La couleur des larmes

La couleur des larmes

promotion

5.0
avis
423
Vues
33
Chapitres

Nelly Pujold, fillette plutôt curieuse, vit avec sa grand-mère dans une grande propriété entourée d'un champ de lavande. Malgré une jeunesse insouciante et heureuse, elle s'inquiète sans cesse de devoir perdre un jour tous ceux qu'elle chérit profondément. Prenant conscience qu'il lui faudra voler de ses propres ailes, elle va en quête de cette âme sœur lointaine et évanescente, susceptible de combler le vide qui sera laissé. Que lui réserve cette aventure ? Jusqu'où ira-t-elle ? À PROPOS DE L'AUTEUR Fortement influencé par les écrivains naturalistes et humanistes comme Zola et Hugo, Luciano Cavallini explore les différentes nuances de sa plume. Dans La couleur des larmes, il nous propose un voyage dans l'enfance où s'entremêlent amour et deuil, dans un vocabulaire et un décor soigneusement choisis.

Chapitre 1 No.1

Du même auteur

- Les carnets de nuit, Éd. Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1983 ;

- Le cancer d'Aphrodite, Éd.Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1985 ;

- Encre d'échine, Éd. Indigo-Montangero, Montreux, 2003 ;

- Le lys de verre, Éd.Persée, Paris et Cogolin, 2009 ;

- L'Affaire Jéricho, Éd.du Panthéon, Paris, 2014 ;

- Montreux fantastique et mystérieuse, Éd.Cabédita-Slatkine, 2019 ;

- Bleu-muet, Polar fantastique, Le Lys Bleu Éditions, 2020 ;

- La trahison de Mercure, Polar fantastique, Éd.Librinova, 2020 ;

- Exercices de stèles - Le grand retour des cendres, Le Lys Bleu Éditions, 2022.

À ma fille Gaïa, dont l'enfance éperdue éclate toujours

au fil de ces pages.

À Geneviève Beaucage, cette héroïne sans commencement ni fin, qui perdure à scintiller entre les lignes depuis novembre 2005.

Un

Nelly Pujold jouait depuis plusieurs heures déjà sur les graviers brûlants de l'allée.

Un été chaud frappait Montélimar, si chaud que de temps à autre la fillette s'arrosait le corps avec le tuyau du jardin. Elle sentait monter l'odeur de jute, regardait la terre boire l'eau avec avidité en formant des bulles.

De gros insectes s'enfuyaient, des coléoptères verdâtres, des fourmis, tout un monde venant d'interstices profonds et s'en retournant, passant entre les dalles disjointes ou le terreau habillant les dessous de balcons. Nelly observait ces voyageurs étranges, imaginant d'énormes contrées avec des abysses, des couloirs se perdant dans toutes les directions à la fois, possédant une reine tentaculaire, aux mâchoires cartilagineuses et des yeux rougeâtres en tête d'épingle.

Elle voulait s'évader...

- Tu rêves de près, ma fille ?

- Oh, grand-mère ! Tu m'as effrayée !

- As-tu des tracas, ma pitchounette ?

- J'aimerais m'en aller dans le pays des bêtes.

- En voilà de drôles d'idées ! Le pays des bêtes !

- Ce ne sont pas des idées.

- Tu es encore bien petite pour penser à t'envoler !

- Tout le monde me dit la même chose ! Ça m'escagasse à la fin ! J'ai beaucoup grandi depuis l'été dernier ! Tiens, regarde ! L'année passée, je ne pouvais pas toucher la corniche de ta fenêtre, eh ben maintenant, j'arrive sans peine à fermer toutes les persiennes !

- Eh bien, laisse-les seulement ainsi, sinon ce soir, on va cuire, et l'oncle Marcel va encore se plaindre de ses clous dans la nuque !

- Si on allait faire la sieste ? Tu sais, j'adore quand tu me racontes une histoire dans la pénombre.

Le plafond se met à bouger. Il prend la couleur des glycines, je vois les frissons danser, et je pars loin... Si loin ! En plus, le bois sent bon la vanille !

- Tu sais bien que je ne peux pas ! J'attends Lilette et Marcel, je viens de te le dire, voyons !

- Tu m'as pas dit pour Lilette ! Zut alors ! Elle va encore nous apporter ces gelées de coing dures comme de la gomme ! Et puis l'oncle, il me fait peur avec sa grosse voiture à manivelle, qu'il n'arrive jamais à démarrer ! en plus, c'est pas bien, il n'arrête pas de jurer et personne dit rien.

- Tu sais, ma petite Nelly, je crois que je vois ce qui ne va pas chez toi. Si ta pauvre mère était encore en vie, elle aurait pu te construire un petit frère ou une petite sœur. Tu t'amuserais bien et ne t'ennuierais pas en compagnie d'une si vieille dame !

- Comment peux-tu dire ça ! Je t'aime tellement ! Tu veux donc me rendre bien triste pour la journée !

- Cela n'a rien à voir, Nelly, que tu m'aimes ou pas, si tu es seule ! Il faut te trouver une occupation pour l'été ! Tiens ! Pourquoi n'irais-tu pas aider le père Floriette dans son épicerie ?

- Quelle horreur ! Tu as vu ces mains ! Elles sont toutes sales ! Elles sont aussi noires et rugueuses que de la gravelle ! J'ai pas envie que ça me vienne pareil !

- Ne dis pas ça, Nelly ! Le travail ne salit jamais, tu m'entends ? Jamais ! Pis... Avec un peu de chance, il t'apprendra à cuisiner le meilleur pistou de tout le Midi !

- Je me fiche pas mal du pistou ! Moi, je voudrais entrer dans le nougat !

- Moi ! Moi ! Moi ! C'est que ça a son caractère cette pitchounette ! Tiens, j'y retrouve ta mère ! T'es pas la fille de ma petite Adeline pour rien, va ! Oui... Ta chère maman. Mais... Ne rêve donc pas, Nelly ! C'est pas parce que ça sent bon que c'est du facile ! Ça ne tiendra jamais, c'est une lubie cette fabrique ! Non, crois-moi, il faut vite t'enlever ces vilaines idées de la tête ! C'est qu'une mode, une lubie, rien de bien méchant, tu verras, comme toutes ces nouveautés ! Aide-moi plutôt à installer le service à thé dans le jardin, ça me sera bien plus utile. Et n'oublie pas l'anisette de l'oncle Marcel ! Pendant ce temps, je vais dresser les parasols !

Nelly pénétra dans la cuisine. Contrariée. Juste devant, le lavoir de pierre trônait, astiqué avec soin.

Lilette fouinait partout, et l'aïeule ne voulait pas se laisser paraître le parent pauvre de la famille. Il fallait que ça reluise partout. La fillette monta sur la demi-pointe afin d'attraper le bocal de thé noir, la théière argentée et la belle passoire à balancelle scintillant sur son support. Mais elle trouva la bouteille d'anisette vidée jusqu'à la dernière goutte. Il ne restait qu'une solution, courir à grandes enjambées chez le père Floriette, rue Saint-Gaucher.

Elle prit les sous enfermés dans la boîte à biscuit et s'esquiva le plus vite possible, claquant au passage la grille du jardin.

- Eh, là ! Où vas-tu, Nelly ?

- Y a plus de goutte ! Je cours vers le père Floriette !

- Ne tarde pas ! Je vous connais vous deux, quand vous partez dans vos histoires !

- Je peux acheter des baudruches ?

- D'accord, mais pas de bêtise hein ? Et passe chez Soubiran pendant que tu y es. Je n'ai plus d'alcool camphré pour le cou de l'oncle !

- Il a besoin que d'alcool celui-là !

- Reste brave, Nelly ! Ce n'est pas bon de parler mal !

Nelly parcourut les rues moites et crayeuses de Montélimar, s'arrêta dans le parc proche de la gare, regarda un instant les autres enfants jouer avec les bateaux de location, au pavillon du square. La partie ombragée du lieu dispensait une douce fraîcheur dans la chevelure de la gamine. Tandis que le manège de voilettes blanches tournait nonchalamment, Amandine installait les enfants sur les nouveaux chevaux, fraîchement repeints par Mathieu, son nouveau béguin.

Alors, à ce moment-là, voyant tant de chevaliers partir loin à la ronde, Nelly se dit que puisqu'elle demeurait seule, elle devrait trouver elle aussi un fiancé ; l'été florissant éclatait d'or pur, des myriades de gouttelettes de soleil filtraient au travers des jalousies, mouchetant la chambre d'un frémissement continu, de gazouillis d'oiseaux et bourdonnements d'insectes ; la vie bruissait de toutes parts, et quand on grandissait à hauteur de persiennes, on devait plus perdre son temps avec des gamineries.

Continuer

Autres livres par promotion

Voir plus

Inspirés de vos vus

De la femme de la Mafia à la reine du rival

De la femme de la Mafia à la reine du rival

Gavin
5.0

Après quinze ans de mariage et une lutte acharnée contre l'infertilité, j'ai enfin vu deux barres roses sur un test de grossesse. Ce bébé était ma victoire, l'héritier qui allait enfin consolider ma place d'épouse de Marc Vitali, un caïd de la pègre marseillaise. Je comptais l'annoncer à la fête de sa mère, un triomphe sur la matriarche qui ne voyait en moi qu'une terre aride. Mais avant que je puisse célébrer, mon amie m'a envoyé une vidéo. Le titre criard disait : « LE BAISER PASSIONNÉ DU CAÏD MARC VITALI EN BOÎTE DE NUIT ! » C'était lui, mon mari, dévorant une femme qui ressemblait à une version plus jeune, plus fraîche de moi. Quelques heures plus tard, Marc est rentré en titubant, ivre et puant le parfum d'une autre femme. Il s'est plaint que sa mère le suppliait de lui donner un héritier, ignorant tout du secret que je portais. Puis mon téléphone s'est allumé. Un SMS d'un numéro inconnu. « Ton mari a couché avec ma copine. Il faut qu'on parle. » C'était signé par Dante Moreau, le parrain impitoyable de notre clan rival. La rencontre avec Dante a été un cauchemar. Il m'a montré une autre vidéo. Cette fois, j'ai entendu la voix de mon mari, disant à l'autre femme : « Je t'aime. Éliane... c'est juste du business. » Mes quinze années de loyauté, à bâtir son empire, à prendre une balle pour lui – tout ça, balayé comme du « business ». Dante ne s'est pas contenté de révéler la liaison ; il m'a prouvé que Marc était déjà en train de piller nos biens communs pour se construire une nouvelle vie avec sa maîtresse. Puis, il m'a fait une offre. « Divorce-le, » a-t-il dit, ses yeux froids et calculateurs. « Rejoins-moi. On bâtira un empire ensemble et on le détruira. »

Le prix de l'amour inavoué

Le prix de l'amour inavoué

Gavin
5.0

Il y a six ans, j'ai anéanti l'homme que j'aimais pour le sauver. Aujourd'hui, il est revenu dans ma vie pour me prendre la seule chose qui me reste. J'étais en train de mourir d'une leucémie. Il ne me restait que quelques mois à vivre. Mon seul souhait était de passer ce temps avec ma fille, Chloé. Mais la sœur de mon défunt mari me poursuivait en justice pour la garde, exigeant une fortune que je n'avais pas. Puis, l'avocat de la partie adverse est entré. C'était Adrien Fournier. Il est resté là, le visage impassible, pendant que sa cliente me giflait. Il a menacé de me prendre ma fille, me traitant de mère indigne. « Signe », a-t-il dit, sa voix glaciale. « Ou on se verra au tribunal. Et je te prendrai tout. En commençant par ta fille. » Il ne savait pas que Chloé était sa fille. Il ne savait pas que j'étais mourante. Il savait seulement qu'il me haïssait, et il avait maintenant une nouvelle famille avec la femme dont la famille avait détruit la mienne. J'avais tout sacrifié pour le protéger, le repoussant avec des mensonges cruels pour qu'il puisse avoir un avenir. Mais mon sacrifice l'avait transformé en monstre, et il était maintenant l'arme utilisée pour m'anéantir complètement. Pour sauver notre fille, j'ai renoncé à l'argent de mon traitement et je l'ai envoyée loin. Alors qu'il célébrait la naissance de son nouvel enfant à l'étage au-dessus, je suis morte seule dans un lit d'hôpital. Mais je lui ai laissé une lettre. Une lettre qui allait réduire son monde parfait en cendres.

Chapitres
Lire maintenant
Télécharger le livre