Depuis des années, Rowan vit loin des siens, exilé par sa propre meute. Autrefois un Alpha puissant, il a renoncé à son titre et vit désormais en ermite, au cœur de la forêt, n'ayant pour seule compagnie que son loup intérieur. Mais tout change lorsqu'il découvre une femme inconsciente et blessée près de son territoire. Elle s'appelle Evelyne, et elle est poursuivie par des chasseurs impitoyables. Rowan sait qu'il devrait la laisser partir, qu'il ne devrait pas s'attacher, mais quelque chose en elle l'attire irrémédiablement. Evelyne, de son côté, découvre rapidement que Rowan n'est pas seulement un Alpha en exil : il est aussi son âme sœur. Mais peut-elle faire fondre le mur de glace qu'il a érigé autour de son cœur ? Et Rowan pourra-t-il redevenir l'Alpha qu'il était autrefois, pour elle ?
L'ombre glissait entre les arbres, une présence fugace que la brume du soir peinait à dissimuler. Rowan l'avait sentie bien avant de la voir, un frisson primal courant le long de son échine. Son territoire était inviolé depuis des années. Aucun loup, aucune bête, aucun humain n'osait franchir les limites de son exil. Et pourtant, quelqu'un venait de le faire.
Tapi sur une branche massive, il laissa son regard d'or fendre l'obscurité. L'odeur du sang flottait dans l'air, métallique, entêtante, bien trop humaine pour être ignorée. Rowan serra les mâchoires. Il aurait dû rebrousser chemin. Ce n'était pas son problème. Plus maintenant.
Mais il avança.
Les feuilles bruissèrent sous ses pas feutrés tandis qu'il approchait du ruisseau. Là, à moitié immergée dans l'eau glacée, une femme gisait, son corps meurtri tranchant avec la pâleur spectrale de son visage. Des mèches sombres collaient à sa peau, et sa respiration était si faible qu'elle semblait déjà avoir un pied dans l'au-delà.
Rowan soupira, crispant les doigts. Il n'aurait pas dû se soucier d'elle. Il était un loup, pas un sauveur. Pourtant, quelque chose en lui grondait, un écho ancien, une colère sourde contre l'idée de la laisser mourir là, seule.
Il s'agenouilla à côté d'elle, effleurant son poignet. Son pouls était instable, mais présent. Une trace rouge s'étalait sur sa tempe, témoignant d'un coup violent. Avait-elle fui ? Était-elle traquée ?
- Qui es-tu ? murmura-t-il.
Aucune réponse, bien sûr.
Il hésita encore. Quelques secondes de plus. Puis, dans un grognement irrité, il la souleva. Elle était légère, trop légère, comme si la vie s'échappait déjà d'elle. Il sentit la chaleur de son sang imbiber sa chemise, et un grondement lui échappa malgré lui.
Il tourna les talons et disparut dans la forêt.
***
Le feu crépitait doucement dans l'âtre, projetant des ombres mouvantes sur les murs de la cabane. Rowan déposa la femme sur son lit, réajustant la couverture rêche sur son corps glacé. Elle n'avait toujours pas repris connaissance.
S'adossant à la table de bois brut, il croisa les bras, scrutant son visage. Qui était-elle ? Pourquoi une humaine se trouvait-elle si profondément dans ces bois ? Il connaissait la forêt mieux que quiconque. Ce n'était pas un lieu où l'on s'égarait par hasard.
Une heure passa. Puis deux.
Un soupir s'échappa de ses lèvres. Il n'aurait pas dû la ramener ici. Il n'aurait pas dû s'impliquer. Mais maintenant, il était trop tard.
Un mouvement imperceptible le fit redresser la tête. Les paupières de l'inconnue frémirent, et un faible gémissement s'échappa de ses lèvres. Elle luttait contre l'inconscience, ses sourcils se fronçant légèrement.
Puis, soudain, elle ouvrit les yeux.
Deux prunelles d'un vert profond se fixèrent sur lui, dilatées par la peur et la confusion. Pendant une fraction de seconde, elles semblèrent chercher un point d'ancrage. Puis elle se redressa brusquement, haletante, comme un animal acculé.
- Où... où suis-je ?
Sa voix était rauque, brisée. Rowan ne bougea pas.
- En sécurité, répondit-il simplement.
Elle battit des paupières, son regard errant sur la pièce avant de revenir sur lui. Il sentit l'instant où son instinct lui cria qu'elle n'était pas seule. Son dos se tendit, son souffle s'accéléra.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle, la panique filtrant dans son ton.
- Celui qui vous a trouvé dans la forêt.
Elle tressaillit, porta une main tremblante à sa tempe douloureuse.
- J'ai... Je courais... Ils étaient...
Sa respiration s'emballa. La peur brute qui émanait d'elle était presque tangible, et Rowan sentit son loup s'agiter sous sa peau.
- Respirez, ordonna-t-il.
Son ton grave sembla la ramener à la réalité. Elle inspira, lentement, mais son corps restait tendu.
- Qui vous poursuivait ?
Elle secoua la tête, le regard hanté.
- Je... Je ne sais pas.
Mensonge.
Il le percevait dans la légère inflexion de sa voix, dans la façon dont ses doigts se crispèrent sur la couverture. Mais il ne la pressa pas. Pas encore.
Un silence pesant s'installa. Rowan détourna les yeux, fixant les flammes dans l'âtre. Il ne voulait pas s'attacher à cette histoire. Pas plus qu'à cette femme qui, malgré son apparente fragilité, dégageait quelque chose d'indéfinissable.
Mais son odeur...
Il fronça imperceptiblement les sourcils. Quelque chose dans son parfum l'interpellait. Pas simplement l'odeur du sang et de la peur. Autre chose. Quelque chose d'ancien, d'oublié.
Il se leva brusquement, attrapant une bassine d'eau et un linge propre.
- Vous êtes blessée, dit-il, plus pour lui-même que pour elle.
Il se rapprocha, s'agenouillant à ses côtés. Elle recula légèrement, méfiante.
- Je ne vais pas vous faire de mal, grogna-t-il.
Ses yeux verts cherchèrent les siens, comme pour sonder la vérité dans ses paroles. Puis, lentement, elle se détendit, juste assez pour le laisser approcher.
Rowan trempa le linge et l'appliqua sur sa tempe. Elle grimaça, mais ne recula pas. Un silence tendu s'installa tandis qu'il nettoyait le sang séché.
- Votre nom ? demanda-t-il après un instant.
Elle hésita. Puis, dans un souffle :
- Evelyne.
Il répéta mentalement ce nom, le laissant rouler sur sa langue, étrange et familier à la fois.
- Rowan, répondit-il enfin.
Elle releva les yeux vers lui.
- Merci.
Il ne répondit pas. Il ne savait pas pourquoi il l'avait sauvée. Il ne savait pas pourquoi sa présence le troublait autant. Mais une chose était certaine.
Cette femme allait bouleverser tout ce qu'il avait tenté de fuir.
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