Souvenirs de l'aube
le trajet avançait, moins il y avait de places. En plus, ce vendredi était un jour de permission militaire : les apprentis bidasses avaient donc, eux aussi, investi le train. La plupa
roduisit que cette première fois. Par la suite, à la descente du train à Paris, j'aimais beaucoup observer l'ambiance de la Gare de Lyon : je m'amusais de voir les mines effarées des gens qui nous regardaient, nous dévisageant comme des bêtes curieuses en voyant cette horde de jeunes loups débarquant comme des boulets au milieu d'un jeu de quilles. Après plusieurs semaines d'autarcie, il était amusant de croiser autant de particularités de bipèdes, encombrés de bagages et, stressés, trépignant parfois pour leurs horaires de train aux départs des Grandes Lignes. Ces voyageurs d'un jour se mélangeaient souvent aux « gros arrivages », créant ainsi une espèce de masse tumultueuse devenant rapidement insoutenable pour l'oreille, tant le brouhaha devenait intense de voix tous azimuts, de crissements obstinés et incessants des freins des convois aux arrivées, des bruyantes turbines électriques des locomotives, couplées aux multiples coups de sifflet etaux coups secs des avertisseurs de manutentionnaires sur leurs chariots, des cliquetis en cascade des clapets à rouleaux qui équipaient les panneaux d'affichage, le tout cumulé aux annonces des départs et arrivées de trains, dont on ne distinguait correctement que le carillon et, dont les contenus nasillards étaient souvent inaudibles dans le tumulte de cette Gare de Lyon, certes grouillante de vie mais, générant tel un tohu-bohu général qu'on finissait par être abrutis au milieu d'une foule ahurie. Le plus important était le moment du repos du guerrier : cette période de vacances, courte mais tant attendue. Je savourais les premiers instants. Ce soir-là, dans la voiture de ma mère, en cette fin d'année, je regardais défiler les rues, les avenues, les boulevards, les monuments éclairés de Paris, puis les longs rubans lumineux de la soixantaine de kilomètres d'autoroute qui nous ramenait à la maison. J'éprouvais a
é en flagrant délit, mis en garde à vue une nuit, puis relâché le lendemain matin, au petit jour, grâce à son grand-père policier. Il nous détailla les faits avec une précision remarquable, tant et si bien que nous étions pris dans son récit, à la fois stupéfaits et intrigués, puis heureux quant au dénouement de son histoire. Passé ce moment euphorique des retrouvailles entre copains, la vie de collégien et d'internat reprit vite son cours au sein du Val d'Arly. Alors que le mois et demi précédent était, comme dans chaque établissement, une période de mise en route, faite de découvertes et d'adaptation au rythme de la vie scolaire propre au Val d'Arly, ainsi qu'à l'internat et ses règles de fonctionnement, fort de nos repères, en cette période d'automne, nous
le premier coup de sifflet retentit : la compétition débutait par les plus jeunes et j'étais dans le lot. Tant que le parcours du cross se situait sur les faux plats du chemin de l'école, tout allait bien mais les choses se corsaient lorsque le tracé empruntait les pentes des prés sous l'école. Monsieur Coiron avait beau eut à nous entraîner à l'endurance sur la route du Passieu de Saint-Nicolas, remonter la pente abrupte du terrain de foot (sous la Ferme), sur quarante mètres en courant à marche forcée, tout en contrôlant sa respiration pour ne pas finir à bout de souffle au
opiées, juste avant les épreuves, à l'aide d'une sorte d'imprimante hors d'âge, actionnée manuellement à l'aide d'une manivelle fixée sur un rouleau encreur cylindrique. Lorsque les professeurs entreprenaient l'impression des dizaines de copies nécessaires, il émanait du bureau de Monsieur Deflandre, jusque dans les couloirs attenants aux salles de classe,une forte odeur d'alcool d'impression entêtante et assez tenace. Ce signal olfactif mémorable donnait alors le top départ de ces épreuves tant redoutées. Au moment de la distribution des copies en salle, avant même de lire les sujets, imprimés à l'encre violette sur une sorte de papier thermique, j'adorais renifler le papier encore imprégné de l'odeur de l'encre, qui me rappelait celle de la colle à reliure des livres neufs. Et à chaque début d'heure d'examen, c'était le même rituel : je ne pouvais pas résister à l'envie de sniffer ma feuille. Un plaisir de courte durée puisqu'il fallait vite se mettre au travail, tout en surmontant notre boule au ventre de la crainte du trou de mémoire, de se mélanger les pinceaux entre toutes les matières, ou celle de l'échec potentiel. Enfin, nous nous sentions beaucoup mieux lorsque se terminait le dernier examen. Mais ce soulagement était de courte durée car, un autre grand moment, qui allait se reproduire chaque fin de trimestre, devait arriver, la veille de notre départ pour les vacances de Noël : « La lecture des notes ». Cet événement incontournable, lui aussi redoutable, présidé par Monsieur Desmarets, était une réunion générale de tous les élèves, en présence de la plupart des enseignants et des éducateurs de l'école. Celle-ci se déroulait dans la salle de télévision, ou plus rarement dans la salle de gymnastique mitoyenne, aménagée sous les combles de
ec la perspective de notre départ en vacances pour la période de Noël. La magie opérait déjà puisque les premières n