En à peine 16 ans, Seynabou connaissant que la vie du village se retrouve mariée a un homme qu'elle se souvient n'avoir jamais vu auparavant. Et pour couronner le tout elle va devoir partager la vie de cet homme avec une autre femme...
LA FEMME DE MON MARI
CHAPITRE UN
Elle le regarda comme si c'Ă©tait la premiĂšre fois qu'elle le voyait. En y rĂ©flĂ©chissant bien, ce n'Ă©tait pas faux, puisque d'aprĂšs les explications fournies par sa mĂšre, elle devait avoir cinq ans la derniĂšre fois qu'il avait mis les pieds dans ce village. Aujourd'hui, ĂągĂ©e de dix-neuf ans, elle ne se souvenait pas de lui. Elle avait pourtant bien essayĂ© une centaine de fois, parce ce que c'Ă©tait aujourd'hui mĂȘme qu'elle allait devenir sa femme, oui bien sĂ»r sa femme.
Elle avait encore le souvenir de ce jour oĂč, de retour des champs, son pĂšre l'avait convoquĂ© pour lui dire que l'homme qui allait devenir son mari depuis toujours allait rentrer. Elle avait alors eu peur. Comment allait-elle rĂ©agir devant cet inconnu dont sa mĂšre lui rappelait souvent l'existence ?
N'était-ce pas vrai que ce mariage avait été décidé dÚs sa naissance ?
-Ah tu as vraiment de la chance sĆurette, lui souffla sa sĆur prĂšs d'elle.
Humm, pouvait-on appeler cela de la chance ? Ătre promis Ă quelqu'un avant de savoir distinguer les choses, n'est-ce pas ce que lui avait dit son pĂšre ?
-Ma fille, n'oublie pas que tu es promise depuis ta naissance au fils de mon frĂšre en ville. Je ne te demande pas ton avis, mais juste t'informer.
Lui avait-on une fois demandé son avis ? Ne venait-il pas de gùcher son année scolaire qui tirait bientÎt à sa fin ? Et que pouvait-elle bien dire à ce sujet ? La parole de son pÚre n'avait jamais été remise en question, jamais.
Aujourd'hui, elle se trouvait lĂ dans cette case, en train d'espionner la rĂ©union tenue par les grands du village au sujet de son mariage. Elle n'avait toujours connu que ce village qui se trouve dans la rĂ©gion de Diourbel. SituĂ© Ă des milliers de kilomĂštres de la ville, elle n'avait jamais eu la chance de le quitter pour voir ce qui se cachait dehors. Pourtant, on raconte que la vie Ă©tait belle dans les villes: de grands Ă©crans de tĂ©lĂ©vision, de hauts bĂątiments, une nouvelle technologie hors du commun, etc. Ăa faisait rĂȘver pour une fille qui vivait dans un village qui n'avait mĂȘme pas d'Ă©lectricitĂ©. Oh, la seule chose qui la rapprochait de la grande ville Ă©tait ce tĂ©lĂ©phone en modĂšle ancien qui lui permettait de faire des Ă©changes avec certains de ses proches.
En y songeant bien, elle aimait ce village, mĂȘme s'il n'y avait rien de particulier si ce n'est ces petites cases qui servaient de dortoir ainsi que de vastes champs qui leur permettaient de survivre. Beaucoup de choses manquaient dans ce village, mais ce qui constituait sa richesse, ce dont les habitants se rĂ©jouissaient c'est l'amour, la tolĂ©rance et le partage qui y rĂ©gnait: dĂšs qu'une chose manque chez toi, tu peux le retrouver chez ton voisin. Aujourd'hui, nĂ©anmoins, elle devra dire adieu Ă ce village, car cette fois elle le quittera dĂ©finitivement pour aller vivre avec son mari.
***
Revenant Ă la rĂ©alitĂ©, elle vit ses sĆurs en train de rire du spectacle dont elles faisaient face. Ayant grandi dans une famille polygame, elle fut le seul enfant de sa mĂšre. Aujourd'hui elle devait l'honorer comme une digne fille.
La vie n'Ă©tait pas facile dans une maison oĂč quatre femmes se battaient pour un seul homme. Combien de fois avait-elle assistĂ© Ă des disputes insensĂ©es dans la cour de la maison en l'absence du chef de famille ?
Combien de fois avait-t-elle essuyé les larmes qui perlaient sur les joues de sa mÚre ? Elle lui avait bien donné ce conseil:
-Ma fille, tu vois tout ce que je subis dans cette maison. Pourtant j'y reste, non par contrainte, mais par choix. Laisse-moi alors te dire une chose: Qu'importe l'attitude qu'aura ton mari Ă ton Ă©gard, n'Ă©lĂšve jamais ta voix devant lui et ne lui manque jamais de respect. Il est le chef et il ne peut y avoir deux rois dans un seul royaume. Accepte, supporte et ferme les yeux sur ses agissements. Si tu as mal, alors entre dans ta chambre et pleure.
Promets-moi que jamais tu ne quitteras ce mariage.
Elle se demanda ce qu'elle devait rĂ©pondre aprĂšs le discours de cette femme qui l'avait mis au monde ? Elle regardait chaque coin et recoin pour ne rien oublier. Elle avait dĂ©jĂ la nostalgie de son terroir. Elle Ă©tait encore en train de rĂȘver lorsqu'elle vit une de ses tantes entrer dans la case.
-Seynabou, ton pÚre demande à ce que tu les rejoignes, lui dit-elle en lui lançant un regard méprisant.
Depuis l'annonce du mariage, beaucoup de rancunes avaient vu le jour. Les autres femmes en voulaient Ă son pĂšre de l'avoir choisi elle comme celle qui devait Ă©pouser le riche jeune homme. Il courrait dans les rumeurs qu'il est un homme riche, dirigeant ses propres affaires dans la Capitale.
Elle lui enjamba le pas pour aller retrouver son gĂ©niteur. Arrivant prĂšs d'eux, elle les salua en baissant les yeux. Son pĂšre reprit la parole pour la prĂ©senter Ă sa nouvelle famille. La tĂȘte baissĂ©e, elle se demandait ce qu'ils devaient penser d'elle ? Pour faire une bonne impression, elle avait choisi le style naturel. Ătant d'une beautĂ© rare, elle semblait tout droit sortir d'un de nos contes africains qui narraient l'existence de la beautĂ© des femmes ensorcelantes. Elle Ă©tait un peu petite de taille, avec une forte poitrine ainsi que des hanches larges qui se balançaient au rythme de ses pas. Sa peau Ă©tait aussi noire que la nuit et elle avait de si grands yeux, un nez bien droit et des lĂšvres charnues.
Plus personne dans le village ne mettait en doute sa beauté. Les hommes en tombaient fous dÚs le premier regard et les filles la jalousaient. Pourtant, elle n'était pas consciente de cette beauté qui faisait que beaucoup d'hommes ont cherché à l'avoir mais qu'aucun n'avait réussi, puisque déjà promise à quelqu'un d'autre.
-Ma fille approche toi, entendit-elle dire la femme qui devait ĂȘtre sa belle-mĂšre.
En attendant son pÚre pour avoir son approbation, elle s'approcha de la concernée.
-Oh que tu es magnifique ! Entendit-elle s'exclamer.
Elle avait plusieurs fois entendu cette phrase mais refusait d'y croire. A quoi bon ĂȘtre magnifique, si cela devait rester Ă©phĂ©mĂšre. Ne pouvant y rĂ©sister, elle jeta un coup d'Ćil Ă son mari qui la regardait droit dans les yeux.
Elle allait retourner à sa place lorsque sa mÚre lui fit signe de rester. Obéissante comme toujours, elle resta sur place et les écoute encore parler lorsque soudain, des cris de joie se font entendre:
-à partir d'aujourd'hui, je vous donne ma fille qui, dÚs qu'elle sortira de ce village accompagnée de vous, ne sera plus la mienne mais la vÎtre.
Des exclamations vinrent de partout. Elle était bien consciente que la majorité se réjouissait de ce mariage, ceci du fait que sa belle-famille avait apporté beaucoup de choses pour bien se faire remarquer dans le village.
Une sorte de bienveillance pour avoir la bonne grĂące de tout le monde.
-Allez la préparer pour le départ, ordonna son pÚre.
Elle voit sa mĂšre lui faire signe de la suivre dans sa case. Elle se leva en faisant signe de respect aux grands du village avant de rejoindre sa mĂšre.
-N'oublie pas tout ce que je t'ai enseignĂ© ma fille, par la grĂące de Dieu ne me fais pas honte. [Elle hocha la tĂȘte] N'oublie pas que jamais une femme doit tourner le dos Ă son mari et que jamais tu ne dois te refuser Ă lui. Il est ton maĂźtre, ne discute jamais ses ordres, rĂ©alise ses dĂ©sirs avant mĂȘme qu'il ne te le demande. N'oublie pas aussi qu'on retient un homme par son ventre. Ventre plein, visage heureux.
Elle continua juste Ă hocher la tĂȘte. Elle ne comptait plus le nombre de fois que sa mĂšre lui avait rĂ©pĂ©tĂ© ces mots. Elle le regarda sortir son plus beau bijou: un bracelet en argent avant de le lui mettre au poignet. Le jour oĂč elle l'avait mis pour la premiĂšre fois, sa mĂšre le lui avait arrachĂ© des mains, disant que c'Ă©tait un cadeau de sa grand-mĂšre le jour de son mariage Ă elle. Depuis lors, sa mĂšre la gardait prĂ©cieusement promettant de la lui donner le jour de son mariage. Ce jour Ă©tait arrivĂ© plutĂŽt qu'elle ne le pensait. Elle ressentait un pincement au cĆur Ă l'idĂ©e de quitter sa mĂšre.
Sans pouvoir retenir ses larmes, elle l'agrippa fortement en la serrant contre elle. Sa mĂšre, sa seule amie depuis toujours allait beaucoup lui manquer aprĂšs son dĂ©part. Elle sentit sa mĂšre renifler derriĂšre son cou avant de se dĂ©tacher d'elle. Elle la regarda dans les yeux et lui promit de venir lui rendre visite Ă chaque fois qu'elle le pourra. En rĂ©alitĂ©, ces mots n'Ă©taient que pour la rĂ©conforter. Les prĂ©paratifs Ă©tant finis, elle sortit de la case sous les derniers conseils de sa mĂšre. Elle regardait cette voiture dans laquelle se trouvaient dĂ©jĂ ses petites affaires. On voyait le reflet des gens Ă travers le feu de bois allumĂ© devant la maison. Elle embrassa une Ă une ses sĆurs et en dernier lieu sa mĂšre qui lui rappela d'ĂȘtre une bonne femme. PlacĂ©e dans le vĂ©hicule, elle n'arrivait Ă distinguer ses paires Ă cause de ses larmes qui ne cessaient de couler.
Elle entendit le vrombissement et eut à peine le temps de regarder sa mÚre que la voiture commençait à s'éloigner. Elle regardait encore et encore derriÚre elle jusqu'à ne plus voir des tas d'arbres derriÚre eux. Elle se tourna alors et vit assis prÚs d'elle son mari. Celui avec qui elle était lié pour toujours.
Chapitre 1 Le départ
04/06/2021
Chapitre 2 Perdue
04/06/2021
Chapitre 3 Les rĂšgles
04/06/2021
Chapitre 4 La dot
04/06/2021
Chapitre 5 DĂźner
04/06/2021
Chapitre 6 L'Ă©change
04/06/2021
Chapitre 7 La nuit
04/06/2021
Chapitre 8 PremiĂšre fois
04/06/2021
Chapitre 9 Retour
05/06/2021
Chapitre 10 Les visiteuses
05/06/2021
Chapitre 11 Le test
05/06/2021
Chapitre 12 L'accusée
05/06/2021
Chapitre 13 Vérité
10/09/2021
Chapitre 14 Amant
10/09/2021
Chapitre 15 ĂPILOGUE
10/09/2021
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