Chaïm, une itinérance
pit
rtout... dans tous
la voix, t'appelant
dans la nuit comme j
ostalgie et j'ét
Teite
serrée dans ses bras pourtant vides ? Pas un jour, depuis qu'elle avait disparu, sans qu'il ne lui ait parlé. Parfois, il lui semblait entendre le son de sa voix lui prodiguant conseils, l'exhortant à patience, l'assurant de sa constance dans l'amour qu'elle lui portait. Mais quand il doutait, quand il croyait l'avoir perdue à jamais, ne jamais plus pouvoir l'entendre, la voir, la t
e sa joue, il se souvenait. Il en caressait, en rêve, la courbe douce quand la douleur l'étreignait. Petits, ils ne s'étaient jamais quitté
dans le creux palpitant juste à la naissance du cou de son aimée, pour sentir battre la vie de Sarah. Il caressait souvent l'arête de son nez retroussé et se jouait des narines p
s yeux toujours curieux, elle regardait le monde avec douceur. En elle, tout était émotion, beauté c
tait l'autonomie de l'autre et ils semblaient ne jamais s
rtant dispa
ait même profité de sa solitude pour courir, pêcher, plonger, éprouver son corps trop longtemps immobile sur les bancs du lycée. Et malgré tout, le soir, privé de l'éclat de ses yeux, il se sentait toujours affamé. De vide, pourtant, il ne pouvait encore parler. Mais quand l'absence est devenue cri
s regards qui certainement annonçaient la séparation. Sans doute n'avait-il pas voulu voir, savoir, et sans doute s'était-il refusé au malheur
on pour ceux qu'il aimait, conscient du moindre geste, attentif aux mots, au plu
erché Sara
ssait. Comme une vague scélérate, la haine gonflait, s'exacerbait contre les Juifs en P
t que le village d'
perçu l'intensité des cris, le souffle court du sonneur. Peut-être n'avait-il rien voulu comprendre ? Il avait fait comme si les sons avaient toujours été les mêmes. Il refusait de se mêler au chœur de ceux qui suppliaient. Il voulait résister ! Se pensait-il invulnérable, plus fort que ceux qui se lamentaient et se refusaient à la rébellion au nom de l
résent – elle avait protégé jusqu'au dernier moment leurs instants de paix pour ne pas l'inquiéter. Mais au f
ait, ils brouillaient le reflet de leur monde pour le façonner à volonté. Leur imagination galopait. Du souffle de l'hiver, ils se jouaient. Bien couverts, ils s'amusaient à résister à cette force étrange, écartaient les bras et s'envolaient. Ils découvraient alors la plaine à l'infini, blanche, et s'étourdissaient d'être si petits dans cette immensité. L'été, ils mettaient leurs pas dans les ombres portées des vieilles barrières de bois qui clôturaient de minuscules jardinets. Ils comptaien
revoit Sarah posant ses mots dans l'espace de la feuille. Elle avait dessiné la fleur s'élevant au-dessus de son prénom, comme y prenant racine. Elle avait colorié l'intérieur des lettres qui s'épaississaient. Elles n'étaient pas toutes de la même grandeur. Elfe ou fée, ce cahier riait. Il disait la beauté de la vie malgré déjà la perception terrible de sa dureté. Chaïm ne voyait-il tout cela aujou
s, s'en nourrissaient ! Ceux des poèmes surtout, qu'ils récitaient ensemble, mais ceux de romans aussi. À travers tous ces écrits, ils avaient rêvé des mêmes paysages, vécu les amours des mêmes per
x aguets. D'où lui venaient, à elle si gracile, si fragile, cette force et cette lucidité ? Il l'admirait. Il avait compris qu'elle le dépassait en sagesse,
e, courant dans les champs de blé, les bras rouges de coquelicots. Elle était toujours restée pour lui la jeune fille qu'il avait connue. Impossible d'imaginer des rides au bord des yeux, des lèvres moins pulpeuses et comme couturées de stries, des sillons sur le front, des traits marqués, une bague à son doigt. Il avait beau se
qui s'annonçait ? La guerre, l'invasion de la Pologne par les forces du mal ! Était-elle par
in de Paris, où tant de
s études, s'attardant le soir aux terrasses des cafés pour y refaire le monde. Ils avaient lu beaucoup de littérature française, et à travers elle, ils croyaient connaître le pays. Ils avaient fréquenté la philosophie des Lumières et tremblaient d'enthousiasme, persuadés qu'
érique où certains avaient trouvé refuge. Peut-être découvrirait-elle là-bas une vie de
frait pour Sarah de la brûlure du soleil sur sa peau que bientôt boursoufleraient les ardeurs du vent, de la soif, de la faim, de l'isolement. Il se rassurait pourtant, en pensant que l'île était si éloignée de chez eux que la haine qui les s
a nuit sauvage, au cœur des bourrasques, quand le vent arrache au ciel les étoiles1, au moins vivrait-elle au bord du fleuve Amour. Au m
ui se fait tapis ne peut se plaindre de la poussière », lui avait dit un jour son père, alors ils'était repris. Il avait décidé d
ie, d'en faire une œuvre de bonté, d'écoute, de partage, d'égalité, de justice. L'hiver, ils participaient à toutes les réunions organisées par de plus vieux qu'eux qui les accueillaient, les instruisaient et les impressionnaient par leur culture, leur amour de la lecture,
gs où ils se baignaient, ils exposaient leurs corps au soleil de l'été. Ils étaient jeunes, vigoureux, fiers de faire fi des pruderies risibles des religieux qui ne pouvaient supporter l'idée de femmes presque nues. « Comment ? Oser porter culotte comme des messieurs et, sans vergogne, exposer ses formes à leurs regards
alle, mais le portier chaque fois, sans doute ému de tant de passion chez des jeunes, tournait la tête et les laissait passer. Ainsi Chaïm avait connu les plus grands violonistes, les plus grands pianistes de Pologne ou de passage dans le pays. Il se souvient de la flamme dans les yeux de cette toute je
ment des étoiles sur le miroir de l'eau gelée. Il aimait leur chaleur qui adoucissait l'éclat acéré de la lune d'acier. Le spectacle de la débâcle l'attirait, le fascinait. La force de la vie l'impressionnait. L'eau brisait, entraînant sur son passage des blocs grinçants de glace torturés. Et le fleuve criait. Il a dans les
. Il refusait la division et la misère. Les arguments des haineux, il ne les a jamais compris, de quelque côté que se trouvent ceux qui prêchent la discorde. La guerre s'annonçait aux frontières du pays. Trop occupés par les luttes intestines, trop peu de nationaux voyaient le danger venant de l'extérieur : une invasion par l'Allemagne qui prétendait récupérer des terres autrefois siennes. Chaïm avait tenté de lutter contre cet aveuglement pour réveiller les consciences et s'organiser pour résister. Car fuir le danger, il s'y refusait : il était né ici, il était d'ici et son corps le savait qui se jouait des humeurs du vent, rés
le danger d'une guerre imm
de son ghetto. De cela, il ne voulait pas. Il n'était pas né