Les pneus de la voiture crissèrent légèrement sur le gravier alors que Roxane s'arrêta devant ce qui avait été sa maison d'enfance. Un souffle nerveux s'échappa de ses lèvres tandis qu'elle posait une main tremblante sur le volant. Ce retour, elle l'avait planifié pendant des mois, mais la réalité de revoir ces lieux imprégnés de souvenirs la frappait comme une vague glaciale.
Éléa, sa fille, étira le cou depuis son siège arrière.
- Maman, c'est là où tu habitais avant ?
Roxane sourit faiblement en hochant la tête, mais son regard restait fixé sur la façade vieillissante. Elle se souvenait des journées passées à courir dans ce jardin, des éclats de rire qui emplissaient l'air... avant que tout ne s'effondre.
- Oui, ma chérie, murmura-t-elle. C'est là que tout a commencé.
Mathias, plus calme, observait la scène depuis sa place à côté de sa sœur.
- C'est plus petit que je pensais, dit-il avec une honnêteté brutale qui fit sourire Roxane malgré elle.
Elle ouvrit la portière et descendit, inspirant profondément pour contenir l'angoisse qui montait. Le vent froid de janvier caressa son visage, mais elle n'y prêta guère attention. La maison familiale se dressait devant elle, témoin silencieux des jugements qu'elle avait subis. Les rideaux de la fenêtre du salon bougèrent, et Roxane devina une silhouette furtive, probablement un voisin trop curieux pour ignorer son arrivée.
Elle n'eut pas à attendre longtemps avant que ce voisin ne fasse une apparition plus ouverte. Monsieur Legrand, un vieil homme aigri, traversa la rue avec son chien en laisse. Son regard s'attarda sur elle avec une lueur de reconnaissance mêlée à une pointe de mépris.
- Eh bien, qui voilà, lança-t-il d'une voix traînante. Roxane Villeneuve. On disait que vous ne reviendriez jamais, après tout ce qui s'est passé.
Roxane força un sourire poli.
- Les choses changent, Monsieur Legrand.
Il haussa un sourcil, visiblement peu convaincu.
- Je suppose qu'on verra ça.
Elle resta immobile jusqu'à ce qu'il parte, laissant un goût amer derrière lui. Son passé était une toile complexe, et des figures comme Legrand rappelaient les moments où cette ville semblait s'être retournée contre elle.
Elle fit signe aux enfants de la suivre et retourna dans la voiture, dirigeant le véhicule jusqu'à leur nouvelle maison. Une maison moderne, lumineuse, nichée dans un quartier paisible loin des jugements du centre-ville. Éléa et Mathias bondirent hors de la voiture dès qu'ils arrivèrent, excités à l'idée d'explorer.
Roxane les regarda courir à l'intérieur, laissant échapper un rire à leurs exclamations émerveillées devant les grandes fenêtres et la cuisine ouverte.
- Maman ! Il y a deux salles de bains ! cria Éléa.
- Et un jardin, ajouta Mathias en inspectant les lieux.
Roxane sourit en secouant la tête. Elle aimait les voir si heureux. Ces six dernières années avaient été difficiles, mais ses enfants avaient été sa lumière dans l'obscurité. Elle rejoignit les jumeaux, admirant la maison qu'elle avait choisie avec soin, un espace qui leur offrirait la stabilité dont ils avaient besoin.
Un léger coup à la porte attira son attention. Elle alla ouvrir, découvrant une jeune femme aux cheveux châtains et aux yeux pétillants.
- Bonjour, dit-elle joyeusement. Je suis Alice. Vous m'avez engagée comme assistante.
Roxane lui rendit son sourire, reconnaissante pour cette aide précieuse.
- Oui, bien sûr, entrez.
Alice s'avéra être chaleureuse et pleine d'énergie. Elle plaisanta avec les enfants, leur promettant de cuisiner des biscuits si Roxane lui en laissait le temps, ce qui fit éclater de rire Éléa et Mathias.
La journée passa rapidement dans un tourbillon d'installations et de rires, mais une tension persistante pesait sur Roxane. Elle savait que ce retour dans sa ville natale n'était que le début d'un chemin semé d'embûches.
En début de soirée, elle réalisa qu'ils avaient besoin de courses. La cuisine, bien que moderne, était désespérément vide. Après avoir installé les enfants devant un dessin animé, elle se rendit seule au supermarché local.
Chaque rayon qu'elle parcourait réveillait des souvenirs, des fragments de son ancienne vie. Elle essayait de se concentrer sur sa liste, mais son esprit vagabondait, absorbé par ces fantômes du passé.
Alors qu'elle atteignait le rayon des produits frais, une voix grave interrompit ses pensées.
- Roxane ?
Elle se figea, son cœur battant à tout rompre. Elle tourna lentement la tête et croisa le regard de Victor Delorme.
Il semblait surpris, presque perdu, comme s'il ne s'attendait pas à la voir là. Ses cheveux étaient plus courts qu'avant, quelques mèches grises parsemaient ses tempes. Son visage, bien que marqué par le temps, restait aussi troublant qu'autrefois.
- Victor, dit-elle d'un ton neutre, serrant nerveusement la poignée de son panier.