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Cibles indociles

Cibles indociles

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Chapitres

Au soir du dĂ©cĂšs du GĂ©nĂ©ral De Gaulle, la disparition d'Ernest, un dossier sulfureux, gĂ©nĂšre un vent de panique dans toutes les factions gaullistes. Les mĂ©thodes expĂ©rimentĂ©es aprĂšs la libĂ©ration et pendant la guerre d'AlgĂ©rie ressurgissent ; la barbouzerie devra supprimer les dĂ©tenteurs d'Ernest et utiliser ses secrets Ă  son profit. Le 10 novembre 1970, le passĂ© tumultueux de Simon et Soraya les rattrape. Ernest leur est remis avec une mission prĂ©cise : le remettre Ă  un mystĂ©rieux personnage dĂ©nommĂ© « le footeux » ; une note manuscrite du GĂ©nĂ©ral laissĂ©e en tĂȘte d'Ernest, tel un testament politique. Le couple devra affronter ses ennemis d'hier, le FLN, le S.A.C, la barbouzerie et les divers services secrets Ă©tatiques, dans sa fuite sur le continent africain. Un destin peint en noir dans l'esprit de Soraya par de drĂŽles de personnages Ă  la magie puissante. Biographie de l'auteur Cibles indociles est nĂ© d'une recherche documentaire et identitaire de laquelle transparaissait le rĂŽle d'institutions troubles, dont le Service d'Ordre de De Gaulle devenu le S.A.C., en lutte contre l'OAS et le FLN. Roger Congos a donc voulu construire un rĂ©cit basĂ© sur le vĂ©cu des personnages dĂ©passĂ©s par les Ă©vĂšnements, quels que soient leurs idĂ©aux, leurs utopies ou leurs pragmatismes.

Chapitre 1 No.1

Partie I

Repentance

1

France, le 9 novembre 1970, vers 19 h 45

La pluie redoublait d'intensitĂ© dans une nuit colĂ©rique et inquiĂšte des longs sanglots d'une nature en deuil. Le vent hurlait sa peine dans le parc boisĂ© de deux hectares et demi qui entourait l'ancienne brasserie du village. Un grand chĂȘne de l'espĂšce humaine s'Ă©tait abattu.

Les larmes de l'histoire qui couvent les géants d'un destin, parfois tragique, posÚrent leurs regards sur la baie de la tour hexagonale de la vieille bùtisse construite en 1843.

DerriĂšre la fenĂȘtre, dans la piĂšce lĂ©gĂšrement Ă©clairĂ©e, le buste affaissĂ© d'un homme assis sur un fauteuil blanc gisait sur une table de bridge recouverte d'une feutrine verte.

Dans le salon de travail attenant, plusieurs silhouettes s'agitaient, incrédules, mais intéressées et inquiÚtes.

La Boisserie1Ă©tait en effervescence. À Colombey-les-Deux-Églises, le monde libre perdait le plus illustre de ses citoyens, victime d'une rupture d'anĂ©vrisme, le GĂ©nĂ©ral Charles de Gaulle.

RĂ©unis dans le bureau contigu, les petits de ce monde convinrent de ne pas annoncer immĂ©diatement le dĂ©cĂšs du plus illustre des Français. Le secret serait conservĂ© dans l'intimitĂ© familiale l'espace d'une nuit de recueillement. Seuls les proches, les trĂšs proches, seraient aussitĂŽt prĂ©venus. La veuve, trop affectĂ©e pour donner ses directives, drapait sa peine dans le silence de sa dignitĂ©. Dans la cheminĂ©e, de vieux vĂȘtements se consumaient, victimes du feu ardent de la notoriĂ©tĂ©. Pas de reliques, avait-elle dit.

La mort, honteuse de son Ɠuvre temporelle, sans le savoir, avait Ă©levĂ© sa victime au rang des grands, ceux dont l'histoire retiendrait une action humanitaire, culturelle, politique ou... criminelle.

L'épreuve imprévue brutalisait les barons et compÚres qui avaient beaucoup à perdre sans la haute tutelle protectrice du Général.

Le bureau de Charles de Gaulle, situĂ© dans la tour d'angle hexagonale, abritait des objets personnels, un briquet, un sous-main, des souvenirs frappĂ©s du « V » de la victoire, de la croix de Lorraine et curieusement des fils de fer barbelĂ©s du camp d'internement de CompiĂšgne Royallieu. Une PietĂ  du XVesiĂšcle dominait cette barbelure d'un Ɠil rĂ©probateur, consciente de sa signification en cette demeure symbolique, celle du chef de la France Libre. Un simple regard posĂ© sur cette Ɠuvre rappelait qu'elle fut apportĂ©e en ce lieu par Konrad Adenauer lui-mĂȘme, en HĂ©raut de paix, en signe de rĂ©conciliation des peuples français et allemand.

Une tapisserie d'Aubusson Ă©gayait la salle Ă  manger typiquement normande. Une maquette du navire « FRANCE », dont Yvonne de Gaulle Ă©tait la marraine, Ă©voquait les rĂȘves de grandeur du GĂ©nĂ©ral

Dans le désordre des émotions, des yeux intéressés scrutaient et ne trouvaient toujours pas ce qu'ils cherchaient dans le bureau imprégné des parfums entrelacés de la gloire étincelante du défunt et de l'amertume d'une trahison. Les paupiÚres basses et les dos voûtés laissaient deviner l'angoisse et la crainte de ne pas pouvoir subtiliser l'objet convoité.

Sur la bibliothĂšque se remarquaient les MĂ©moires d'outre-tombe de Chateaubriand et le MĂ©morial de Sainte-HĂ©lĂšne de Las Cases, et des ouvrages plus simples comme le Lion de Joseph Kessel ou les Ɠuvres complĂštes de Jules Verne.

Au-dessus Ă©taient accrochĂ©es des photos en noir et blanc, dĂ©dicacĂ©es par les plus grands chefs d'État ou de gouvernement, dont le prĂ©sident Kennedy, la reine Élisabeth II, ou Churchill.

En face de ces illustrations, le symbole des humbles rayonnait comme un défi aux puissants de ce monde : quatorze lampes de mineurs offertes par les chtisau Général à chacune de ses visites dans le Nord, sa région d'origine.

En dessous d'un tableau sombre inspirant le secret par ses tons obscurs, un Ă©trange meuble bas. L'objet recherchĂ© dĂ©nommĂ© dans le jargon des initiĂ©s, Ernest, celui dont seul le GĂ©nĂ©ral connaissait le contenu reposait dans un tiroir profond et large, protĂ©gĂ© par une cote cartonnĂ©e sur laquelle s'Ă©tirait une mention en belles lettres capitales : SECRET-DÉFENSE.

Ernest, un dossier à la nuisance redoutée, fut vite caché dans la sacoche noire aux trois gros soufflets et aux ferrures luisantes d'un acier patiné froid et gris. Dix kilos de nitroglycérine ne seraient pas plus explosifs que les révélations des documents précieusement conservés et compilés dans Ernest

Le cambrioleur, mission accomplie, pouvait désormais s'occuper d'officialiser le décÚs dans les sphÚres du pouvoir.

Pas de téléphone dans le bureau ni dans la bibliothÚque.

- Dans le vestibule, dĂ©clara un habituĂ©. Vous le trouverez facilement, c'est en bas de l'escalier, lĂ  oĂč vous observerez, accrochĂ©s aux murs, des masques africains, des dĂ©fenses d'Ă©lĂ©phant et des sagaies en bois. En dessous, avec les objets que le GĂ©nĂ©ral n'aimait pas, comme le tĂ©lĂ©phone.

Le combiné reposait sur un meuble bas fermé, camouflé par divers journaux. Les coups de fil s'égrenÚrent, chuchotés.

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