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Pourquoi? Parce que nous sommes les filles !

Pourquoi? Parce que nous sommes les filles !

larissayameni

5.0
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Chapitres

Pourquoi ? Parce que nous sommes les filles! est le combat d'une jeune fille qui s'inscrit en faux sur la discrimination des filles. Elle va briser toutes les lois et franchir les barrieres interdites afin d'atteindre son objectif. Plus encore, elle volera au secours de ses pairs afin de les aider à «se mettre debout». Une tùche qui ne sera point facile et qui exigera un déchirement de sa personne.

Chapitre 1 La dot

Introduction

La lutte contre la pauvreté et le développement durable, la croissance de la production économique à l'échelle nationale, continentale et mondiale, ne peuvent s'opérer sans l'apport et l'implication significatifs des femmes. Une femme est d'abord une fille. Pour atteindre ces objectifs, la non/sous scolarisation des filles s'impose comme un facteur limitant.

En Afrique en particulier, soixante-quinze pour cent des femmes instruites ou non, ont la lourde responsabilité de suivre, seules, l'éducation de leur progéniture sur tous les plans (intellectuel, moral et physique).

Quelle éducation une analphabÚte peut transmettre à sa progéniture ?

Quel suivi ?

Quelle place occupe une analphabÚte dans la société ?

C'est à la lumiÚre des effets drastiques que présentent la non/sous scolarisation des filles, que nous avons choisi en premier lieu, le thÚme sur la jeune fille.

Il est aisé de dire qu'il faut scolariser les filles. Mais si l'on ne peut pas comprendre et vivre le préjudice qu'elles subissent, leurs limites, leur incapacité à faire face aux événements dont elles sont victimes, il est difficile d'avoir la moindre indulgence et de se lever contre ces faits ; ainsi le combat resterait dérisoire.

Il est des situations, il est des histoires, il est des expĂ©riences telles que, si nous ne les avions pas visualisĂ©es, entendues ou lues, il devient extrĂȘmement difficile de se lever avec vivacitĂ© et conscience pour combattre ces phĂ©nomĂšnes. C'est dans ce sillage que j'Ă©tale les conditions dĂ©plorables, vulnĂ©rables et piteuses des jeunes filles. « Pourquoi ? Parce que nous sommes des filles ? » Relate l'amour qu'a le personnage principal NaĂŻmatou pour l'Ă©cole. NaĂŻmatou passera par des difficultĂ©s inimaginables afin d'atteindre son objectif. Elle s'attellera par la suite Ă  prĂȘter main forte Ă  toutes les personnes qui seront dans la mĂȘme condition. Elle notera que cette lutte n'est pas la tĂąche d'une personne, encore moins d'une nation, mais du monde entier.

Tous les thÚmes de « la collection leçons de vie » seront abordés sous forme de récit, dans le souci d'amener le lecteur à comprendre la portée d'un fait social, de se mettre à la place des différents personnages peints, d'en tirer des leçons, surtout de s'engager dans la lutte pour éradiquer les maux mis en lumiÚre.

La dot

Dans un petit village de la rĂ©gion du Nord-Cameroun, au paysage naturel, les cabanes pittoresques construites en paille, s'Ă©tendaient Ă  perte de vue. Rien que la vue des cabanes joliment tissĂ©es attirait des touristes. Les mƓurs et les traditions des gens de cette zone nous donnaient l'impression d'ĂȘtre dans un monde du treiziĂšme siĂšcle, pourtant le vingt et uniĂšme siĂšcle, le siĂšcle du modernisme, avait bel et bien sonnĂ© Ă  toutes les portes, dans tous les continents.

Dans ce modeste village, on croyait que les habitants constituaient une seule et mĂȘme famille, pourtant les dialectes Ă©taient autant diffĂ©rents que variĂ©s. Mais il y avait une langue locale commune, celle parlĂ©e par tous les villageois, au point que, si quelqu'un n'Ă©tait pas un natif du village, il croirait facilement que c'est l'unique langue du coin. Ce qui est assez frappant, ce sont les salutations. On dirait que les gens de cette localitĂ© ont toujours Ă  se dire. Les salutations se dĂ©roulent d'une maniĂšre particuliĂšre. . Lorsqu'ils se croisent, ils se saluent longuement cela dĂ©passe l'entendement ; mĂȘme lorsque chacun est en train de partir dans sa direction, ils prennent le temps de se saluer. Vous allez carrĂ©ment trouver quelqu'un qui est en train de rĂ©pondre aux salutations d'une autre personne qui est en train de partir dans le sens inverse et qui est Ă  deux cents mĂštres de lui.

En voici un exemple :

- Bonjour.

- Merci bien.

- Comment vas-tu ?

- Bien et toi ?

- Bien. Comment se porte madame ?

- Bien.

- Les enfants sont en santé ?

- Oui ils vont bien.

- La maman est en santé ?

- Oui ça va.

- Et le papa ? - Il va bien.

- Et l'oncle ? - Bien.

- La tante ?

- Bien.

- Les frĂšres ?

- Ils vont bien

- Les sƓurs ?

- Elles vont bien.

- Le voisin de devant ?

- Il va bien.

- Et le voisin de derriĂšre ?

- Ça va.

- Le voisin de gauche ?

- Il va bien.

- Et le voisin de droite ?

- TrĂšs bien. Les tiens Ă©galement vont bien ?

- Oui Merci.

- Longue vie Ă  toi.

- Longue vie Ă  toi.

Les salutations ont une durée minimale de cinq minutes.

C'est fascinant.

A l'intĂ©rieur des cabanes il n'y avait pas de lits, mais des nattes. Il n'y avait pas de chaises, mais des tabourets. Il n'y avait pas de tables, on mangeait Ă  l'extĂ©rieur, Ă  mĂȘme le sol prĂ©alablement couvert de nattes. Tous les hommes mangeaient ensemble dans un plateau oĂč l'on servait le repas, du plus petit au plus grand. De mĂȘme les femmes, elles mangeaient toutes dans un plateau qui contenait un repas pour toutes. C'Ă©tait un style de vie qui intriguait les touristes, les gens venant d'ailleurs, pourtant convivial et commode pour les natifs de la localitĂ©.

Il Ă©tait presque impossible d'avoir une information venant d'une femme du village pour une personne venant d'ailleurs. C'est difficile parce que, soit elle ne comprend pas du tout ce qu'un Ă©tranger lui dit, soit elle n'a pas le droit de parler aux inconnus. Donc, lorsqu'un Ă©tranger voulait obtenir une quelconque information d'une femme, elle cachait son visage et partait sans dire un mot ou alors regardait l'Ă©tranger en face d'elle comme un monstre et pressait le pas, question de fuir. Lorsqu'une femme rencontrait un homme de la localitĂ©, elle baissait carrĂ©ment la tĂȘte avant de le saluer ou d'Ă©couter le message que ce dernier avait Ă  lui transmettre. Le monsieur devait d'abord s'en aller Ă  la fin de la conversation avant qu'elle ne relĂšve la tĂȘte pour partir Ă  son tour. Cette scĂšne Ă©tait indubitablement frappante.

A l'école, tout le personnel enseignant était constitué uniquement d'hommes. Les enfants de cette localité ne savaient pas qu'il existait des institutrices. Non, il n'y avait que des instituteurs dans leur école. En fait les enfants de la localité savaient que la femme était faite pour le foyer : faire les enfants surtout de sexe masculin, s'occuper de son mari, de ses enfants. Voilà ses attributions et rien de plus.

Sadiatou Ă©tait dans la cabane de la sage - femme du village pour accoucher. Son Ă©poux Balis Ă©tait assis Ă  l'extĂ©rieur en compagnie d'amis, il voulait entendre les cris d'un bĂ©bĂ© et expĂ©rimenter la joie de devenir papa pour la deuxiĂšme fois. Lui et Sadiatou Ă©taient dĂ©jĂ  parents d'une fille. Il Ă©tait impatient et anxieux bien que ses compagnons fussent Ă  ses cĂŽtĂ©s. En rĂ©alitĂ©, ces derniers n'Ă©taient point lĂ  pour le rassurer. Ils Ă©taient lĂ  comme prĂ©tendants en vue de proposer chacun d'eux une importante somme d'argent pour faire de la fillette Ă©ventuelle, la future Ă©pouse de l'un d'eux. Dans le cas contraire, si c'Ă©tait un garçon, le pĂšre Ă©tait considĂ©rĂ© comme puissant, fort et honorĂ© par la venue de celui – ci, d'un hĂ©ritier, synonyme de prestige.

Les va-et-vient des femmes dĂ©voilaient que l'accouchement Ă©tait pratiquement difficile. Cependant quelques heures plus tard, on entendit les cris du bĂ©bĂ©, et les messieurs se levĂšrent pour attendre la sortie de la sage - femme. Si celle-ci sortait les mains vides, cela signifiait que l'enfant Ă©tait de sexe fĂ©minin. Si elle sortait avec un enfant, cela prouvait que c'Ă©tait un garçon. Dans ce cas, celui – ci Ă©tait remis au papa qui Ă  son tour effectuait quelques rituels pour un accueil digne d'un prince, d'un hĂ©ritier. Si le bĂ©bĂ© Ă©tait mort - nĂ©, personne ne sortait, les dames Ă  l'intĂ©rieur de la cabane lançaient des cris de douleur pour signifier le dĂ©cĂšs du bĂ©bĂ©. Si c'est la maman qui succombait aprĂšs l'accouchement, les accoucheuses lançaient ses vĂȘtements Ă  l'extĂ©rieur, le message Ă©tait tout de suite saisi.

Il y a un adage qui dit : « le malheur des uns fait le bonheur des autres ». La sage - femme sortit les mains vides de la cabane et tout le monde comprit que c'Ă©tait une fille qui vint au monde. Ce fut un dĂ©sarroi pour le pĂšre qui frappa les pieds au sol ; mais un Ă©vĂšnement heureux pour les prĂ©tendants de sa fille qui Ă©taient assez nombreux. Le papa Ă©tait frustrĂ©. Ses amis commencĂšrent Ă  proposer de fortes sommes d'argent pour l'avoir pour femme. Le premier dit : un million, le second monta les enchĂšres Ă  un million cinq cent mille et un autre Ă  deux millions. Pendant un bon moment, les enchĂšres tournaient autour de deux et deux millions et demi. Puis, un homme qui ne s'Ă©tait pas prononcĂ© depuis le dĂ©but de la discussion dit : trois millions de francs CFA. Cette somme vint intimider les autres qui se turent. Ainsi, le papa signa le contrat de la dot pour sa fille ĂągĂ©e Ă  peine d'une heure de temps avec ce dernier. Il Ă©tablit sĂ©ance tenante un exemplaire d'acte de naissance non certifiĂ©. L'homme donna le nom de NaĂŻmatou Ă  sa fille. Le futur Ă©poux donna des instructions prĂ©cises : il souhaite que sa future Ă©pouse soit bien prĂ©parĂ©e Ă  ĂȘtre une bonne femme au foyer, mais par – dessus tout, qu'elle ne soit pas scolarisĂ©e.

Finalement, le groupe d'hommes alla prendre un pot offert par le futur Ă©poux. Ce pot Ă©tait loin d'ĂȘtre celui du vin ou de la biĂšre, non ! Pas du tout !Il s'agissait plutĂŽt de la bouillie faite Ă  base de maĂŻs, de soja ou de riz accompagnĂ©e de meilleurs beignets soufflets faits Ă  la maniĂšre des spĂ©cialistes en matiĂšre culinaire de la localitĂ©.

Durant cette causerie, ses amis lui firent comprendre que ça en Ă©tait trop, il fallait qu'il aille prendre une seconde Ă©pouse. Il avait dĂ©jĂ  deux filles. « Non ! Cette femme a un problĂšme », dirent – ils. Pour eux, c'est la femme qui Ă©tait Ă  condamner relativement au sexe de l'enfant. Or la femme n'a pas toutes les cellules sexuĂ©es, elle a uniquement la cellule sexuĂ©e X, alors que l'homme a Ă  la fois les cellules X et Y. Lorsqu'il donne Ă  la femme la cellule X, elle donne naissance Ă  une fille. Quand il donne Ă  la femme la cellule Y, elle accouche d'un garçon. Donc, qui doit ĂȘtre rĂ©prouvĂ© si l'enfant est de sexe fĂ©minin ? Surtout pas la femme car elle n'a qu'une cellule sexuĂ©e X! S'il faut rĂ©primander une personne sur son incapacitĂ© Ă  donner ses cellules sexuĂ©es Y, c'est bien l'homme.

DÚs lors, Balis prit la résolution de prendre une autre femme qui lui donnera probablement un enfant de sexe masculin.

La semaine d'aprĂšs, il alla prendre sa fiancĂ©e qu'il avait pareillement dotĂ©e Ă  la naissance. Cette derniĂšre Ă©tait Ă  peine ĂągĂ©e de quinze ans. La femme nouvellement arrivĂ©e, aidait sa coĂ©pouse dans des tĂąches mĂ©nagĂšres. Quand on les voyait, elles avaient l'air d'ĂȘtre grande - sƓur et petite - sƓur. Il n'y avait pas de distinctions entre elles, ou entre les futurs enfants, elles ne se haĂŻssaient pas. On ne disait pas ma demi-sƓur ou mon demi-frĂšre ! Il n'Ă©tait pas non plus question de dire mon cousin ou ma cousine ! Non, plutĂŽt ma sƓur, mon frĂšre, peu importe qu'il soit l'enfant de la premiĂšre, deuxiĂšme ou cinquiĂšme femme ; ou celui de l'oncle, de la tante etc.

Il y avait des moments oĂč les villageois se retrouvaient en ville, endroit oĂč les gens avaient une maniĂšre diffĂ©rente de vivre. Et en les observant, les citadins se demandaient toujours comment ces individus rĂ©ussissaient Ă  vivre cinq dans une piĂšce. En rĂ©alitĂ© mĂȘme en ville, ils avaient gardĂ© leurs habitudes, pas besoin d'avoir des lits qui occupent trop d'espace, les nattes Ă©taient largement suffisantes et confortables pour eux.

Balis, aprÚs avoir pris une autre femme, expérimentera le « malheur » qu'il a eu la derniÚre fois ; dix mois plus tard, elle va donner naissance à un enfant de sexe féminin. Le mari, trÚs en colÚre, va cette fois prendre trois femmes à la fois, question de multiplier ses chances d'avoir son prince, son héritier.

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