yeux, fendus d'un éclat doré, balayaient les ténèbres avec une acuité affûtée. Elle connaissait la forêt, ses sentiers secrets, ses pièges naturels, et les créatures qui la peuplaient. Elle y avait vécu, elle y avait survécu.
Le silence s'étirait autour d'elle, alourdi d'une tension qu'elle percevait sans encore en distinguer la source. Chaque fibre de son être était en alerte, sentant la menace avant même de la voir. Une odeur... puissante, imprégnée de domination et de force brute, dérivait dans l'air nocturne. Un Alpha. Pas un quelconque loup, pas un éclaireur isolé, mais un roi dans son territoire, un prédateur qui ne souffrait aucune intrusion.
Elle s'arrêta, le souffle court, sa poitrine se soulevant au rythme rapide de son cœur. L'instinct lui hurlait de fuir, mais elle savait que c'était inutile. On ne tournait pas le dos à un Alpha sans déclencher une poursuite. Elle redressa la tête, affrontant l'obscurité d'un regard acéré.
Une ombre se détacha des ténèbres devant elle. Grande, massive, empreinte d'une puissance tranquille qui ne demandait aucune démonstration pour s'imposer. Son odeur emplissait l'espace, une fragrance de fureur contenue et d'assurance implacable. Il était là, à quelques pas seulement, et il l'observait.
L'affrontement était inévitable.
Le silence se densifia entre eux, chargé d'une tension brute. L'air lui-même semblait vibrer sous le poids de cette rencontre, comme si la forêt retenait son souffle, témoin d'un face-à-face aux enjeux insondables.
Elle ne bougea pas, campée sur ses appuis, chaque muscle tendu, prête à la moindre réaction. Son regard fauve scrutait l'ombre qui lui faisait face, décelant peu à peu les contours d'un homme. Grand, sculpté dans la dureté même de la domination, il irradiait une présence écrasante, celle d'un souverain dont la seule existence suffisait à imposer le respect.
Un pas. Presque imperceptible. Juste assez pour signifier qu'il n'attendait pas qu'elle parle, qu'elle explique sa présence ici. Il n'en avait pas besoin. Il savait qu'elle n'était pas une louve soumise, il l'avait compris dès l'instant où son regard s'était posé sur elle.
Le vent souffla entre eux, emportant avec lui une fragrance plus subtile derrière la force animale : celle de la solitude, du deuil, du poids d'un passé qu'on ne peut pas enterrer. Et il sut.
Elle n'était pas une simple errante. Elle était une Alpha sans meute, une anomalie dans leur monde, une créature qui ne devait pas exister.
L'instinct dictait une seule réponse : la soumission ou l'affrontement. Il n'y avait pas d'entre-deux.
Mais elle ne baissa pas les yeux.
Un battement de cœur.
Il y eut comme une infime oscillation dans l'air, un frémissement de danger contenu. Puis un éclair argenté fendit la nuit. Elle bougea, rapide comme une ombre, esquivant l'attaque d'un souffle, s'élançant dans une danse de survie où la force ne suffirait pas.
Il était rapide, plus rapide qu'elle l'avait anticipé. Son bras s'abattit, et bien qu'elle se détourne à temps, elle sentit l'air vibrer près de son flanc. Une erreur de quelques centimètres, et elle aurait été balayée.
Elle se redressa en un instant, haletante, les sens exacerbés.
Lui s'arrêta. L'observa.
Et il sourit. Un sourire sans joie, un rictus de prédateur satisfait.
Il venait de comprendre.
Elle n'était pas seulement une Alpha sans meute.
Elle était une survivante.
Et cela ne faisait que rendre la chasse plus intéressante.
Le silence retomba, oppressant, étiré par l'électricité brute qui pulsait entre eux. Les ombres de la forêt semblaient se refermer autour d'eux, témoin muet de cette rencontre où les instincts parlaient plus fort que les mots.
Il ne l'attaquait plus. Il attendait. Il testait.
Elle le savait. Chaque fibre de son corps lui hurlait de fuir, mais elle n'était pas de ceux qui tournaient le dos. Elle n'était plus cette louve brisée qui errait sans but, cherchant un refuge dans l'oubli. Son regard doré soutint le sien, une étincelle de défi brillant dans l'obscurité.
Le vent porta à ses narines l'odeur du sang. Pas le sien.
Elle plissa les yeux. Ce n'était pas un hasard. Un Alpha ne quittait pas son territoire sans raison, encore moins au beau milieu de la nuit. Il chassait. Ou il traquait quelque chose de bien plus dangereux.
Il fit un pas vers elle, lents et mesuré. Pas une menace directe, mais une affirmation de présence. Son aura se déploya, envahissante, imposante, lui rappelant qu'il ne tolérait aucune insoumission sur ses terres.
Elle ne céda pas.
Un battement de cœur. Puis un autre.
Il s'arrêta à une distance infime, si proche qu'elle pouvait sentir la chaleur de son corps irradier à travers le froid mordant de la nuit. Son regard d'acier accrocha le sien, implacable, impénétrable.
- Tu n'as rien à faire ici.
Sa voix était grave, rocailleuse, empreinte de cette autorité brute qui exigeait sans jamais demander.
Elle ne répondit pas. Elle n'en avait pas besoin. Sa simple présence était déjà un affront à son pouvoir.
Une tension sourde pulsa entre eux, aussi ancienne que la nature elle-même. L'instinct animal, la loi du plus fort, l'éternel combat entre ceux qui refusaient de plier.
Puis, soudainement, un hurlement déchira la nuit. Un cri de douleur.
Son regard se durcit aussitôt.
Elle ne le connaissait pas, elle ne savait pas quel genre de roi il était pour sa meute, mais une chose était sûre : ce hurlement n'était pas un appel. C'était un avertissement.
Quelque chose chassait dans la forêt.
Et ce n'était ni elle, ni lui.
Un frisson parcourut son échine, instinctif, primal. Ce hurlement... Ce n'était pas un cri de ralliement, ni celui d'un loup appelant sa meute. C'était autre chose. Une note de douleur brute, teintée d'effroi.
Lui aussi l'avait entendu. Elle vit sa posture changer imperceptiblement, un léger raidissement des épaules, un regard plus acéré. Il savait.
Sans un mot, il pivota et se fondit dans l'ombre, se mouvant avec une aisance terrifiante. Un Alpha en chasse. Il ne doutait pas qu'elle le suivrait.
Elle hésita une fraction de seconde. Ce n'était pas son combat. Elle n'avait plus de meute, plus d'attaches. L'instinct lui criait de reculer, de disparaître comme elle l'avait toujours fait.
Mais ce hurlement...
Elle s'élança à sa suite.
Le vent hurlait entre les troncs, secouant la canopée en une complainte funèbre. Elle courait à travers les sentiers escarpés, se fondant dans l'obscurité, ses pas glissant sur la terre humide. Devant elle, il avançait avec une vitesse implacable, son corps taillé pour la traque, la chasse.
Puis l'odeur les frappa.
Le sang. Métallique, poisseux, imprégnant l'air nocturne d'une lourdeur insupportable.
Ils émergèrent dans une clairière ravagée. L'herbe était piétinée, marquée de sillons profonds, comme si un combat violent avait eu lieu ici. Et au centre, une masse inerte.
Un loup.
Il était grand, à la fourrure sombre striée de mèches argentées, mais son flanc était éventré, une plaie béante laissant échapper un flot de sang noirâtre. Il respirait encore, faiblement, un râle déchirant brisant le silence.
Elle s'approcha lentement, méfiante. Ce n'était pas une attaque ordinaire. Pas une lutte de territoire, pas une simple querelle entre loups. L'odeur qui s'élevait de cette scène était... étrange.
Il s'accroupit près du blessé, son regard parcourant la plaie avec une froide analyse. Puis il se redressa, ses yeux d'acier brûlant d'une lueur qu'elle ne connaissait que trop bien.
La rage.
- Ce n'est pas une attaque de loup, murmura-t-il.
Elle le savait déjà. Les entailles étaient trop nettes, trop précises. Aucune griffe de loup n'aurait laissé une telle marque.
Ce qui l'avait attaqué n'était pas de leur espèce.
Elle sentit un frisson glacé lui parcourir la colonne.
Quelque chose chassait dans la forêt.
Et ils n'étaient plus les seuls prédateurs en mouvement cette nuit.
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